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DE PIERRE DE RONSARD

Il luy donna[1] l’Abbaye de Bellozane *, et quelques Prieurez * : et environ[2] ce temps devint fort malade d’une fièvre quarte | , dont [19] il pensa mourir[3], et qui neantmoins esbranla fort sa santé, le rendant depuis plus malade que sain *. Et fut[4] ceste année remarquable, en ce que tous les Lauriers, pallissades, et tendres abrisseaux[5], et la plus grand part des arbres moururent. Ce fut[6] ce qui donna occasion à monsieur de Pimpont * sur l’un et l’autre sujet de faire ces doctes vers[7] :

Parce metu, Ronsarde, Jovis teregia nondum[8]
Invidit nobis, nec cœli injuria totum
In Lauri grassata genus, populata decusque
Arboreum, nuper clades te poscit olympo,
Augurium nec me vanae docuere[9] Camœnae,
Sed laetum faustis retulerunt sortibus omen[10].

    noit aigrement le Roy et ceux qui gouvernoient lors de l’alienation du Domaine, et d’avoir fait vendre la coupe de la forest de Gastine, laquelle il avoit consacrée aux Muses * : et en une autre qu’il appelloit la Truelle Crossée, blasmant le Roy de ce que les benefices se donnoient à des maçons, et autres plus viles personnes, où particulierement il taxe un de Lorme, Architecte des Tuilleries, qui avoit obtenu l’Abbaye de Livry, et duquel se trouve un livre non impertinent de l’Architecture *. Et ne sera hors de propos de remarquer icy la malveillance de cest Abbé, qui pour s’en venger fit un jour fermer l’entrée des Tuilleries à Ronsard, qui suivoit la Royne mere : mais Ronsard, qui estoit assez piquant et mordant quand il vouloit, à l’instant fit crayonner sur la porte, que le sieur de Sarlan luy fit aussi tost ouvrir, ces mots en lettres capitales, FORT. REVERENT. HABE. Au retour, la Royne voyant cest escrit, en presence de doctes hommes et de l’Abbé de Livry mesmes, voulut sçavoir que c’estoit et l’occasion, Ronsard en fut l’interprete, apres que de Lorme se fut plaint que cet escrit le taxoit : car Ronsard luy dist qu’il accordoit, que par une douce ironie il prit ceste inscription pour luy, la lisant en François *, mais qu’elle luy convenoit encor mieux la lisant en Latin, remarquant par icelle les premiers mots racourcis d’un Epigrame Latin d’Ausone, qui commence, Fortunam reverenter habe, et le renvoyant là [1604-1630 suppriment et et là] pour apprendre à respecter sa premiere et vile fortune, et ne fermer la porte aux Muses *. La Royne aida Ronsard à se venger, car elle tença aigrement l’Abbé de Livry apres quelque risée, et dist tout haut, que les Tuilleries estoient dediées aux Muses. Il se trouve aussi une autre Satyre, où il touche vivement le mesme Roy et l’admoneste de son devoir, qui commence,

    Il me desplait de voir un si grand Roy de France *.

    Et une autre encor à luy, dont le commencement est,

    Roy le meilleur des Rois *.

  1. C Ce bon Prince luy donna
  2. AB Prieurez, et environ
  3. C devint Ronsard fort malade d’une fiévre quarte, dont il cuida mourir,
  4. A que sain, et fut
  5. C fut ceste année par un grand froid remarquable en ce que tous les lauriers et arbrisseaux, ornement des palissades,
  6. A moururent, ce fut | C moururent : Ce fut
  7. C au sieur de Pimpont sur l’un et l’autre suject de faire ces vers.
  8. A non du (corrigé en nondum aux errata)
  9. C, 1604, 1617 vanae nec me vanae docuere | 1609, 1630 vanae nec me vana docuere | 1623 vanae nec me docuere
  10. A omen, | C omen :