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l’avenir : « Parce que je vis », dit-il, « et vous aussi vous vivrez ». C’est parce qu’il vit que nous vivrons. « Par un homme est venue la a mort, et par un homme viendra la résurrection des morts ; car, comme tous meurent en Adam, ainsi tous seront vivifiés en Jésus-Christ [1] ». Et comme aucun n’est arrivé à la mort que par Adam, aucun n’arrive à la vie que par Jésus-Christ : parce que nous avons vécu, nous sommes morts ; mais c’est parce qu’il a vécu lui-même, que nous vivrons. Nous sommes morts à Jésus-Christ, quand nous vivons pour nous-même s. Mais parce qu’il est mort pour nous, il vit et pour lui-même et pour nous. C’est en effet parce qu’il vit, que nous vivons. Nous avons bien pu nous donner la mort à nous-mêmes, mais nous ne pouvons, de même, nous rendre la vie.
4. « En ce jour », dit-il, « vous connaîtrez que je suis dans mon Père et que vous êtes en moi, et moi en vous ». En quel jour, sinon en celui auquel il fait allusion en disant : « Et vous vivrez ? » Alors nous pourrons voir ce que nous croyons. Maintenant, sans doute, il est en nous, et nous sommes en lui. Mais ce que nous ne faisons que croire maintenant, alors nous le connaîtrons. Et quoique dès à présent la foi nous l’apprenne, alors notre connaissance aura pour base la contemplation même de la réalité, tant que nous sommes dans un corps pareil au nôtre, c’est-à-dire sujets à la corruption et de nature à appesantir l’âme, nous sommes éloignés du Seigneur, nous marchons à la lueur de la foi et non au flambeau de la claire vue[2]. Mais alors nous marcherons à la claire vue ; car nous le verrons tel qu’il est[3]. Si Jésus-Christ n’était pas en nous, même dès cette vie, l’Apôtre ne dirait pas : « Mais si Jésus-Christ est en nous, le corps est mort à cause du péché, mais l’Esprit est vivant à cause de la justice[4] ». Que nous soyons en lui, même dès cette vie, c’est ce que Notre-Seigneur nous montre quand il dit : « Je suis la vigne, vous êtes les branches [5] ». En ce jour donc, quand nous vivrons de cette vie qui doit absorber la mort, nous connaîtrons qu’il est dans le Père, que nous sommes en lui, et qu’il est en nous : car alors sera achevé ce qu’il a déjà commencé, c’est-à-dire d’être en nous et de nous faire vivre en lui.
5. « Celui qui a mes commandements », dit Notre-Seigneur, « et les garde, c’est celui-là qui m’aime ». Celui qui les a dans la mémoire et qui les garde dans sa manière de vivre, qui les a dans ses discours, et qui les garde en ses mœurs ; qui les a en les écoutant et qui les garde en les pratiquant, ou qui les a en les pratiquant, et qui les garde en y persévérant,« c’est celui-là », dit-il, « qui m’aime ». C’est par les œuvres que l’amour doit se montrer, s’il veut être autre chose qu’un vain nom. « Et celui qui m’aime », continue-t-il, « sera aimé par mon Père ; et moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ». Que veut dire : « J’aimerai ? » Est-ce qu’il ne commencera qu’alors à nous aimer, tandis que maintenant il ne nous aime pas ? Évidemment non. Comment, en effet, le Père pourrait-il nous aimer sans le Fils, ou comment le Fils pourrait-il nous aimer sans le Père ? Leur opération étant inséparable, pourraient-ils aimer séparément ? Quand Notre-Seigneur dit : « Je l’aimerai », cette parole se rapporte à ce qui suit : « Et je me manifesterai moi-même à lui ». « J’aimerai et je me manifesterai », c’est-à-dire, j’aimerai jusqu’à me manifester. Maintenant l’amour de Jésus-Christ ne va qu’à nous faire croire et pratiquer ce que la foi nous ordonne ; mais alors son amour ira jusqu’à nous faire voir et à nous donner la claire vision pour récompense de notre foi, et nous aussi nous aimons maintenant, parce que nous croyons ce que nous verrons ; mais alors nous aimerons parce que nous verrons ce que nous croyons.

  1. 1 Cor. 15, 21-22
  2. 2 Cor. 5, 6
  3. 1 Jn. 3, 2
  4. Rom. 8, 10
  5. Jn. 15, 5