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se dit en comptant depuis le commencement du monde ; ces années, suivant Scaliger, sont au nombre de 5676. On dit aussi ans de Rome, de l’égire de Nabonassar, &c. Voyez l’article Epoque. (O)

Année séculaire, c’est la même chose qu’un Jubilé. Voyez Jubilé. (G)

Cet article traduit de Chambers, & augmenté, a été tiré par l’auteur Anglois des élémens de Chronologie de M. Wolf.

AN ET JOUR, en Droit, &c. est un tems qui détermine le droit d’une personne dans bien des cas, & qui quelquefois opere l’usucapion, & quelquefois la prescription. Voyez Prescription, &c.

Par exemple, la possession pendant an & jour opere une fin de non-recevoir contre le propriétaire qui réclame des effets mobiliaires. Elle opere aussi en faveur du possesseur qui a détenu pendant ce tems un héritage, le droit de se faire maintenir en ladite possession, par la complainte, ou action de reintégrande. Voyez Complainte & Reintegrande. Voyez le titre des prescriptions dans la Coûtume de Paris.

L’an & jour en matiere de retrait, est le tems accordé aux lignagers, pour retraire un héritage propre qui a été aliéné, & au-de-là duquel le retrait n’est plus praticable. Ce tems court même contre les mineurs, sans espérance de restitution. V. Lignager.

An de deuil. Voyez Deuil.

An de viduité. Voyez Viduité ou Deuil.

ANA, (Pharm.) caractere usité dans les ordonnances de Medecine, qu’on écrit aussi par abbréviation aa ; il désigne dans une recette ou dans une ordonnance, des parties égales d’ingrédiens, soit que ces ingrédiens soient liquides ou secs. Voyez A. Ainsi quelques Auteurs ont dit une proportion anatique, pour signifier raison ou proportion d’égalité. Voyez Egalité, Raison, &c. (N)

* ANA, ville d’Asie, dans l’Arabie deserte, sur l’Euphrate. Long. 60. 20. lat. 33. 25.[1]

* ANAB, (Géog. anc.) montagne dans la Tribu de Juda, au pié de laquelle il y avoit une ville du même nom, entre Dabet & Istamo. V. Jos. xj.

* ANABAGATHA, (Géog. anc.) ancienne ville d’Asie, sous le Patriarchat d’Antioche. Voyez Aubert le Mire, in Géog. eccles. not.

* ANABAO, (Géog. mod.) une des îles Moluques, au sud-ouest de Timor. Anabao & Timor sont séparées par un canal qui peut recevoir tous les vaisseaux. Il y a deux pointes à l’extrémité du canal ; celle qui est du côté méridional, & qui s’appelle Cupang, appartient à Timor ; celle qui est sur le côté septentrional est à Anabao.

ANABAPTISME, hérésie des Anabaptistes. Voyez l’article suivant.

ANABAPTISTES, s. m. plur. (Théol.) secte d’hérétiques qui soûtiennent qu’il ne faut pas baptiser les enfans avant l’âge de discrétion, ou qu’à cet âge on doit leur réitérer le baptême, parce que selon eux ces enfans doivent être en état de rendre raison de leur foi, pour recevoir validement ce sacrement.

Ce mot est composé d’ἀνὰ, de rechef, & de βαπτίζω ou de βάπτω, baptiser, laver, parce que l’usage des Anabaptistes est de rebaptiser ceux qui ont été baptisés dans leur enfance.

Les Novatiens, les Cataphryges, & les Donatistes, dans les premiers siecles, ont été les prédecesseurs des nouveaux Anabaptistes, avec lesquels cependant il ne faut pas confondre les Evêques catholiques d’Asie & d’Afrique, qui dans le troisieme siecle soûtinrent que le baptême des hérétiques n’étoit pas valide, & qu’il falloit rebaptiser ceux de ces hérétiques qui rentroient dans le sein de l’Eglise. Voyez Rebaptisans.

Les Vaudois, les Albigeois, les Pétrobrusiens, & la plûpart des sectes qui s’éleverent au xiie siecle, passent pour avoir adopté la même erreur : mais on ne leur a pas donné le nom d’Anabaptistes, car il

paroît d’ailleurs qu’ils ne croyoient pas le baptême fort nécessaire. Voyez Albigeois, &c.

Les Anabaptistes proprement dits, sont une secte de protestans qui parut d’abord dans le xvie siecle en quelques contrées d’Allemagne, & particulierement en Westphalie, où ils commirent d’horribles excès. Ils enseignoient que le baptême donné aux enfans étoit nul & invalide ; que c’étoit un crime que de prêter serment & de porter les armes ; qu’un véritable Chrétien ne sauroit être magistrat : ils inspiroient de la haine pour les puissances & pour la noblesse ; vouloient que tous les biens fussent communs, & que tous les hommes fussent libres & indépendans, & promettoient un sort heureux à ceux qui s’attacheroient à eux pour exterminer les impies, c’est-à-dire, ceux qui s’opposoient à leurs sentimens.

On ne sait pas au juste quel fut l’auteur de cette secte : les uns en attribuent l’origine à Carlostad, d’autres à Zuingle. Cochlée dit que ce fut Balthasar Pacimontan, nommé par d’autres Hubméïr, & brûlé pour ses erreurs à Vienne en Autriche l’an 1527. Meshovius, qui a écrit fort au long une histoire des Anabaptistes, imprimée à Cologne en 1617. leur donne pour premier chef Pelargus, qui commença, dit-il, à ébaucher cette hérésie en 1522. Leur système paroît avoir été développé successivement en Allemagne par Hubmeïr, Rodenstein, Carlostad, Westenberg, Didyme, More, Mansius, David, Hoffman, Kants ; & par plusieurs autres, soit en Hollande, soit en Angleterre.

L’opinion la plus commune est qu’elle doit son origine à Thomas Muncer de Zwicau, ville de Misnie, & à Nicolas Storch ou Pelargus de Stalberg, en Saxe, qui avoient été tous deux disciples de Luther, dont ils se séparerent ensuite, sous prétexte que sa doctrine n’étoit pas assez parfaite ; qu’il n’avoit que préparé les voies à la réformation ; & que pour parvenir à établir la véritable religion de Jesus-Christ, il falloit que la révélation vînt à l’appui de la lettre morte de l’écriture. Ex revelationibus divinis judicandum esse, & ex bibliis, dicebat Muncerus.

Sleidan est l’auteur qui détermine plus précisément l’origine des Anabaptistes, dans ses commentaires historiques. Il observe que Luther avoit prêché avec tant de force pour ce qu’il appelloit la liberté évangélique, que les paysans de Suabe se liguerent ensemble, sous prétexte de défendre la doctrine évangélique & de secoüer le joug de la servitude. Obductâ causâ quasi doctrinam evangelii tueri, & servitutem abs se profligare vellent. Ils commirent de grands desordres : la noblesse, qu’ils se proposoient d’exterminer, prit les armes contr’eux ; & après en avoir tué un grand nombre, les obligea à poser les armes, excepté dans la Turinge, où Muncer, secondé de Pfiffer, homme hardi, avoit fixé le siége de son empire chimérique à Mulhausen. Luther leur écrivit plusieurs fois pour les engager à quitter les armes, mais toûjours inutilement : ils retorquerent contre lui sa propre doctrine, soûtenant que puisqu’ils avoient été rendus libres par le sang de Jesus-Christ, c’étoit déjà trop d’outrage au nom Chrétien qu’ils eussent été réputés esclaves par la noblesse, & que s’ils prenoient les armes, c’étoit par ordre de Dieu. Telles étoient les suites du fanatisme où Luther lui-même avoit plongé l’Allemagne par la liberté de ses opinions. Il crut y remédier en publiant un livre dans lequel il invitoit les Princes à prendre les armes contre ces séditieux, qui abusoient ainsi de la parole de Dieu. Il est vrai que le comte de Mansfeld, soûtenu par les Princes & la noblesse d’Allemagne, défit & prit Muncer & Pfiffer, qui furent exécutés à Mulhausen : mais la secte ne fut que dissipée & non détruite ; & Luther, suivant son caractere inconstant, desavoüa en quelque sorte son premier livre par un

  1. Voir erratum tome II p. iv.