L’Encyclopédie/1re édition/REINTÉGRANDE

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REINTÉGRANDE, s. f. (Jurisprud.) est une action possessoire par laquelle celui qui a été dejetté & spolié par violence de la possession d’un immeuble, se peut pourvoir dans l’an & jour de cette spoliation, afin d’être remis & réintégré en sa possession.

Elle a été ainsi appellée quasi-réintégration seu restitutio in integrum, parce qu’elle tend à remettre les choses dans leur entier, c’est-à-dire, dans l’état où elles étoient avant le trouble.

Cette action tire son origine de l’interdit ou action possessoire, qui étoit usité chez les Romains, appellé interdictum unde vi.

La réintégrande a pour fondement cette maxime tirée tant du droit civil que du droit canonique, spoliatus ante omnia restituendus est : ce qui s’observe indistinctement, quand même celui qui a été spolié, n’auroit aucun droit à la chose, parce qu’il n’est permis à qui que ce soit de se faire à soi-même justice, ni de dépouiller de son autorité privée quelqu’un d’un bien dont il est en possession.

On comprend quelquefois la réintégrande sous le terme général de complainte ; elle ne differe en effet de la complainte proprement dite qu’en ce que la complainte est pour le cas d’un simple trouble sans dépossession ; au lieu que la réintégrande est pour le cas où il y a eu expulsion violente.

On peut poursuivre la réintégrande civilement ou criminellement.

Elle se poursuit par action civile, quand celui qui a été expulsé, fait simplement ajourner le détempteur, ou celui qui l’a expulsé, pour voir dire qu’il sera réintégré dans sa possession.

La réintégrande se poursuit criminellement, lorsque celui qui a été expulsé, rend plainte de cette violence, & qu’il demande permission de faire informer.

Celui qui a intenté cette action au civil, ne peut plus prendre la voie extraordinaire ; mais quand il a pris d’abord la voie criminelle, les juges peuvent en connoissance de cause renvoyer les parties à fins civiles.

L’action de réintégrande doit, comme la complainte, être intentée dans l’an & jour du trouble.

On peut intenter la réintégrande devant tous juges, même non royaux, pourvu qu’il n’y ait point de port-d’armes ; mais MM. des requêtes n’en peuvent connoitre au criminel, à moins qu’elle ne soit incidente à un procès qui étoit déjà pendant par-devant eux pour le même héritage.

Si le défendeur à la réintégrande dénie le trouble qu’on lui impute, on appointe les parties à faire preuve de leurs faits.

On ne peut former aucune demande au pétitoire jusqu’à ce que la réintégrande ait été jugée, & le jugement exécuté, tant en principal que restitution de fruits, dépens, dommages & intérêts, si aucuns ont été adjugés.

Cependant si le demandeur étoit en demeure de faire liquider tous ces accessoires, le défendeur à la réintégrande, pourroit poursuivre le pétitoire en donnant caution, de payer le tout après la taxe & liquidation qui en sera faite.

Les sentences qui interviennent dans cette matiere, sont exécutoires par provision, nonobstant l’appel. Voyez le tit. 8 de l’ordonnance de 1667 des complaintes & réintégrandes, & les notes de Bornier sur cet article, & les mots Complainte, Nouvelleté, Possession, Pétitoire, Possessoire, Spoliation. (A)