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de ceux-là qu’il entend parler. – « Point sordide, mais modéré, ennemi des querelles, désintéressé, sachant bien gouverner sa maison, et que ses enfants lui soient soumis avec une entière régularité de mœurs ». Or, si l’homme qui s’est marié se préoccupe des choses du monde, et si l’évêque ne doit pas s’en préoccuper, comment l’apôtre dit-il : « Mari d’une seule femme ? »
Plusieurs affirment qu’il entendait : « N’ayant eu qu’une femme » ; mais quand il en serait – autrement, on peut être marié, comme ne l’étant pas. L’apôtre a eu raison de faire cette concession à l’état de choses existant alors, et l’on pouvait avec la bonne volonté, en tirer un bon parti. En effet, de même que la richesse laisse difficilement entrée au royaume des cieux, et que bien des riches y sont entrés néanmoins, il en est de même du mariage. Que dites-vous, ô Paul ? En parlant des devoirs de l’évêque, vous avez dit qu’il ne doit pas être livré au vin, mais hospitalier, quand vous aviez à faire entendre quelque chose de bien plus grand. Pourquoi n’avez-vous pas dit : L’évêque doit être un ange, et n’être sujet à aucune passion humaine ? et ces grands enseignements du Christ que ceux qui sont en dignité doivent observer sans cesse : D’être crucifié, d’avoir toujours son âme entre ses mains ? et cette parole du Christ : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis ». (Jn. 10,11) Et encore : « Celui qui ne prend passa croix pour « me suivre, n’est pas digne de moi ». (Mt. 10,38) Paul a dit : Qu’il ne soit pas livré au vin. Voilà de belles espérances, si ce sont là les avis qu’il faut adresser à un évêque ! Pourquoi ne dites-vous pas qu’il doit être déjà en dehors de la terre ? pourquoi prescrivez-vous à un évêque ce que vous avez prescrit aux gens du monde ? Que leur dit-il en effet ? « Mortifiez vos membres terrestres ». (Col. 3,5) « Celui qui est mort est justifié du péché ». (Rom. 6,7) « Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair ». (Gal. 5,24). Et le Christ lui-même a dit : « Celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il possède n’est pas digne de moi ». (Lc. 14,33) Pourquoi donc l’apôtre n’a-t-il pas ici tenu ce langage ? Parce qu’on ne pouvait trouver que peu d’hommes semblables à ce modèle, et qu’il fallait un grand nombre d’évêques, pour administrer les églises de chaque cité ; car les églises allaient être exposées aux embûches. Aussi parle-t-il d’une vertu médiocre et non d’une vertu céleste et sublime : être sobre, prudent et de bonne mœurs est une vertu commune.
2. « Que ses enfants lui soient soumis avec une entière régularité de mœurs ». Car il faut que sa maison donne l’exemple. Qui pourra croire en effet qu’un évêque se fasse obéir d’un étranger, s’il ne s’est pas fait obéir de son fils ? « Sachant bien gouverner sa maison ». Les païens eux-mêmes disent que, qui sait gouverner sa maison deviendra vite un bon administrateur. Il en est en effet d’une église comme de la moindre famille ; et de même que, dans une maison, les enfants, la femme et le mari, au-dessus de tous, forment une hiérarchie d’autorité, de même, dans l’église, on retrouve partout des enfants, des femmes, des serviteurs. Si le chef d’une église a des associés à son pouvoir, le chef de famille a aussi sa femme. S’il lui faut pourvoir à la nourriture des veuves et des vierges, le chef de famille a ses esclaves, ses filles ; seulement une maison est plus facile à gouverner. Celui donc qui ne l’a pas su faire, comment pourra-t-il administrer une église ? « Celui », dit l’apôtre, « qui ne sait pas diriger sa maison, comment prendra-t-il soin de l’Église de Dieu (5) ? »
« Que ce ne soit pas un néophyte (6) » ajoute-t-il ; et par là il n’entend pas un homme jeune, mais nouveau dans la doctrine. « J’ai planté », dit-il ailleurs, « Apollon a arrosé ; mais c’est Dieu qui a donné l’accroissement ». (1Cor. 3,6) C’est donc le nouveau converti qu’il a en vue ; autrement qu’est-ce qui l’empêchait de dire : Un jeune homme ? Pourquoi a-t-il fait évêque Timothée lui-même ? Or, Timothée était jeune, puisque l’apôtre dit : « Que personne ne méprise votre jeunesse ». (1Tim. 4,12) Parce qu’il le connaissait pour très-vertueux et d’une conduite parfaite : ainsi il lui rend plusieurs excellents témoignages : « Vous avez appris les saintes lettres dès votre enfance » ; et encore : « Usez d’un peu de vin, à cause de vos fréquentes indispositions » ; ce qui prouve que Timothée jeûnait. Il est clair que ces témoignages et ces recommandations ne pouvaient s’adresser qu’à quelqu’un de très-vertueux. C’est parce que beaucoup de gentils embrassaient la foi et se faisaient baptiser, que l’apôtre défend d’élever un néophyte, c’est-à-dire un homme nouveau dans la doctrine, au faîte de l’autorité. Car celui qui deviendrait maître