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croiront en moi ». Par là il voulait désigner tous les siens, c’est-à-dire, non seulement ceux qui vivaient alors, mais ceux qui devaient exister plus tard. En effet, tous ceux qui, dans la suite, ont cru en lui, y ont évidemment cru sur la parole des Apôtres ; et c’est sur la même parole qu’ils y croiront, jusqu’à ce qu’il vienne ; il leur avait dit en effet : « Et vous me rendrez témoignage, parce que depuis le commencement vous êtes avec moi [1] ». C’est par eux que l’Évangile a été apporté aux hommes, même avant d’être écrit ; et, certes, quiconque croit en Jésus-Christ, croit à l’Évangile. Donc, par ceux qu’il annonce comme devant croire en lui par la parole des Apôtres, il ne faut pas entendre seulement ceux qui ont entendu les Apôtres pendant qu’ils vivaient encore sur la terre ; mais ceux qui ont vécu après leur mort, et nous-mêmes qui sommes nés longtemps après, car c’est par leur parole que nous avons cru en Jésus-Christ. Ceux qui étaient alors avec lui ont prêché aux autres la doctrine qu’ils avaient recueillie de sa propre bouche ; leur parole, qui devait nous faire croire, est ainsi parvenue jusqu’à nous et partout où se trouve son Église, et elle parviendra de même à ceux qui nous suivront et croiront en lui, n’importe qui ils soient et où ils se trouvent.
2. Si nous n’examinions avec soin les paroles prononcées par Notre-Seigneur dans le cours de cette prière, il pourrait sembler qu’il exclut de cette prière quelques-uns des siens. En effet, comme nous l’avons démontré, il a prié d’abord pour ceux qui étaient alors avec lui, et ensuite pour ceux qui devaient croire en lui par la parole de ses Apôtres ; mais on pourrait dire qu’il ne pria point pour ceux qui n’étaient pas avec lui quand il prononçait ces paroles, et ne devaient pas croire en lui par la parole des Apôtres, mais qui avaient déjà cru en lui, soit par l’intermédiaire des Apôtres, soit par quelque autre moyen. En effet, Nathanaël était-il alors avec lui ? était-il avec lui, ce Joseph d’Arimathie qui réclama son corps à Pilate et que notre Évangéliste Jean dit lui-même avoir été déjà au nombre de ses disciples[2] ? Étaient-elles avec lui, Marie, sa Mère, et les autres femmes qui, comme nous le lisons dans l’Évangile, étaient déjà ses disciples ? Étaient-ils avec lui, ceux dont le même Évangéliste Jean nous dit : « Beaucoup crurent en lui[3] ? » D’où était donc cette multitude qui, des rameaux à la main, le précédait et le suivait lorsqu’il s’avançait assis sur un âne, et criaient : « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ? » D’où étaient ces enfants au sujet desquels, suivant lui, a été faite cette prédiction : « De la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle, vous avez parfait ma louange[4] ? » D’où étaient ces cinq cents frères auxquels il ne se fût pas montré après sa résurrection[5], si déjà ils n’avaient cru en lui ? D’où étaient ces cent neuf disciples qui, réunis aux onze Apôtres, formaient cette assemblée de cent vingt, qui après son ascension attendirent et reçurent le Saint-Esprit qu’il leur avait promis[6] ». D’où étaient-ils tous ? Du nombre de ceux dont il a été dit : « Beaucoup crurent en lui ». Le Sauveur ne pria donc pas alors pour eux, puisqu’il pria pour ceux qui étaient avec lui et pour les autres qui par la parole des Apôtres devaient croire, mais n’avaient pas encore cru en lui. Or, tous ceux dont nous parlons n’étaient pas alors avec lui, et déjà auparavant ils avaient cru en lui. J’omets de parler du vieillard Siméon, qui crut en lui lorsqu’il n’était encore qu’un petit enfant ; d’Anne la Prophétesse [7], de Zacharie et d’Élisabeth, qui l’annoncèrent avant qu’il naquît d’une Vierge[8] ; de leur fils Jean, son Précurseur, l’ami de l’Époux qui le reconnut dans le Saint-Esprit, le prêcha absent, et quand il fut présent, le fit reconnaître aux autres en le leur montrant[9]. Je les passe sous silence, parce qu’on pourrait me répondre qu’il n’avait pas à prier pour eux, vu qu’ils étaient morts ; qu’ils étaient sortis de cette vie avec des mérites si grands et que, reçus dans l’autre vie, ils y reposaient. On pourrait faire la même réponse pour les justes de l’ancienne loi. Car lequel d’entre eux aurait pu échapper à la damnation de tout le genre humain, opérée par un seul homme, s’il n’avait cru, par la révélation de l’Esprit-Saint, au seul Médiateur de Dieu et des hommes qui devait venir dans la chair ? Mais Jésus a-t-il dû prier pour les Apôtres et ne pas le faire pour tous ceux en grand nombre qui, encore vivants, n’étaient pas alors avec

  1. Jn. 15, 27
  2. Id. 19, 38
  3. Jn. 2, 23 ; 4, 39 ; 7, 31 ; 8, 30 ; 10, 42
  4. Mt. 21, 7, 16 ; Ps. 8, 3
  5. 1 Cor. 15, 6
  6. Act. 1, 15 ; 2, 4
  7. Lc. 2, 25-38
  8. Id. 1, 41-45, 67-79
  9. Jn. 1, 19-36 ; 3, 26-36