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pourquoi cette donation visible du Saint-Esprit a été renouvelée deux fois : ce fut peut-être à cause du double précepte de l’amour de Dieu et du prochain ; comme il voulait nous montrer que ce double amour est l’effet du Saint-Esprit, l’infusion de cet Esprit a été renouvelée deux fois d’une manière apparente. Il peut y avoir de ce fait d’autres raisons, mais nous ne sommes pas au moment de chercher à les connaître ; car nous prolongerions ce discours outre mesure. Tenons seulement pour constant que sans l’Esprit-Saint nous ne pouvons ni aimer Jésus-Christ, ni garder ses commandements, et que nous ferons ces deux choses plus ou moins parfaitement, selon que nous aurons reçu ce même Esprit avec plus ou moins d’abondance. C’est pourquoi ce n’est pas inutilement que l’Esprit-Saint est promis, non seulement à celui qui ne l’a pas, mais même à celui qui le possède déjà : par là, celui qui ne l’a pas encore commencé à l’avoir, et celui qui l’a déjà, le possédera en de plus larges proportions. En effet, si l’Esprit-Saint ne pouvait s’obtenir à un degré moindre par les uns, et à un degré plus élevé par les autres, le saint prophète Élysée n’aurait pas dit au saint prophète Élie : « Que l’esprit qui est en vous soit doublé en moi[1] ».
3. En prononçant ces mots : a Dieu ne donne « pas son Esprit par mesure[2] », Jean-Baptiste parlait du Fils même de Dieu, car l’Esprit-Saint ne lui a pas été donné par mesure, puisque la divinité habite en lui dans toute sa plénitude[3]. En effet, le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme[4], n’a jamais été privé de la grâce du Saint-Esprit ; lui-même l’a déclaré ; c’est en lui que s’est accomplie cette prophétie : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, c’est pourquoi il m’a rempli de son onction ; il m’a envoyé évangéliser les pauvres[5] ». Qu’il soit le Fils unique de Dieu, égal au Père, c’est sa nature et non pas un effet de la grâce ; mais qu’il se soit uni un homme pour ne faire avec lui qu’une seule personne qui est celle du Fils unique de Dieu, ce n’est plus sa nature, mais un don de la grâce ; l’Évangile nous en avertit en ces termes : « Cependant l’enfant croissait et se fortifiait, il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui[6] ». Pour les autres hommes, le don de l’Esprit-Saint leur est accordé et augmenté par mesure jusqu’à ce que se comble pour chacun la mesure de la perfection qui lui est propre. C’est pourquoi l’Apôtre nous avertit « de ne pas être plus sages « qu’il ne faut, mais d’être sages avec sobriété selon la mesure de la foi que Dieu a répartie à chacun [7] ». Ce n’est pas que l’Esprit-Saint soit partagé ; mais il partage ses dons. Il y a diversité de dons spirituels ; mais il n’y a qu’un même Esprit[8].
4 Mais quand Jésus dit : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet », il montre qu’il est lui-même tin Paraclet. Paraclet est un mot qui, en latin, signifie avocat ; or, il est dit de Jésus-Christ : « Nous avons pour avocat auprès du Père Jésus-Christ le juste[9] Ainsi, quand Jésus-Christ a dit que le monde ne pouvait pas recevoir le Saint-Esprit, il a parlé dans le même sens que l’Apôtre en ce passage : « La prudence de la chair est ennemie de Dieu ; car elle n’est pas soumise à la loi et ne peut l’être[10] ». C’est comme si nous disions : L’injustice ne peut être juste. Par le monde, en cet endroit, Jésus entend ceux qui aiment le monde d’un amour qui ne vient pas du Père[11]. C’est pourquoi à l’amour de ce monde, que nous avons tant de peine à diminuer et à détruire en nous, est opposé l’amour de Dieu qui est répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. « Le monde ne peut donc recevoir cet Esprit, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît point ». Car l’amour du monde n’est pas doué de ces yeux invisibles par lesquels on voit le Saint-Esprit, parce qu’il ne peut être vu que d’une manière toute spirituelle.
5. « Mais vous », dit Notre-Seigneur, « vous le connaîtrez, parce qu’il restera avec vous et qu’il sera en vous ». Il sera en eux pour y demeurer ; il n’y demeurera pas pour y être ; car il faut être en un lieu avant d’y demeurer. Mais afin que les disciples n’entendent pas ces paroles : « Il demeurera avec vous », en ce sens qu’il demeurerait visiblement auprès d’eux, à la façon dont un étranger demeure chez son hôte, il explique ces mêmes paroles en ajoutant : « Il sera en vous ». Il se voit donc d’une manière invisible ; s’il n’est pas en, noua, nous ne pouvons le connaître ; car ainsi voyons-nous en nous-

  1. 2 R. 11, 9
  2. Jn. 3, 34
  3. Col. 2, 9
  4. 1 Tim. 2, 5
  5. Lc. 4, 18-21
  6. Id. 2, 40
  7. Rom. 12, 3
  8. 1 Cor. 12, 4
  9. 1 Jn. 2, 1
  10. Rom. 8, 7
  11. 1 Jn. 2, 16