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valet, cette derniere phrase est une antistrophe, une phrase tournée par rapport à la premiere. On rapporte à cette figure ce passage de saint Paul : Hæbræi sunt, & ego. Israelitæ sunt, & ego. Semen Abrahæ sunt, & ego. II. Cor. c. xj. vers. 22. (F)

Antistrophe, (Bell. Lett.) terme de l’ancienne poësie lyrique chez les Grecs. L’antistrophe étoit une des trois parties de l’ode, dont les deux autres se nommoient strophe & épode. La strophe & l’antistrophe contenoient toûjours autant de vers l’une que l’autre, tous de même mesure, & pouvoient par conséquent être chantées sur le même air, à la différence de l’épode qui comprenoit des vers d’une autre espece, soit plus longs, soit plus courts. Voyez Epode.

L’antistrophe étoit une espece de réponse ou d’écho relatif tant à la strophe qu’à l’épode. Les Grecs nommoient période ces trois couplets réunis ; c’est ce que nous appellerions un couplet à trois stances. Voyez Periode. (G)

ANTITACTES, s. m. pl. (Théol.) anciens hérétiques ou Gnostiques ainsi nommés, parce qu’en avoüant d’une part que Dieu le créateur de l’univers étoit bon & juste, ils soûtenoient d’un autre côté qu’une de ses créatures avoit semé la zizanie, c’est-à-dire, créé le mal moral, & nous avoit engagés à le suivre, pour nous mettre en opposition avec Dieu le créateur ; & de-là est dérivé leur nom, d’ἀντιταττω, je m’oppose, je combats. Ils ajoûtoient que les commandemens de la loi avoient été donnés par de mauvais principes ; & loin de se faire scrupule de les transgresser, ils croyoient venger Dieu, & se rendre agréables à ses yeux en les violant. S. Clément d’Al. lib. III. Stromat. Dupin, Biblioth. des Auteurs eccl. des III. premiers siecles. (G)

* ANTITAURUS, s. m. (Géog. ancien. & mod.) montagne de la petite Arménie séparée du mont Taurus vers le nord, entre l’Euphrate & l’Arsanias. Les habitans de ces contrées l’appellent Rhoam-Taura.

* ANTITHÉES, s. m. pl. (Divinat.) mauvais génies qu’invoquoient les magiciens, dont Arnobe, le seul qui en ait parlé, ne nous en apprend pas davantage.

ANTI-THENAR, nom que les Anatomistes donnent à plusieurs muscles, autrement appellés adducteurs. Voyez Adducteur.

Ce mot est Grec ; il est composé de ἀντὶ, contre, & de θέναρ, à cause que ces muscles agissent en antagonistes aux thénars & abducteurs. Voyez Thenar & Abducteur.

L’antithénar ou adducteur du pouce de la main s’attache tout le long de l’os ou métacarpe, qui soûtient le doigt du milieu, à celui du doigt index, & s’insere à la partie latérale de la premiere, & à la partie supérieure de la seconde phalange du pouce, en recouvrant l’os sésamoïde interne ; c’est le mésothénar. Winslow, Exp. an.

L’antithénar ou adducteur du gros orteil s’attache à la partie antérieure de la face inférieure du calcaneum, au grand os cunéiforme, & va se terminer à l’os sésamoide externe. (L)

ANTITHESE, s. f. (Bell. Lett.) figure de Rhétorique qui consiste à opposer des pensées les unes aux autres, pour leur donner plus de jour. « Les antitheses bien ménagées, dit le P. Bouhours, plaisent infiniment dans les ouvrages d’esprit ; elles y font à peu près le même effet que dans la Peinture les ombres & les jours qu’un bon Peintre a l’art de dispenser à propos, ou dans la Musique les voix hautes & les voix basses, qu’un maître habile sait mêler ensemble ». On en rencontre quelquefois dans Cicéron ; par exemple, dans l’oraison pour Cluentius, vicit pudorem libido, timorem audacia, rationem amentia ; & dans celle pour Muréna, odit populus Romanus privatam luxuriam, publicam magnificentiam diligit.

Telle est encore cette pensée d’Auguste parlant à quelques jeunes séditieux : audite, juvenes, senem quem juvenem senes audiere.

Junon dans Virgile résolue de perdre les Troyens, s’écrie :

Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo.

Quelque brillante au reste que soit cette figure, les grands Orateurs, les excellens Poëtes de l’antiquité ne l’ont pas employée sans réserve, ni semée, pour ainsi dire, à pleines mains, comme ont fait Seneque, Pline le jeune, & parmi les Peres de l’Eglise, saint Augustin, Salvien, & quelques autres. Il s’en trouve à la vérité quelquefois de fort belles dans Seneque, telle que celle-ci, curæ leves loquuntur, ingentes stupent : mais pour une de cette espece, combien y rencontre-t-on de misérables pointes, & de jeux de mots que lui a arrachés l’affectation de vouloir faire régner par-tout des oppositions de paroles ou de pensées ? Perse frondoit déjà de son tems les déclamateurs qui s’amusoient à peigner & à ajuster des antitheses, en traitant les sujets les plus graves.

crimina rasis
Librat in antithetis doctus posuisse figuras.

Parmi nos Orateurs, M. Fléchier a fait de l’antithese sa figure favorite & si fréquente, qu’elle lui donne par-tout un air manieré. Il plairoit davantage, s’il en eût été moins prodigue. Certains critiques austeres opinent à la bannir entierement des discours, parce qu’ils la regardent comme un vernis ébloüissant à la faveur duquel on fait passer des pensées fausses, ou qui altere celles qui sont vraies. Peut-être les sujets extrèmement sérieux ne la comportent-ils pas : mais pourquoi l’exclurre du style orné & des discours d’appareil, tels que les complimens académiques, les panégyriques, l’oraison funebre, pourvû qu’on l’y employe sobrement, & d’ailleurs qu’elle ne roule que sur les choses, & jamais sur les mots ? (G)

Antithese, (Gramm.) Quelques Grammairiens font aussi de ce mot une figure de diction, qui se fait lorsqu’on substitue une lettre à la place d’une autre ; comme lorsque Virgile a dit, olli pour illi, ce qui fait une sorte d’opposition : mais il est plus ordinaire de rapporter cette figure au métaplasme, mot fait de μεταπλάσσω, transformo. (F)

ANTITHÉTAIRE, s. m. (Droit.) terme qui se présente souvent dans le titre d’un chapitre des lois de Canus, mais non pas dans le chapitre même. Il signifie un homme qui tâche de se décharger d’un délit, en récriminant, c’est-à-dire, en chargeant du même fait son propre accusateur. Voyez Récrimination. (H)

ANTITHETE, adj. antitheton, opposé, contraire, disposé en forme d’antithese. Voyez Antithese.

ANTITRAGUS, s. m. dans l’Anatomie, est la partie de l’oreille externe opposée au tragus. Voyez Tragus & Oreille. (L)

ANTITRINITAIRES, s. m. pl. (Théol.) Les Antitrinitaires sont des hérétiques qui nioient la sainte Trinité, & qui prétendoient qu’il n’y avoit point trois personnes en Dieu. Voyez Trinité & Dieu.

Les Samosaténiens qui n’admettoient aucune distinction de personnes en Dieu ; les Ariens qui nioient la divinité du Verbe ; & les Macédoniens qui contestoient celle du Saint-Esprit, sont, à proprement parler. tous Antitrinitaires. Voyez Samosaténiens, Ariens, &c.

Par Antitrinitaires, on entend aujourd’hui particulierement les Sociniens, qu’on appelle encore Unitaires. Voyez Sociniens & Unitaires.

Christophe Sandius, fameux Antitrinitaire, a donné dans un ouvrage posthume intitulé, Bibliotheca Antitrinitatoriorum, Bibliotheque des Antitrinitaires, une liste digérée par ordre des tems de tous les So-