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ils ont cru en lui, quoiqu’ils ne layent point vu incarné.
Mais les gentils pourront nous attaquer et nous adresser cette question : Que faisait Jésus-Christ dans ces premiers temps auxquels il n’avait point encore soin du genre humain ? Et pourquoi aussi est-il venu à la fin des temps prendre soin de notre salut, après t’avoir négligé pendant tant de siècles ? À quoi nous répondrons qu’il était venu dans le monde avant cet avènement même ; qu’il y avait préparé la voie aux œuvres qu’il devait opérer, et qu’il s’était fait connaître à tous ceux qui en étaient dignes. Que si, pour n’avoir pas été connu de tous, mais seulement des gens de bien et des personnes de vertu, vous dites qu’il a été inconnu et ignoré des hommes, vous pourrez également dire qu’encore maintenant il n’est pas adoré de tous, à cause qu’aujourd’hui même tous ne le connaissent pas ; mais comme dans le temps présent, pour être inconnu et ignoré de beaucoup, personne, toutefois, n’osera avancer qu’il ne soit pas connu de plusieurs ; de même on ne doit pas douter que, dans ces premiers temps, il n’ait été connu de plusieurs, ou plutôt de tout ce qu’il y avait alors de grand et d’admirable parmi les hommes.
2. Que si quelqu’un me fait cette demande Et pourquoi, dans ce temps-là, tous ne se sont-ils pas attachés à lui et ne lui ont-ils pas tous rendu le culte qui lui est dû, mais seulement les justes ? moi, à mon tour, je leur ferai celle-ci : Pourquoi, à présent même, tous ne le connaissent-ils pas ? Mais plutôt, pourquoi m’arrêté-je à parler de Jésus-Christ ? car je puis demander du Père pourquoi et alors et maintenant tous ne l’ont-ils pas connu ! Il en est qui prétendent que tout marche au gré du hasard ; d’autres attribuent le gouvernement du monde aux démons ; il s’en trouve aussi qui imaginent et se forgent un second Dieu. Quelques blasphémateurs vont jusqu’à voir en lui-même la puissance contraire et enseigner que ses lois sont l’ouvrage du mauvais démon. Quoi donc ! dirons-nous qu’il n’y a point de Dieu, parce que quelques-uns disent qu’il n’y en a point ? dirons-nous que Dieu est mauvais, parce que quelques-uns ont l’impiété de le croire ? Mais c’en est assez, laissons là ces folies et ces horribles extravagances. Si nous fondions nos principes et nos dogmes sur le jugement et les raisonnements de ces furieux, rien ne nous empêcherait de tomber bientôt nous-mêmes dans la pire démence.
Et certes, quoiqu’il y ait des yeux faibles et délicats qui ne peuvent supporter la lumière, personne ne dira que le soleil soit de sa nature pernicieux aux yeux ; maison en juge d’après les bonnes vues, et on le dit lumineux ; quoique le miel semble amer à quelques malades, personne ne dira pour cela que le miel soit amer. Et on trouvera des gens qui, sur l’opinion de quelques esprits malades, ne craindront pas de décider, ou qu’il n’y a point de Dieu, ou qu’il y en a un mauvais, ou que l’action de la Providence n’est pas continue. Mais qui dira que ces sortes de gens aient l’esprit sain et le sens commun ? Qui ne les traitera pas au contraire de furieux et d’extravagants ?
« Le monde ne l’a point connu » ; mais « Ceux dont le monde n’était pas digne » (Héb. 11,38) l’ont connu. En disant quels sont ceux qui ne l’ont point connu, l’évangéliste indique d’un mot la cause de leur ignorance ; car il n’a pas simplement dit : Personne ne l’a connu, mais il a dit : « Le monde ne l’a point connu », c’est-à-dire, ces hommes qui sont uniquement attachés au monde, et qui n’ont d’affection que pour lui. Et c’est ainsi que Jésus-Christ a coutume de les appeler, comme quand il dit « Père saint, le monde ne vous a point connu ». (Jn. 17,25) Par où il est visible, comme nous vous l’avons fait remarquer, que ce n’est pas seulement le Fils que le monde n’a point connu, mais encore le Père. Rien en effet ne trouble et n’obscurcit autant l’esprit que de désirer avec ardeur les choses présentes. Instruits de cette vérité, mes frères, séparez-vous du monde, et éloignez-vous des choses charnelles, autant que cela se peut ; en effet, ce n’est pas à perdre des choses viles et de nul prix que vous expose l’attachement au monde ; mais à perdre le bien suprême ; l’homme qui est fortement épris des choses présentes n’est point capable de s’attacher à celles du ciel (1Cor. 2,14) ; il faut que celui qui recherche les unies perde les autres. « Vous ne pouvez servir tout ensemble », dit Jésus-Christ, « Dieu et l’argent » (Lc. 16,13) ; nécessairement il faut aimer l’un et haïr l’autre. Voilà ce que l’expérience toute seule nous crie assez haut ceux qui n’ont nul désir des richesses, qui s’en moquent et les méprisent, voilà ceux qui aiment Dieu, comme on doit l’aimer ; et de même ceux qui convoitent l’opulence, sont