Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome X.djvu/695

Cette page n’a pas encore été corrigée

Dieu nous le révélera [1]. Nous sommes arrivés à la voie de la foi ; suivons-la avec une persévérance tenace. Elle nous conduira à ce palais du roi, où sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science [2]. Quand le Seigneur disait aux principaux et aux préférés de ses disciples : « J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant [3] », il ne voulait pas garder ces secrets pour lui seul. Il faut nous avancer, profiter et croire, afin que nos cœurs deviennent capables de comprendre ces choses que nous ne pouvons saisir maintenant. Si le dernier jour nous trouve en cette disposition, au ciel nous apprendrons ce que nous n’aurons pu apprendre ici-bas.
8. Mais si quelqu’un croit pouvoir mieux connaître et expliquer plus clairement cette question, nul doute que je ne sois plus disposé à apprendre qu’à enseigner. Seulement, qu’il ne soit pas assez osé pour défendre le libre arbitre de manière à rendre inutile la prière où nous disons à Dieu : « Ne nous induisez point en tentation » ; d’un autre côté, qu’il ne nie pas le libre arbitre de la volonté, au point d’excuser le péché. Mais Écoutons le Seigneur qui ordonne, et qui vient en aide ; qui nous commande ce que nous devons faire, et nous aide pour que nous puissions l’accomplir. Car, il en est qu’une trop grande confiance en la puissance de leur volonté jette dans l’orgueil ; d’autres tombent dans la négligence parce qu’ils se défient trop d’eux-mêmes. Les premiers disent : Pourquoi demander à Dieu de n’être pas vaincus dans la tentation, puisqu’il est en notre pouvoir de nous en empêcher ? À quoi bon, disent les autres, nous efforcer de bien vivre, puisque cela dépend de Dieu seul ? O Seigneur, ô Père, qui êtes dans le ciel, ne nous induisez en aucune de ces tentations, « mais délivrez-nous du mal [4] ». Écoutons ces paroles du Sauveur : « J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas [5] ». N’estimons donc point que notre foi dépend tellement de notre libre arbitre, qu’elle n’ait aucun besoin du secours de Dieu. Écoutons aussi l’Évangéliste ; voici ce qu’il dit : « Il leur a donné le pouvoir de devenir les enfants de Dieu [6] ». Ne croyons donc pas non plus que notre foi n’est nullement en notre pouvoir, mais de part et d’autre reconnaissons un bienfait de Dieu nous lui devons des actions de grâces, parce que la puissance nous a été donnée, et nous devons le prier pour que notre faiblesse ne succombe pas [7]. C’est la foi qui opère par la charité, mais selon la mesure qu’il a plu au Seigneur de donner à chacun[8], afin que celui qui se glorifie se glorifie, non pas en lui-même, mais dans le Seigneur[9].
9. Il n’est donc pas étonnant que les Juifs se soient trouvés dans l’impossibilité de croire. Leur volonté était si orgueilleuse que, méconnaissant la justice de Dieu, ils voulaient y substituer leur propre justice, selon ce que dit l’Apôtre, en parlant d’eux : « Ils n’étaient point soumis à la justice de Dieu[10] ». Ils ont répudié la foi, et leurs œuvres seules sont devenues le sujet de l’enflure de leur cœur. Cette enflure les a aveuglés, et ils se sont heurtés à la pierre d’achoppement. Donc, quand il est dit qu’ils ne pouvaient pas, il faut l’entendre en ce sens qu’ils ne voulaient pas ; ainsi qu’il est, dit du Seigneur notre Dieu : « Si nous ne croyons pas, il reste fidèle, car il ne peut se contredire lui-même[11] ». En parlant du Tout-Puissant, on dit : « Il ne peut pas ». De même donc que si le Seigneur « ne peut se contredire lui-même », c’est une qualité louable de la volonté divine ; de même si les Juifs « ne pouvaient croire », c’était la faute de la volonté humaine.
10. Et moi je dis que ceux qui ont assez d’orgueil et présument assez des forces de leur volonté pour penser qu’on peut bien vivre sans l’assistance de Dieu, je dis qu’ils ne peuvent croire en Jésus-Christ. Car il ne sert de rien de prononcer le nom de Jésus-Christ, de recevoir ses sacrements, si l’on résiste à la foi de Jésus-Christ. Or, la foi en Jésus-Christ consiste à croire en celui qui justifie l’impie[12] ; c’est croire au Médiateur, sans l’intervention duquel nous ne pouvons nous réconcilier avec Dieu ; c’est croire au Sauveur qui est venu chercher et sauver ce qui avait péri[13] ; c’est croire en Celui qui a dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire[14] ». Dès lors qu’on ignore la justice de Dieu par laquelle l’impie est justifié, et qu’on veut y substituer la sienne propre, ce qui est la preuve de l’orgueil, on ne peut

  1. Phil. 3, 15, 16
  2. Col. 2, 3
  3. Jn. 16, 12
  4. Mt. 6, 13
  5. Lc. 22, 32
  6. Jn. 1, 12
  7. Gal. 5, 6
  8. Rom. 12, 3
  9. 1 Cor. 1, 31
  10. Rom. 10, 3
  11. 2 Tim. 2, 13
  12. Rom. 6, 5
  13. Lc. 19,10
  14. Jn. 15, 5