qu’on a pour nous. Il suffit même d’une seule de ces circonstances pour produire en nous cette tendresse. Car, sans que la personne nous ait fait aucun bien, si nous apprenons qu’elle nous aime, qu’elle nous loue et nous admire, aussitôt nous nous attachons à elle, et nous la chérissons comme une bienfaitrice. Or, non seulement cette condition existe en Dieu, mais elles y existent toutes les trois à un tel degré de surabondance que le langage n’y peut atteindre. Et d’abord, la beauté de cette nature bienheureuse et sans tache est quelque chose de si prodigieux et de si inviolable que cela surpasse toute expression et échappe à toute pensée. Et quand je vous parle de beauté, ne soupçonnez là rien de corporel, mon cher auditeur, mais bien une gloire immatérielle et une magnificence ineffable.
4. C’est cette nature que le Prophète publiait en ces termes : « Et les séraphins se tenaient autour de lui, et avec deux de leurs aises ils se couvraient le visage, avec deux autres ils se couvraient les pieds, et des deux autres ils volaient, en criant : Saint, saint, saint ! » (Is. 6,2-3), pénétrés qu’ils étaient de saisissement, d’admiration à la vue de cette majesté, de cette gloire. David aussi, ayant en vue cette même beauté, et frappé de la gloire de cette nature bienheureuse, disait : « Ceins ton glaive à ton côté, Dieu puissant, dans ta splendeur, dans ta beauté. » (Ps. 44,4-5) C’est pour cela encore que Moïse désirait si souvent le voir, dévoré par cette tendresse et plein d’amour pourtant de gloire. (Ex. 33,13) C’est également ce qui faisait dire à Philippe : « Montre-nous le Père, et nous serons satisfaits. » (Jn. 14,3) Que dis-je ? tout ce que nous pourrions exprimer ne serait pas même une faible et pâle image de tant de majesté. Faut-il maintenant vous énumérer ses bienfaits ? Mais, ici encore, les paroles seront impuissantes. Aussi saint Paul disait-il : « Et « rendons grâces au Seigneur pour le don inexprimable qu’il nous a fait. » (2Cor. 9,15) Et ailleurs : « Qu’aucun œil n’a vu, que nulle oreille n’a entendu, que le cœur de l’homme n’a point conçu ce que Dieu a réservé à ceux qui l’aiment. » (1Cor. 2,9) Et autre part encore : « O profondeur des richesses, de la sagesse et de la science de Dieu ! Combien ses décrets sont impénétrables et ses voies impossibles à découvrir. » (Rom. 11,33) Et la tendresse dont il a fait preuve envers nous, quel langage pourra l’exprimer ? Saint Jean en était frappé, et c’est pour cela qu’il disait « Car Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique. » (Jn. 3,16) Et si vous voulez entendre les paroles mêmes de Dieu, et apprendre toute l’affection qu’il a pour les hommes, écoutez ce qu’il dit par son prophète : « Une femme oubliera-t-elle jamais sa pitié pour les fruits de ses entrailles ? Or, « quand même une femme oublierait cela, moi je ne l’oublierai pas. » (Is. 49,15) Et de même que le Prophète disait : « Comme le cerf désiré les sources, ainsi mon âme soupire après toi, mon Dieu ; » de même le Christ nous dit : « Comme l’oiseau rassemble sa couvée, ainsi j’ai voulu rassembler vos enfants, et vous ne l’avez pas voulu. » (Mt. 23,37) Et autre part : « Comme un père a pitié de ses fils, ainsi le Seigneur a eu pitié de ceux qui le craignent. » (Ps. 102,13) Il dit encore : « Car autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant le Seigneur a fortement établi sa miséricorde sur ceux qui le craignent. » (Id. 11) Et de même que le Prophète cherche un exemple pour faire comprendre son aspiration vers Dieu, ainsi Dieu se sert de comparaisons pour nous montrer l’ardent désir qu’il a pour notre salut. Et si le prophète a pris pour exemples un cerf altéré, et une terre desséchée par la chaleur, Dieu prend pour objets de comparaison la tendresse des oiseaux pour leur couvée, la sollicitude des pères pour leurs fils, la hauteur du ciel au-dessus de la terre, et les entrailles maternelles, non pas qu’il ne nous aime que comme une mère aime son enfant, mais c’est qu’il n’y a pas parmi nous d’expressions plus fortes pour prouver l’affection que ces termes-là, que ces comparaisons, que ces exemples. Pour vous convaincre qu’il ne nous aime pas seulement comme une tendre mère aime ses enfants, mais beaucoup plus encore, écoutez ses paroles : « Quand même », dit-il, « une femme oublierait le fruit de ses entrailles, moi je ne l’oublierai pas. » Il a voulu montrer par là que sa sollicitude pour nous est plus ardente que la plus vive tendresse. Réunissez tous ces traits, repassez-les dans votre esprit, et vous ferez naître en vous un brûlant amour, vous y allumerez une flamme resplendissante. Et puisque, même entre les hommes, rien ne ait naître ordinairement le feu de l’amitié comme le souvenir des bienfaits que nous avons reçus,
Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/30
Cette page n’a pas encore été corrigée