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pas le fils d’un charpentier ? ne connaissons-nous pas et son père et sa mère ? Tous ses frères ne sont-ils pas parmi nous ? » (Mt. 13,55) Plaisantant le Seigneur sur sa patrie, ils le disaient natif de Nazareth, et ajoutaient : « Informez-vous, et soyez sûr qu’il ne sort point de Prophète de la Galilée ». (Jn. 7,52) Toutes ces calomnies le trouvaient patient toujours ! Ils ajoutaient : « L’Écriture ne dit-elle pas que le Messie doit venir du bourg de Bethléem ? » (Jn. 7,42) – Voulez-vous entendre les moqueries insultantes qu’on employait à son égard ? Venant, dit l’Écriture, jusqu’au pied de la croix, ces gens l’adoraient, le frappaient, lui lançaient des soufflets et disaient : « Dis-nous qui t’a frappé ? » Et lui offrant du vinaigre : « Si tu es le Fils de Dieu », s’écriaient-ils, « descends de la croix ». (Mt. 26,68 et 27, 40) Déjà un serviteur du grand prêtre lui avait donné un soufflet, et il n’avait répondu qu’un mot : a Si j’ai mal a parlé, faites voir ce que j’ai dit de mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ? » Pour mieux l’insulter, ils lui mirent une chlamyde de pourpre et lui crachèrent au visage, sans cesser de l’accabler de questions perfides et de tentations. – Voulez-vous constater les accusations publiques ou secrètes, celles mêmes que ses disciples formulaient contre lui, puisque lui-même leur demandait : « Voulez-vous aussi vous en aller ? Possédé du démon » (Jn. 6,68 ; 7, 30), c’était un mot que prononçaient de lui ceux mêmes qui avaient cru en lui. Enfin, répondez-moi, n’est-il pas vrai qu’il en était réduit à s’enfuir, tantôt en Galilée, tantôt en Judée ? Ne fut-il pas dès le berceau ballotté par toutes sortes d’épreuves ? Ne fallut-il pas qu’encore enfant, sa mère l’emportât en Égypte ? C’est en souvenir de tant de douleurs que saint Paul a dit : « Jetons les yeux sur Jésus, l’auteur et le consommateur de notre foi, qui, au lieu de la vie tranquille et heureuse dont il pouvait jouir, a souffert la croix a en méprisant la honte et l’ignominie, et qui maintenant est assis à la droite du trône de Dieu ». Jetons donc nos regards sur lui, et sur ses disciples ; lisons les souffrances de Paul ; écoutons-le, qui nous dit : « Il nous a fallu grande patience dans les maux, dans les tribulations, dans les nécessités pressantes, dans les persécutions, les angoisses, les plaies, les prisons, les séditions, les jeûnes, les travaux, la chasteté, la science » ; et ailleurs : « Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim et la soif, la nudité et les mauvais traitements ; nous n’avons point de demeure stable ; nous travaillons avec beaucoup de peine, de nos propres mains ; on nous maudit, et nous bénissons ; on nous persécute, et nous le souffrons ; on nous dit des injures, et nous répondons par ides prières ». (2Cor. 6,4 ; 1Cor. 3,11) Quelqu’un a-t-il souffert la moindre partie de maux pareils ? On nous traite, dit-il, en séducteurs, en infâmes, en êtres vils et qui n’ont rien. Et ailleurs : « J’ai reçu des juifs, en cinq fois différentes, trente-neuf coups de fouet ; j’ai été battu de verges par trois fois, j’ai été lapidé une fois, j’ai passé une nuit et un jour au fond de là mer, j’ai fait maints pénibles voyages, avec afflictions, angoisses, famine ». (2Cor. 11,24) Or, entendez-le vous dire aussi combien une telle vie plaisait à Dieu : « Pour cela j’ai trois fois prié le Seigneur, et il m’a répondu : Ma grâce te suffit ; car ma puissance éclate dans l’infirmité ». Aussi ajoute-t-il : « Je me complais dans mes infirmités, dans les afflictions, les nécessités, les angoisses, les plaies, les prisons, afin que la vertu puissante de Jésus-Christ habite en moi ». (2Cor. 12,8) Enfin écoutez la parole même de Jésus-Christ : « Vous aurez l’affliction en ce monde ». (Jn. 16,33)
« Pensez donc en vous-mêmes à celui qui a souffert une si grande contradiction des pécheurs qui se sont élevés contre lui ; afin que vous ne vous découragiez pas et que vous ne tombiez point dans l’abattement (3) ». Saint Paul a bien droit de tenir ce langage. Car si les souffrances du prochain nous animent, combien plus d’ardeur et d’amour doit réveiller en nous la passion de Notre-Seigneur ? Quel merveilleux effet doit-elle produire ? – Et remarquez comment saint Paul, en négligeant le détail des peines du Sauveur, les résume toutes en ce mot : « Contradiction » ; soufflets sur les joues, moqueries, insultes, reproches, railleries ; l’apôtre ne fait qu’indiquer ces horreurs par ce mot contradiction ; et pourtant en dehors de celles-là, il y a toutes celles encore qui ont accompagné son enseignement évangélique.
Pensons, mes frères, pensons toujours à cette vie et à cette passion du Sauveur ; occupons-en nos cœurs et le jour et la nuit, sachant que nous en recueillerons des fruits immenses, et des avantages inappréciables. Oh oui ! c’est une grande, c’est une ineffable consolation que les souffrances de Jésus-Christ, que celles encore de ses apôtres. Notre-Seigneur savait si bien que cette voie est la meilleure pour la vertu, que sans être obligé, lui, d’embrasser cette route, il y est entré tout d’abord ; tant il regardait l’affliction comme une grâce, comme la mère d’un plus grand repos et d’une douce paix dans le monde à venir. Au reste, entendez-le : « Si quelqu’un ne porte pas sa croix et ne marche pas derrière moi, il n’est pas digne de moi ». (Mt. 10,38) Comme s’il disait. Si tu es mon disciple, prouve que tu l’es en effet imite ton maître. Que s’il est venu par la route de l’application, tandis que tu prétends marcher par celle du repos et des loisirs, non, ce n’est plus sa voie que tu veux suivre, mais un tout autre chemin. Comment le suivre saris être sur ses traces ? Comment es-tu un disciple sans marcher derrière ton maître ? Paul t’a condamné dans les mêmes termes : « Nous sommes les faibles ; et vous, les forts ; nous sommes les gens méprisés ; vous, les honorés ! » (1Cor. 4,10) Comment est-il raisonnable que nous suivions des directions si opposées quand vous êtes nos disciples, et que nous sommes vos maîtres ? Donc la souffrance, mes frères, est une grande puissance : car elle produit ces deux grands effets, qu’elle efface nos péchés et qu’elle nous donne force et vigueur.
4. Mais n’arrive-t-il pas, direz-vous, qu’elle renverse et qu’elle ruine ? – Non, la souffrance ne