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suite jusqu’à Ω ; ce qui fait pour chaque Dieu quatre-vingt-seize épithetes. Voyez Anthologie.

Il y a beaucoup d’apparence qu’à la renaissance des Lettres sous François I. nos Poëtes, qui se piquoient beaucoup d’imiter les Grecs, prirent de cette forme de poésie le dessein des Acrostiches, qu’on trouve si répandus dans leurs écrits, & dans ceux des rimeurs qui les ont suivis jusqu’au regne de Louis XIV. C’étoit affecter d’imposer de nouvelles entraves à l’imagination déja suffisamment resserrée par la contrainte du vers, & chercher un mérite imaginaire dans des difficultés qu’on regarde aujourd’hui, & avec raison, comme puériles.

On se servoit aussi dans la cabale des lettres d’un mot pour en faire les initiales d’autant de mots différens ; & Saint Jerome dit que David employa contre Semeï, un terme dont chaque lettre signifioit un nouveau terme injurieux, ce qui revient à nos acrostiches. Mém. de l’Acad. t. IX. (G)

Acrostiche, s. f. en Droit, s’est dit pour cens. Voyez Cens.

* ACROSTOLION ou CORYMBE, s. m. (Hist. anc.) C’étoit l’extrémité de la proue des vaisseaux anciens. Le rostrum ou l’éperon étoit plus bas, & à fleur d’eau.

ACROTERES, s. f. (Architecture.) Quelques-uns confondent ce terme avec amortissement, couronnement, &c. à cause qu’il vient du Grec ἀκρωτήριον, qui signifie extrémité ou pointe : aussi Vitruve nomme-t-il acroteres de petits piés-d’estaux sans base, & souvent sans corniche, que les Anciens destinoient à recevoir les figures qu’ils plaçoient aux extrémités triangulaires de leurs frontons : mais dans l’Architecture françoise, ce terme exprime les petits murs ou dosserets que l’on place à côté des piés-d’estaux, entre le socle & la tablette des balustrades. Ces acroteres sont destinées à soûtenir la tablette continue d’un pié-d’estal à l’autre, & font l’office des de demi-balustres, que quelques Architectes affectent dans leur décoration, ce qu’il faut éviter. Voyez Balustrades. (P)

* ACROTERIA (Hist. anc.) ce sont, dans les médailles, les signes d’une victoire, ou l’emblème d’une ville maritime ; ils consistoient en un ornement de vaisseau recourbé.

ACRU, (Manége.) On dit monter à cru. V. Monter.

* ACTÆA, s. (Bot. Hist. nat.) herbe dont Pline fait mention, & que Ray prend pour l’Aconitum racemosum ou l’herbe de Saint-Christophe. Tous les Botanistes regardent le suc de la Christophorienne comme un poison ; cependant Pline dit qu’on en peut donner le quart d’une pinte dans les maladies internes des femmes. Il faut donc ou que l’Actæa ne soit pas la même plante que la Christophorienne ; ou que la Christophorienne ne soit pas un poison ; ou que ce soit une preuve des réflexions que j’ai faites à l’article Acmella. Voyez Acmella.

* ACTEA, n. p. (Myth.) une des cinquante Néréides.

ACTE, s. m. (Bel. Lettres.) partie d’un Poëme Dramatique, séparée d’une autre partie par un intermede.

Ce mot vient du Latin actus, qui dans son origine, veut dire la même chose que le δρᾶμα des Grecs ; ces deux mots venant des verbes ago & δράω, qui signifient faire & agir. Le mot δρᾶμα convient à toute une piece de théatre ; au lieu que celui d’actus en Latin, & d’acte en François, a été restraint, & ne s’entend que d’une seule partie du Poëme dramatique.

Pendant les intervales qui se rencontrent entre les actes, le théatre reste vacant, & il ne se passe aucune action sous les yeux des spectateurs ; mais on suppose qu’il s’en passe hors de la portée de leur vûe quel-

qu’une rélative à la piece, & dont les actes suivans

les informeront.

On prétend que cette division d’une piece en plusieurs actes, n’a été introduite par les Modernes, que pour donner à l’intrigue plus de probabilité, & la rendre plus intéressante : car le spectateur à qui dans l’acte précédent on a insinué quelque chose de ce qui est supposé se passer dans l’entre-acte, ne fait encore que s’en douter, & est agréablement surpris, lorsque dans l’acte suivant, il apprend les suites de l’action qui s’est passée, & dont il n’avoit qu’un simple soupçon. Voyez Probabilité & Vraissemblance.

D’ailleurs les Auteurs dramatiques ont trouvé par-là le moyen d’écarter de la scene, les parties de l’action les plus seches, les moins intéressantes, celles qui ne sont que préparatoires, & pourtant idéalement nécessaires, en les fondant pour ainsi dire dans les entre-actes, de sorte que l’imagination seule les offre au spectateur en gros, & même assez rapidement pour lui dérober ce qu’elles auroient de lâche ou de désagréable dans la représentation. Les Poëtes Grecs ne connoissoient point ces sortes de divisions ; il est vrai que l’action paroît de tems en tems interrompue sur le théatre, & que les Acteurs occupés hors de la scene, ou gardant le silence, font place aux chants du chœur ; ce qui produit des intermedes, mais non pas absolument des actes dans le goût des Modernes, parce que les chants du chœur se trouvent liés d’intérêt à l’action principale avec laquelle ils ont toûjours un rapport marqué. Si dans les nouvelles éditions leurs tragédies se trouvent divisées en cinq actes, c’est aux éditeurs & aux commentateurs, qu’il faut attribuer ces divisions, & nullement aux originaux ; car de tous les Anciens qui ont cité des passages de comédies ou de tragédies Greques, aucun ne les a désignés par l’acte d’où ils sont tirés, & Aristote n’en fait nulle mention dans sa Poëtique. Il est vrai pourtant qu’ils considéroient leurs pieces comme consistant en plusieurs parties ou divisions, qu’ils appelloient Protase, Epitase, Catastase, & Catastrophe ; mais il n’y avoit pas sur le théatre d’interruptions réelles qui marquassent ces divisions. Voyez Protase, Epitase, &c.

Ce sont les Romains qui les premiers ont introduit dans les pieces de théatre cette division par actes. Donat, dans l’argument de l’Andrienne, remarque pourtant qu’il n’étoit pas facile de l’appercevoir dans leurs premiers Poëtes dramatiques : mais du tems d’Horace l’usage en étoit établi ; il avoit même passé en loi.

Neuve minor, neu sit quinto productior actu
Fabula, quæ posci vult & spectata reponi.

Mais on n’est pas d’accord sur la nécessité de cette division, ni sur le nombre des actes : ceux qui les fixent à cinq, assignent à chacun la portion de l’action principale qui lui doit appartenir. Dans le premier, dit Vossius, Institut. Poët. Lib. II. on expose le sujet ou l’argument de la piece, sans en annoncer le dénouement, pour ménager du plaisir au spectateur, & l’on annonce les principaux caracteres : dans le second on développe l’intrigue par degrés : le troisieme doit être rempli d’incidens qui forment le nœud : le quatrieme prépare des ressources ou des voies au dénouement, auquel le cinquieme doit être uniquement consacré.

Selon l’Abbé d’Aubignac, cette division est fondée sur l’expérience ; car on a reconnu 1°. que toute tragédie devoit avoir une certaine longueur ; 2°. qu’elle devoit être divisée en plusieurs parties ou actes. On a ensuite fixé la longueur de chaque acte ; il a été facile après cela d’en déterminer le nombre. On a vû, par exemple, qu’une tragédie devoit être environ de quinze ou seize cens vers partagés en plusieurs actes ; que chaque acte devoit être environ de trois cens vers : on en a conclu que la tragédie devoit avoir cinq actes,