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CENT DIX-SEPTIÈME TRAITÉ.

DEPUIS CES PAROLES : « ET PORTANT SA CROIX, IL VINT AU LIEU QUI EST APPELÉ CALVAIRE », JUSQU’À CES AUTRES : « PILATE RÉPONDIT : CE QUE J’AI ÉCRIT, JE L’AI ÉCRIT ». (Chap. 19,17-22.)

JÉSUS, ROI DES JUIFS.

Quoi qu’il en soit de l’heure précise du crucifiement, toujours est-il que le Sauveur fut attaché à la croix sur le Calvaire et entre deux voleurs, et que le titre refusé à Jésus par les Juifs, mais imposé par Pilate, fut affiché à l’instrument du supplice pour leur instruction et leur confusion.


1. Pilate ayant jugé et condamné Notre-Seigneur Jésus-Christ à son tribunal, les soldats le saisirent et l’emmenèrent vers la sixième heure ; « et Jésus, portant sa croix, vint au lieu appelé Calvaire, en hébreu Golgotha, et là ils le crucifièrent ». Que signifie donc ce que dit l’Évangéliste Marc : « Or, il était la troisième heure, et ils le crucifièrent[1] ? D Le voici : ce fut à la troisième heure que Notre-Seigneur fut crucifié par les langues des Juifs, et à la sixième par la main des soldats. Il faut comprendre que la cinquième heure était déjà passée et la sixième commencée, quand Pilate s’assit à son tribunal ; Jean l’indique par ces mots : « Environ la sixième heure » ; pendant qu’on l’emmenait, qu’on l’attachait au bois de la croix avec deux voleurs, et que se passait auprès de la croix tout ce que racontent les Évangiles, la sixième heure s’écoula tout entière, et c’est à partir de cette sixième heure jusqu’à la neuvième que, le soleil s’étant obscurci, les ténèbres se firent, comme nous l’atteste l’autorité des trois Évangélistes Matthieu, Marc et Luc[2]. Mais comme les Juifs ont essayé de rejeter sur les Romains, c’est-à-dire sur Pilate et ses soldats, le crime d’avoir tué Jésus-Christ, Marc passe sous silence l’heure où Jésus fut crucifié par les soldats, et qui a commencé vers la sixième heure ; il ne s’est rappelé que la troisième heure, et il l’a désignée de préférence, afin de faire comprendre que c’était à cette heure que les Juifs avaient crié devant Pilate : « Crucifiez-le, crucifiez-le [3] ». On devait aussi reconnaître par là que ceux qui avaient crucifié Jésus-Christ, ce n’étaient pas seulement les soldats, qui, à la sixième heure, l’avaient cloué au bois de la croix, mais que c’étaient aussi les Juifs, puisque, pour le faire crucifier, ils avaient crié vers la troisième heure.
2. Mais il y a encore une autre solution à cette difficulté, il suffit pour cela de ne pas prendre cette heure pour la sixième heure du jour. En effet, Jean ne dit pas : Or, il était comme la sixième heure du jour ; il ne dit pas non plus, comme la sixième heure ; mais il dit : « Or, c’était le jour de là préparation de la Pâque, environ vers la sixième heure [4] ». Pour dire préparation, il se sert du mot « parasceve » ; c’est un mot grec dont se servent plus habituellement pour indiquer leurs cérémonies, même ceux des Juifs qui parlent plus volontiers latin que grec : c’était donc la préparation de la Pâque. Et « notre Pâque », comme dit l’Apôtre, « c’est Jésus-Christ qui a été immolé [5] ». Or, si nous faisons partir la préparation de cette Pâque de la neuvième heure de la nuit, (et c’est alors que les Princes des prêtres semblent avoir prononcé la condamnation du Sauveur, en disant : « Il mérite la mort [6] », lorsqu’on l’interrogeait dans la demeure du grand prêtre ; c’est donc avec raison que nous pouvons faire commencer la préparation de la vraie Pâque, dont la Pâque des Juifs n’était que la figure, c’est-à-dire de l’immolation de Jésus-Christ, au moment où les prêtres s’écrièrent qu’il fallait l’immoler) : assurément, à partir de cette heure de la nuit, que l’on conjecture avoir été la neuvième, jusqu’à la troisième heure du jour, où l’Évangéliste Marc atteste que Jésus fut crucifié, il y a six heures, trois

  1. Mc. 15, 25
  2. Mt. 27, 45, Marc, 15, 33 ; Luc, 23, 44
  3. Jn. 19,6
  4. Jn. 19, 14
  5. 1 Cor. 5, 7
  6. Mt. 26, 66