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n’entendrais qu’un airain sonnant et une cymbale retentissante. Je veux quelque chose de plus solide, je veux trouver du fruit dans les feuilles : que les paroles ne soient pas seules, qu’elles portent l’olive, qu’elles reviennent à l’arche.
21. Mais, diras-tu, j’ai le sacrement. Tu dis vrai. Ce sacrement est divin ; tu as le baptême, et je l’avoue. Mais que dit le même Apôtre ? « Quand même je connaîtrais tous les mystères, quand je posséderais le don de prophétie et que j’aurais la foi jusqu’à transporter les montagnes ». Il parlait ainsi pour t’empêcher de dire : Je crois, cela me suffit. Mais que dit Jacques ? « Les démons aussi croient, et ils tremblent[1] ». Grande chose que la foi ! mais chose inutile sans la charité. Les démons aussi confessaient le Christ : c’était de leur part avec foi en lui, mais ils ne l’aimaient pas, quand ils disaient : « Qu’y a-t-il u entre vous et nous[2] ? » Ils avaient la foi, mais ils n’avaient pas la charité : c’est pourquoi ils étaient des démons. Ne te glorifie pas d’avoir la foi ; car il serait encore possible de te comparer aux démons. Ne (lis pas au Christ « Qu’y a-t-il entre vous et moi ? » L’unité du Christ te parle, elle te dit : Viens à moi, sache où est la paix, rentre dans les entrailles de la colombe. Tu as été baptisé en dehors d’elle, porte du fruit et tu reviendras à l’arche.
22. Mais, diras-tu, pourquoi nous chercher, puisque nous sommes des méchants ? Voilà précisément pourquoi nous vous cherchons, c’est que vous êtes méchants ; car si vous n’étiez pas méchants, nous vous aurions trouvés et nous ne vous chercherions pas. Celui qui est bon est déjà trouvé ; celui qui est méchant, on le cherche encore ; c’est pourquoi nous vous cherchons. Revenez à l’arche. Mais j’ai le baptême. « Quand même je saurais tous les mystères, quand j’aurais le don de prophétie, et une foi jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ». Que je voie du fruit en toi, que j’y voie l’olive, et bientôt tu seras dans l’arche.
23. Mais que dis-tu ? Voilà que nous endurons beaucoup d’épreuves, Si seulement vous souffriez pour le Christ, et non pour les honneurs. Mes frères, écoutez ce qui suit : ils se vantent parfois de faire de grandes aumônes, de souffrir de mauvais traitements ; mais c’est pour Donat, ce n’est point pour le Christ. Remarque pourquoi tu souffres : si c’est pour Donat, tu souffres pour un orgueilleux, tu n’es pas dans la colombe dès là que tu souffres pour Donat. Il n’était pas l’ami de l’Époux ; car s’il avait été l’ami de l’Époux, il aurait recherché la gloire de l’Époux au lieu de rechercher la sienne propre [3]. L’ami de l’Époux ne dit-il pas : « C’est celui-là qui baptise ? » Il n’était pas l’ami de l’Époux celui pour qui tu souffres. Tu n’as pas la robe nuptiale, et si tu viens au festin on te mettra dehors[4]. Que dis-je ? c’est parce que tu as été mis dehors que tu es misérable ; reviens donc enfin et cesse de te glorifier. Écoute ce que dit l’Apôtre : « Quand même j’aurais distribué tout mon bien aux pauvres et livré mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité ». Voilà ce que tu n’as pas. « Quand j’aurais livré mon corps aux flammes », même pour le nom du Christ, comme il en est plusieurs qui le font par orgueil, et non par charité, Paul ajoute : « Quand j’aurais livré mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, il ne me sert de rien[5] ». Ceux-là l’ont fait par charité, qui au temps de la persécution ont souffert le martyre ; ils ont agi par charité ; mais les Donatistes le font par sentiment d’orgueil et de superbe ; car, le persécuteur venant à manquer, ils se jettent d’eux-mêmes dans les précipices. Viens donc, afin d’avoir la charité. Mais nous avons des martyrs. Quels martyrs ? Ils ne sont point de la colombe ; aussi sont-ils tombés du haut de la pierre, quand ils ont voulu s’envoler.
24. Tout donc, vous le voyez, tout crie contre eux, toutes les pages divines, toutes les prophéties, tout l’Évangile, toutes les épîtres des Apôtres, tous les gémissements de la colombe, et cependant ils ne s’éveillent pas encore, ils ne sortent pas de leur sommeil. Pour nous, si nous sommes la colombe, gémissons, supportons-les, espérons ; la miséricorde de Dieu viendra pour échauffer du feu du Saint-Esprit votre simplicité ; et alors ils viendront. Il ne faut pas désespérer ; priez, prêchez, aimez, Dieu est tout – puissant. Déjà ils ont commencé à reconnaître leur audace ; plusieurs l’ont reconnue ; plusieurs en ont rougi ; le Christ viendra, et d’autres encore le reconnaîtront. Qu’au moins, mes frères, il ne reste parmi eux que la paille ; que tous les

  1. Jac. 2, 19
  2. Mc. 1, 24
  3. Jn. 3, 29
  4. Mt. 22,11-13
  5. 1 Cor. 13, 2-3