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QUARANTE-SIXIÈME SERMON. SUR ZACHÉE.

ANALYSE. —1. Le publicain Zachée est appelé à donner l’hospitalité à Jésus-Christ. —2. Il rend le bien usurpé et donne du sien propre. —3. Il devient enfant d’Abraham. —4. Exhortation à l’imiter dans son repentir.


1. « Jésus étant entré à Jéricho parcourait « cette ville, et voici qu’un homme appelé « Zachée, etc.[1]  » Nous venons d’entendre dans l’Évangile l’histoire de Zachée, dans laquelle nous admirons l’excellence de ses dispositions et la libéralité sans borne de NotreSeigneur Jésus-Christ. Zachée monte sur un arbre afin de suppléer à la petitesse de sa taille qui ne lui aurait pas permis d’apercevoir le Sauveur ; il désire contempler les traits de Celui qu’il aimait déjà dans son cœur ; il veut voir de ses yeux Celui qu’il n’avait vu que par la pensée. Il se tenait debout sur l’arbre, mais quelque chose lui disait déjà que Jésus-Christ s’offrirait comme victime sur l’arbre de la croix. Zachée vit le Seigneur qui passait, mais il fut encore mieux regardé par le Sauveur lui-même, qui ne craignit pas de lui offrir ce qu’il n’osait pas demander. La majesté divine l’aperçut et lui dit : « Zachée, descendez promptement, parce qu’il me faut demeurer aujourd’hui chez vous[2]  ». Déjà en possession du cœur de Zachée, le Seigneur veut encore aller prendre possession de sa demeure. Il y vient, trouve Zachée préparant un festin spirituel, admire sa foi et se dispose à la proposer comme modèle à tous les assistants. Zachée reçut le Sauveur avec les démonstrations de la foi la plus vie ; le Sauveur, après être entré dans son cœur, entra dans sa maison.
2. O bonheur du bienheureux Zachée ! Il possède maintenant, devenu son hôte, Celui dont la vue seule lui procurait naguère tant de joie. Mais admirons ce qu’il offre comme présent de bonne venue : « Voici », dit-il, « la moitié de mes biens, je la donne aux « pauvres ; et si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rendrai quatre fois autant[3] ». Zachée offrit tout ce qu’il possédait. O dévouement admirable ! Il fit de son bien deux parts, l’une destinée aux œuvres de miséricorde et l’autre aux réparations exigées parla justice. Il ne veut conserver aucune richesse injustement acquise, afin de s’assurer un jugement plus favorable au tribunal de Jésus-Christ, en obtenant le pardon de ses injustices et en méritant la gloire de promise aux œuvres de miséricorde. Ne nous étonnons donc pas que Jésus-Christ fasse son éloge, qu’il exalte sa foi et qu’il applaudisse à la libéralité. « En vérité, je vous le dis, aujourd’hui le salut est venu de Dieu dans cette maison, et celui-ci est véritablement le fils d’Abraham[4] ». Cette maison reçut par la foi le salut qu’autrefois elle avait perdu par la rapine.
3. Zachée, louez et tressaillez, car c’est en montant sur le sycomore que vous avez mérité ce bienfait ; le sycomore est une espèce d’arbre très-peu connu en Afrique ; le fruit qu’il produit ressemble assez à la figue sauvage. Pourquoi donc Zachée a-t-il vu Jésus-Christ ? Parce qu’il n’a pas eu peur des opprobres de la croix : un Dieu suspendu à la croix, un Dieu crucifié, c’est une folie aux yeux des hommes ; mais pour Zachée, c’est un objet d’admiration, car : « Ce qui nous paraît une folie en Dieu, est en réalité pour les hommes le comble de la sagesse[5] ». Zachée devint enfant d’Abraham par la foi, et non par la race ; par son mérite et non par la naissance ; par sa piété et non par le sang. Il éprouva d’abord un violent désir de voir le Seigneur, et il le vit comme il l’avait désiré. C’est ainsi qu’« Abraham votre père a désiré voir mon jour, il l’a vu et s’est senti comblé de joie[6] ». Zachée a reçu le Seigneur comme

  1. Lc. 19, 1 et suiv
  2. Id. 5
  3. Id. 8
  4. Lc. 19, 9
  5. 1 Cor. 1, 25
  6. Jn. 8, 56