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le témoignage des apôtres qui avaient vécu avec le Sauveur, c’est qu’ils ignoraient complètement la nature et les opérations de l’Esprit-Saint. Aussi saint Jean parlant du sang et de l’eau qui découlèrent du côté de Jésus, dit-il dans son évangile, qu’il l’a vu ; et il donne ce témoignage comme le plus certain de tous. Toutefois, l’inspiration de l’Esprit-Saint est pour tout autre qu’un infidèle, bien supérieure au témoignage des yeux. Au reste, saint Luc avait, lui aussi, reçu l’Esprit-Saint comme l’attestent les prodiges qu’opéraient alors tous les fidèles auxquels l’Esprit-Saint se communiquait indistinctement. Nous en avons encore une seconde preuve dans l’éloge que lui donne saint Paul, et dans la charge honorable que les églises lui avaient confiée. « Nous vous avons envoyé avec Tite », écrit-il aux Corinthiens, « un de nos frères dont l’éloge se trouve à cause de l’Évangile dans toutes les églises, et qui de plus a été choisi par ces églises pour nous accompagner dans nos voyages et prendre part au soin que nous avons de procurer cette assistance à nos frères ». (2Cor. 8,18-19)
3. Et maintenant, admirons tout d’abord la modestie et l’humilité de cet auteur. Il ne dit point : J’ai écrit un premier évangile, mais « un premier livre », jugeant ce mot, évangile, trop beau pour son ouvrage ; et cependant l’apôtre assure que « son éloge se trouve, à cause de cet évangile, dans toutes les églises ». Il s’exprime donc avec cette exquise modestie : « J’ai écrit un premier livre, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné ». Et pour mieux préciser l’époque qu’embrasse sa narration, il ajoute : « Depuis le commencement jusqu’au jour où il monta au ciel ». Mais l’évangéliste saint Jean nous déclare formellement qu’on ne saurait écrire toutes les actions et toutes les paroles de Jésus-Christ. « Si elles étaient rapportées en détail », dit-il, « je ne crois pas que le monde pût contenir les livres où elles seraient écrites ». (Jn. 21,25) Comment donc saint Luc dit-il qu’il a écrit un livre de tout ce que Jésus a fait et enseigné ? Il suffit d’observer qu’il ne dit pas : J’ai écrit tout ce que Jésus a fait et enseigné, il dit seulement : « J’ai écrit un livre de tout ce que Jésus a fait et enseigné », c’est-à-dire, comme un abrégé qui comprend ce que ses miracles, ses paroles et ses actes nous offrent de plus essentiel et de plus important.
Remarquons ensuite combien est humaine et apostolique l’âme de saint Luc. Il entreprit cette œuvre pénible et difficile, la rédaction de son évangile, pour le salut d’un seul homme, « pour vous faire connaître », dit-il, « la vérité « dès choses qu’on vous a enseignées ». (Lc. 1,4) C’est qu’il avait médité cette parole du Sauveur Jésus : « Ce n’est pas la volonté de mon Père qu’un seul de ces petits périsse ». (Mt. 18,14) Mais pourquoi, au lieu de ne faire qu’un seul livre, adressé a un seul et même lecteur, a-t-il voulu diviser l’ouvrage en deux parties ? C’est d’abord calcul de prudence, pour ne pas trop fatiguer son lecteur, et puis C’est que les deux récits sont bien différents.
Mais, avant de poursuivre ce sujet, je veux vous faire observer comment Jésus-Christ lui-même a soin d’appuyer ses paroles de l’autorité de ses exemples ; il exhorte ses disciples à la douceur, et il leur dit : « Apprenez de moi « que je suis doux et humble de cœur ». (Mt. 11,29) Il enseignait la pauvreté, et il la pratiquait si sévèrement qu’il pouvait dire : « Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ». (Mt. 8,20) Il pria sur la croix pour ses bourreaux, et accomplit ainsi cette parole : « A celui qui veut disputer en jugement avec vous, et vous enlever votre tunique, abandonnez encore votre manteau ». (Mt. 5,40) Mais il a donné plus que ses vêtements, puisqu’il a donné tout son sang. C’est cette même règle de conduite qu’il a prescrite à ses disciples ; aussi l’apôtre disait-il aux Philippiens : « Conduisez-vous selon le modèle que vous avez vu en nous ». (Phil. 3,17) Et en effet, rien de plus froid qu’un docteur qui ne sait que discourir : il est moins un philosophe qu’un comédien. Les apôtres ont donc voulu agir avant que de parler ; et véritablement ils avaient d’autant moins besoin de parler, que leurs actions elles-mêmes étaient fané éloquente prédication. On peut aussi, en ce même sens, appeler la passion du Sauveur son œuvre par excellence ; car c’est en souffrant qu’il a réalisé l’œuvre admirable de son triomphe sur la mort, et assuré notre rédemption.
« Jusqu’au jour où, il s’est élevé au ciel, instruisant, par le Saint-Esprit, les apôtres qu’il avait choisis ». « Les instruisant par le Saint-Esprit », c’est-à-dire, leur révélant une doctrine toute spirituelle, et nullement humaine.