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QUATRE-VINGT-SIXIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES : « MAIS VOUS, JE VOUS AI APPELÉS AMIS », JUSQU’A CES AUTRES. « AFIN QUE TOUT CE QUE VOUS DEMANDEREZ AU PÈRE EN MON NOM IL VOUS LE DONNE ». (Chap. 15, 15-16.)

L’AMITIÉ DE JÉSUS-CHRIST.

En raison de son amitié pour nous, Jésus-Christ nous fera connaître dans le ciel tout ce que son Père lui a dit ; mais si nous sommes ses amis, c’est un effet de sa grâce, mais non de notre foi ou de nos bonnes œuvres antécédentes.


1. C’est avec raison qu’on se demande comment il faut entendre ce que dit Notre-Seigneur : « Mais vous, je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai appris « de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». Car qui oserait affirmer ou croire qu’il y ait un seul homme capable de savoir tout ce que le Fils unique a appris de son Père ? il n’est personne, en effet, qui comprenne seulement comment le Fils peut entendre la parole du Père, puisqu’il est l’unique parole du Père. Que signifie ce qu’il dit un peu plus bas, dans ce même discours adressé par lui à ses disciples, après la cène qui précéda sa passion : « J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant [1] ? » Comment donc comprendre qu’il a fait connaître à ses disciples tout ce qu’il a appris de son Père, puisqu’il se refuse à leur dire beaucoup de choses, par ce motif qu’ils ne peuvent les porter maintenant ? Pour cela, il faut comprendre que ce qu’il doit faire, il dit l’avoir déjà fait ; car il a fait d’avance ce qui doit se faire plus tard[2]. C’est ainsi qu’il dit par le Prophète : « Ils ont percé mes mains et mes pieds[3] » ; il ne dit pas : Ils perceront ; il en parle comme d’événements passés, et il les annonce comme devant arriver plus tard. Ainsi, en cet endroit, il dit avoir fait connaître à ses disciples ce qu’il savait devoir leur faire connaître en leur communiquant cette plénitude de la science dont l’Apôtre a dit : « Mais quand nous serons dans l’état parfait, ce qui est imparfait sera aboli ». Au même endroit, il dit encore : « Maintenant je ne sais qu’en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Nous voyons maintenant par un miroir et en énigme ; mais alors nous verrons face à face [4] ». Ce même apôtre dit que nous avons été sauvés par le baptême de la régénération [5] ; et cependant ailleurs il dit : « C’est par l’espérance que nous avons été sauvés ; or, l’espérance qui voit n’est plus l’espérance. Car, qui espère ce qu’il voit déjà ? Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec patience [6]. C’est pourquoi son co-apôtre Pierre nous dit : « Celui en qui vous croyez maintenant, quoique vous ne le voyiez pas, quand vous le verrez, vous tressaillirez d’une joie inénarrable et glorieuse, et vous recevrez pour récompense de votre foi le salut de vos âmes [7] ». Si donc nous sommes maintenant au temps de la foi, et si le salut des âmes est la récompense de la foi, qui doutera qu’il faille achever le jour dans la foi qui opère par la charité [8] pour, à la fin du jour, recevoir comme récompense, non seulement la rédemption de notre corps, dont parle l’apôtre Paul [9], mais encore le salut de nos âmes dont parle l’apôtre Pierre ? Dans le temps et dans cette vie mortelle, ces deux genres de félicités sont possédés en espérance, bien plus qu’en réalité. Mais il y a cette différence, que notre homme extérieur, c’est-à-dire notre corps, se détruit tous les jours, tandis que l’homme intérieur, c’est-à-dire notre âme, se renouvelle de jour en jour[10]. Aussi, de même que nous attendons dans l’avenir l’immortalité de la chair et le salut des âmes, bien qu’on dise que nous sommes déjà

  1. Jn. 16, 12
  2. Isa. 45, 11
  3. Ps. 21, 18
  4. 1 Cor. 13, 10, 12
  5. Tit. 3, 5
  6. Rom. 8, 24-25
  7. 1 Pi. 1,8-9
  8. Gal. 5, 6
  9. Rom. 8, 23
  10. 2 Cor. 4,16