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le premier, en me revêtant de la chair, moi qui suis votre Dieu, votre créateur et qui, pour votre salut, accomplis en tout la volonté de mon Père. « Qu’il suffise au disciple de ressembler à son précepteur, et au serviteur de ressembler à son maître[1] ». Si je suis votre précepteur, où est l’honneur que vous me rendez ? Et si je suis votre maître, où est la crainte dont vous m’entourez ? Si vous aimez votre précepteur, montrez les œuvres de votre charité ; et si vous craignez votre maître, donnez des témoignages de votre crainte.« Pourquoi me dire : Seigneur, Seigneur, et ne pas faire ce que je vous commande[2] ? »
4. Réunissons-nous donc en ce jour, d’un commun accord, pour célébrer Jésus-Christ naissant de la Vierge Marie ; craignons, louons, honorons, aimons-le puisqu’il nous a aimés le premier[3]. Si son amour pour nous n’avait pas été purement gratuit, aujourd’hui il ne serait pas né de la chair, et nous ne trouverions pas dans sa naissance une cause de joie si légitime. Recevons Notre-Seigneur avec un esprit pur, une charité ferme, une foi inébranlable, une chasteté sans tache conservons-le, ne le repoussons point par nos péchés ; car il nous abandonnerait, et en se retirant il nous laisserait pauvres et orphelins ; offrons-lui une sainte hospitalité, une demeure chaste, un corps mortifié ; soyons pour lui un temple, puisque c’est de nous qu’il est écrit : « Vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous[4] ». Si l’Esprit-Saint habite en nous, nécessairement le Père y habite également, parce que le Saint-Esprit est consubstantiel au Père et au Fils ; et là où habitent le Père et le Saint-Esprit, il est nécessaire que le Fils habite également, puisque le Fils n’a jamais été sans le Père, ni le Père sans le Fils, ni le Saint-Esprit sans le Père et le Fils ; car la Trinité est absolument indivisible, et cette Trinité est un seul Dieu. Donc, que dans aucun chrétien ne se trouvent les œuvres du démon.
5. Mes frères, mes fils, nous avons changé de Père, il est juste que nous changions d’héritage. Jusque-là le démon était notre père ; que Jésus-Christ le soit maintenant ; par conséquent délivrons-nous du péché et servons Dieu. Quel charme pouvons-nous trouver encore dans les choses mortelles ? Malgré nos efforts, pouvons-nous retenir notre vie fugitive ? Une plus grande espérance vient de briller sur la terre, Jésus-Christ Notre-Seigneur a daigné naître dans la plénitude des temps afin de relever les hommes terrestres par la promesse d’une vie céleste ; livrons-nous aux flammes de cette charité divine, et, pour Jésus-Christ, « regardons comme de l’ordure[5] » tout ce que nous voyons sur la terre ; car à la fin du monde tout cela sera détruit. A notre mort, sachons-le bien, nous n’emporterons rien que nos propres œuvres ; bonnes ou mauvaises, ces actions nous suivront au jour du jugement devant le tribunal de Jésus-Christ. N’hésitons donc pas à faire des choses passagères et périssables comme une monnaie pour acquérir les biens éternels ; « avec l’argent » que nous possédons, « faisons-nous des amis qui nous reçoivent dans les tabernacles éternels[6] » ; c’est-à-dire, attachons-nous les pauvres, les indigents, les faibles, les boiteux, les aveugles, les malheureux de toute sorte, afin que, aidés par leurs prières, nous méritions d’être introduits avec eux dans le royaume de Jésus-Christ, par la médiation de Jésus-Christ lui-même, dont nous célébrons aujourd’hui la naissance et qui est né miraculeusement du sein virginal de Marie, sans porter aucune atteinte à son intégrité. Cette intégrité, cette virginité sans tache de Marie est l’œuvre de la puissance divine ; mais j’admire encore davantage cette infinie miséricorde, car que nous aurait-il servi que le Fils de l’homme pût naître ainsi, s’il ne l’avait pas voulu ? Fils unique du Père, il naît aujourd’hui Fils unique de sa mère, et il naît de celle que lui-même avait créée pour en faire sa mère. Fils éternel du Père, il sort enfant d’un jour, du sein de sa mère ; son Père ne fut jamais sans lui ; et sans lui sa mère n’eût jamais été.
6. Vierges de Jésus-Christ, tressaillez de joie ; à vos rangs appartenait la Mère de Jésus-Christ. Vous n’avez pu enfanter le Christ, mais à cause de Jésus-Christ vous avez refusé d’enfanter. Celui qui n’est pas né de vous est né pour vous. Toutefois, si vous vous souvenez de ses paroles, comme vous devez vous en souvenir, vous êtes aussi sa mère, puisque vous faites la volonté de son Père. N’a-t-il pas dit lui-même : « Quiconque fera la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère[7] ». Réjouissez-vous également, veuves de Jésus-Christ, parce qu’à Celui qui a rendu la virginité féconde vous avez voué la chasteté de la continence. Que la chasteté conjugale se réjouisse également ; soyez dans l’exaltation, vous tous qui vivez dans la fidélité avec vos épouses, et conservez dans votre cœur ce que vous avez perdu dans votre corps. Si, dans le mariage, la chair ne peut conserver son intégrité, que la conscience du moins reste vierge dans le cœur. Et comme Jésus-Christ est la charité, la paix et la justice, concevez-le par la foi, enfantez-le par les œuvres, afin que votre cœur fasse dans la loi de Jésus-Christ ce que le sein de Marie a fait dans la foi du Sauveur, et qu’ainsi vous méritiez l’accomplissement des promesses de Jésus-Christ, qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Mt. 10, 21,25
  2. Lc. 6, 46
  3. Jn. 4, 19
  4. 1 Cor. 3, 16
  5. Phil. 3, 8
  6. Lc. 16, 9
  7. Mt. 12, 50