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déjà faite. Que dirons-nous ? Ce que dit « Jean-Baptiste : Pour moi, je ne le connaissais pas, mais je suis venu baptiser dans l’eau, afin qu’il soit connu dans Israël ». En effet, si Jésus avait fait des miracles dans son enfance, les Israélites n’auraient eu besoin de personne pour le leur faire connaître. Celui qui, parvenu à l’âge viril, s’est rendu par ses miracles si célèbre, non seulement dans la Judée, mais encore dans la Syrie et au-delà, et cela dans le seul espace de trois ans, ou plutôt qui n’a même pas eu besoin de trois années pour se faire une réputation, puisque, du premier jour, son renom s’était répandu partout ; celui, dis-je, qui, par le nombre de ses miracles, a dans si peu de temps illustré son nom jusqu’à le faire connaître de tout le monde, celui-là n’aurait pu, à plus forte raison, demeurer caché et inconnu, s’il eût opéré des miracles dans son enfance : les miracles qu’opère un enfant font bien plus de bruit et causent beaucoup plus d’admiration ; et d’ailleurs, il aurait eu deux ou trois fois plus de temps pour s’illustrer.

Mais Jésus dans son enfance n’a rien fait de plus que ce que rapporte saint Luc, qu’à l’âge de douze ans il s’était assis dans le temple au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant (Luc. 2,46-47) ; et que par les questions qu’il leur avait faites, il s’était rendu digne d’admiration. D’ailleurs, on conçoit aisément qu’il n’ait pas commencé dès son enfance à faire des miracles. Les Juifs les auraient regardés comme de pures illusions. Si, étant déjà homme fait, il ne fut pas à l’abri de pareils soupçons, à plus forte raison l’auraient-ils soupçonné s’il en avait fait dans sa plus grande jeunesse. De plus, l’envie dont les Juifs étaient animés, les aurait poussés à le crucifier plus tôt et avant le temps déterminé, et ainsi l’œuvre même de la rédemption eût été révoquée en doute.

Sur quoi donc, direz-vous, la Mère conçut-elle une aussi haute opinion de son Fils ? C’est que déjà il commençait à être connu, et par le témoignage de Jean-Baptiste, et par ce qu’il avait dit lui-même à ses disciples. Et avant toutes ces choses, la manière même dont il avait été conçu et ce qui s’était passé à sa naissance, donnait à la mère une haute idée de son Fils. Elle écoutait tout ce qu’on disait de cet enfant, et « elle conservait dans son cœur », dit l’Écriture, « toutes ces choses ». (Luc. 2,59) Et pour quelles raisons, objecterez-vous encore, n’a-t-elle rien dit auparavant ? Parce qu’il commença, comme j’ai dit, seulement alors à paraître en public, et qu’avant ce temps il vivait dans l’obscurité, comme un homme du commun ; c’est pourquoi sa mère n’aurait pas osé lui faire alors une pareille demande ; mais lorsqu’elle eut appris que c’était pour lui que Jean-Baptiste était venu et qu’il lui avait rendu un si grand témoignage, qu’enfin son fils avait des disciples, alors elle s’adressa à lui avec confiance, et voyant que le vin manquait, elle dit : « Ils n’ont point de vin ». Par là, elle voulait, d’une part, obliger ses hôtes ; de l’autre, être glorifiée grâce à son Fils ; peut-être aussi eut-elle quelques sentiments humains, comme ses frères qui lui disaient : « Faites-vous connaître au monde » (Jn. 7,4), espérant profiter de la gloire qu’il s’acquerrait par ses miracles. Voilà pourquoi Jésus lui fit cette réponse assez vive : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n’est pas encore venue » ; mais toutefois il avait une très-grande considération pour sa mère. Saint Luc remarque qu’il était soumis à ses parents » (Luc. 2,51), et l’évangéliste saint Jean nous apprend le grand soin qu’il eut de Marie lorsqu’il était sur la croix. (Jn. 19,26)
En effet, nous devons être soumis à nos parents, lorsqu’ils ne nous empêchent pas de remplir nos devoirs envers Dieu et qu’ils n’y apportent point d’obstacles ; il est très-dangereux de ne pas suivre cette règle ; mais quand ils demandent quelque chose d’inopportun, et nous gênent dans les choses spirituelles, il n’est alors ni bon, ni sage de leur obéir. C’est pour cela que Jésus, ici et ailleurs encore, répond : « Qui est ma mère et qui sont mes parents ? » (Mrc. 3,33) Car ils n’avaient pas encore de lui les sentiments qu’ils devaient avoir ; mais sa mère, pour l’avoir mis au monde, croyait, selon la coutume des autres mères, pouvoir lui ordonner tout ce qu’elle voudrait, elle qui aurait dû l’honorer et l’adorer comme son Seigneur. Voilà pourquoi il lui répondit alors de cette façon.

Considérez, je vous prie, mes frères, ce spectacle : d’une part, Jésus est environné d’un grand peuple, toute cette foule uniquement attentive à l’entendre et à écouler sa doctrine ; de l’autre, une femme accourt, perce la foule, vient l’appeler pour le faire sortir de l’assemblée et lui parler en particulier. Elle vient,