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un type, la figure de l’Église et le corps de Jésus-Christ. De là cette parole de l’Évangile : « Détruisez ce temple de Dieu, et je le rebâtirai en trois jours[1] ». Comme donc Salomon avait bâti un temple, voilà que se bâtit à lui-même un temple ce même Jésus-Christ, véritable Salomon, véritable roi de paix. Le nom de Salomon signifie en effet pacifique : or, celui-là est véritablement pacifique, dont l’Apôtre a dit : « C’est lui qui est notre paix, qui de deux peuples en a fait un ». Il est le véritable pacifique, celui qui a réuni en lui-même, comme en une pierre angulaire, les deux murailles venant de côté opposé, et le Peuple croyant qui venait de la circoncision, et le peuple croyant aussi qui venait des hommes incirconcis : c’est de ces deux peuples qu’il a fait une seule Église, dont il est la pierre angulaire[2], et dès lors le véritable pacifique. C’est lui qui est le vrai Salomon ; et cet autre Salomon, fils de David et de Bethsabée[3], ce roi d’Israël, n’était que la figure du véritable pacifique, lorsqu’il bâtissait un temple au Seigneur. Et pour que ta pensée ne s’arrête point sur le Salomon qui éleva un temple, voilà que l’Écriture te désigne un autre Salomon en commençant ainsi notre psaume : « Si le Seigneur ne bâtit lui-même une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent ». C’est donc le Seigneur qui élève la maison, c’est Jésus-Christ Notre-Seigneur qui construit lui-même son temple. Beaucoup se fatiguent à bâtir, mais si le Seigneur ne construit, c’est en vain que travaillent ceux qui construisent. Quels sont ces travailleurs ? Ceux qui prêchent dans l’Église la parole de Dieu, qui administrent les sacrements. Nous courons tous maintenant, nous travaillons tous, nous édifions tous : d’autres, avant nous, ont couru, ont travaillé, ont édifié ; mais, « si le Seigneur n’élève une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent ». C’est pourquoi, à la vue des fidèles qui tombent, les Apôtres leur disent et surtout saint Paul e Vous observez les jours et les années, les mois et les temps ; je crains fort que je « n’aie travaillé en vain parmi vous[4] ». Comme il savait par expérience que c’est le Seigneur qui édifie à l’intérieur, il pleurait ces fidèles parce qu’il avait en vain travaillé parmi eux. C’est donc nous qui parlons au-dehors, c’est Dieu qui édifie au dedans. Nous voyons comme vous écoutez, mais Dieu qui seul voit les cœurs, connaît vos pensées. C’est lui qui édifie, lui qui avertit, lui qui effraie lui qui ouvre l’intelligence, lui qui applique notre esprit aux vérités de la foi ; et toutefois nous travaillons comme ouvriers ; mais « si le Seigneur, ne construit une maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent ».
3. Cette maison de Dieu est aussi sa cité, car la maison de Dieu, c’est le peuple de Dieu ; la maison de Dieu, c’est le temple de Dieu, Et que dit l’Apôtre ? « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple[5] ». Tous les fidèles composent donc cette maison de Dieu, et non seulement ceux qui sont aujourd’hui, mais ceux qui ont existé avant nous et qui sont morts, ceux qui viendront après nous, et qui doivent naître parmi les hommes jusqu’à la fin du monde : tous ces fidèles qui forment une multitude innombrable, et que Dieu seul peut compter, selon cette parole de l’Apôtre : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent[6] » ; tous ces grains qui gémissent parmi la paille, et qui ne formeront qu’une seule masse, quand l’aire sera vannée[7] ; tous ces fidèles sanctifiés qui doivent échanger leur humanité pour devenir les égaux des anges, avec ces anges eux-mêmes, qui ne sont point exilés maintenant, mais qui attendent que nous revenions de notre exil, tous ensemble composent une seule maison de Dieu, une seule cité qui est Jérusalem. Elle a des gardiens : de même qu’elle a des hommes qui la bâtissent, qui s’efforcent de la construire, elle en a pour la garder. C’est en veillant sur elle que l’Apôtre a dit : « Je crains que, comme Eve fut séduite par les artifices du serpent, vos esprits de même ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est dans le Christ[8] ». Voilà un gardien qui veillait ; il veillait de tout son pouvoir sur ceux qui lui étaient confiés. Voilà ce que font les évêques, et c’est pour cela qu’ils occupent un lieu plus élevé, afin qu’ils aient l’intendance et comme la garde de leur peuple. Car ce que l’on appelle évêque, en grec, se traduit en latin par sentinelle, parce qu’il veille d’en haut. Il voit d’un

  1. Jn. 2,19
  2. Eph. 2,14-22
  3. 2 Sa. 12,21
  4. Gal. 4,10-11
  5. 1 Cor. 3,17
  6. 2 Tim. 2,19
  7. Mt. 3,12
  8. 2 Cor. 11,3