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humbles[1] ; loin de prendre en dégoût les infirmités de tous, ta paternelle bonté se met au service de quiconque se trouve atteint d’une mauvaise maladie, non pour lui adresser des reproches, mais pour lui procurer la guérison. Ton désir n’est pas d’être servi par les pécheurs, mais de les servir ; tu ne cherches nullement ton plaisir à les voir prosternés à tes genoux ; ce que tu souhaites, c’est de prier pour eux et de voir tes prières exaucées. Je viens solennellement intercéder pour eux auprès de toi ; si je t’adresse la parole, c’est que je connais ta bonne volonté ; c’est qu’en cela je ne te ferai point violence pour t’extorquer leur pardon. Ceux que je recommande à ton indulgence par mes paroles, tu cours au-devant d’eux par charité. De ma bouche sort maintenant en leur faveur un ardent appel à ta pitié, et de ton cœur s’élèvent aussi pour eux vers Dieu des supplications non moins pressantes. Voilà ces pécheurs ; leur âme est souillée de crimes, mais ils en gémissent ; ils ont, en quelque sorte, écarté la pierre de leur endurcissement, et sortent des ténèbres de leurs péchés, comme du séjour de la mort, pour se montrer à la lumière de la pénitence ; à eux s’appliquent ces paroles prononcées par le Sauveur au sujet de Lazare : « Délie-le, et laisse-le aller[2] ». Le grand cri poussé par le Christ les a ébranlés ; loin de vouloir périr en excusant leurs fautes, ils prétendent revenir à la vie en les accusant, et, après avoir aperçu la lueur de l’espérance, sortir des ombres profondes d’une conscience plongée dans l’état de mort. Brise donc les chaînes qui paralysent leurs mouvements, car tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel[3] ; dans ce ciel, vers lequel n’osait lever les yeux ce pécheur qui frappait sa poitrine en disant : « Seigneur, ayez pitié de moi, car j’ai péché[4] ». Comment, en effet, aurait-il pu lever les yeux au ciel, dès lors qu’il y apercevait la chaîne de ses iniquités ? Pourtant, il descendit justifié du temple du Seigneur[5], et non pas le Pharisien ; et le principe de sa justification fut, non pas l’innocence de sa vie, mais uniquement son humilité. Ainsi arriva-t-il que Dieu s’approcha de préférence de celui qui se tenait le plus éloigné de l’autel. « Pour nous », dit l’Apôtre, « nous sommes les temples du Dieu vivant[6] ». Si cela est vrai de tous les bons fidèles, ainsi, et à bien plus forte raison, en est-il de toi, qui présides au gouvernement des fidèles, en cet endroit surtout où préside celui à qui le Christ a dit : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux[7] ».
2. Ces pécheurs se trouvent donc dans le temple de Dieu, c’est-à-dire dans son Église ; nous les y voyons prosternés loin de l’autel ; ils voudraient demander à être réconciliés avec Dieu par la réception du corps et du sang de Jésus-Christ. Puissent leurs désirs, passant par ton cœur et venant de son saint temple, être accueillis de lui[8]. Ils veulent lui offrir un sacrifice expiatoire pour leurs péchés ; mais, pour cela, ils ne lui apportent, ni la graisse des boucs, ni la chair des taureaux, ni de nombreux chevreaux gras, ni les fruits premiers-nés de leurs entrailles ; leurs dons consistent en des âmes brisées de douleur, en des cœurs contrits et humiliés[9] ; jamais le Seigneur n’a dédaigné de pareils dons. Place-les donc, ô bon prêtre, place-les en leur faveur sur l’autel de ton âme, où brille la flamme du saint amour : que des entrailles de ta charité s’élève pour eux vers le trône de l’Éternel la fumée d’un encens d’agréable odeur. Ils se sont fatigués dans les gémissements ; toutes les nuits, leur couche a été baignée de leurs pleurs et leurs lits humectés de leurs larmes[10]. Maintenant encore, ils en arrosent le pavé de cette basilique, et ils ne sont pas seuls à le faire ; car ceux qui n’ont point partagé leur culpabilité, partagent leur douleur. Tous sont rangés autour de toi, pleins de sollicitude, les uns pour eux-mêmes, les autres pour le salut de leurs frères ; tous n’ont pas de prévarications à confesser, mais tous gémissent et pleurent. Y a-t-il dans un même corps un seul membre qui ne compatisse pas aux souffrances d’un autre membre, qui n’en partage pas les douleurs, qui ne pourvoie pas à sa sûreté à l’heure du péril, qui ne travaille pas à le soulager au moment de l’épreuve ? « Car, que « celui qui croit être ferme, prenne garde de tomber[11] ». Que chacun, réfléchissant sur soi-même, craigne d’être tenté comme lui[12]. Portez les fardeaux les uns des autres[13], et vous accomplirez ainsi la loi de Jésus-Christ,

  1. Rom. 12, 16
  2. Psa. 50, 19
  3. Mat. 18, 18
  4. Luc. 18, 13
  5. Luc. 18, 14
  6. 2Co. 6, 16
  7. Mat. 16, 19
  8. Psa. 17, 7
  9. Psa. 50, 19
  10. 1Co. 10, 12
  11. 1Co. 10, 12
  12. Gal. 6, 1
  13. Id. 2