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cité d’où nous sommes bannis, maintenant que nous soupirons dans la servitude, sous le poids et dans l’embarras d’un corps mortel ; mais ce qui nous fait soupirer dans l’exil, fera notre joie dans la patrie. Quiconque ne gémit point dans l’exil, ne goûtera point la joie du citoyen, parce qu’il n’en éprouve aucun désir. Ces deux saints Prophètes apportaient donc un grand soulagement à ce peuple captif selon la chair, c’est-à-dire tombé à Babylone sous le pouvoir de rois étrangers ; car ils annonçaient que la captivité n’aurait qu’un temps et que Jérusalem serait reconstruite. Mais tout cela se passait pour eux en figure[1] ; et pour nous, c’est une réalité : ce qui était une ombre pour les Juifs est devenu une vérité pour nous. Maintenant donc, que nous dit l’Apôtre ? « Tant que nous u sommes dans un corps, nous sommes exilés loin du Seigneur[2] ». Nous ne sommes point encore dans la patrie. Quand y serons-nous ? Quand nous aurons remporté sur le diable un triomphe complet ; quand la mort, notre dernière ennemie, sera détruite ; alors s’accomplira cette parole des Écritures : « La mort a été absorbée dans sa victoire. O mort ! où est ton combat ? ô mort ! où est ton aiguillon[3] ? » Quand donc cessera-t-elle cette guerre que nous fait la mort maintenant, qui provoque vos gémissements sur la défaillance et l’instabilité des choses humaines, sur la fragilité de notre chair ? Chaque jour il nous faut lutter contre les tentations, et lutter contre nos plaisirs ; et s’il n’y a consentement, il y a du moins peine et lutte ; et il est à craindre que celui qui lutte ne soit vaincu ; mais si nous triomphons par le refus de consentement, il nous en coûte néanmoins de résister à ces attraits. Or notre ennemi ne meurt point et ne cessera de nous faire la guerre qu’à la résurrection des morts. Mais reprenons courage, ayons confiance, voilà qu’Aggée et Zacharie nous relèvent en chantant notre délivrance future. Si leur prophétie au peuple juif est accoua plie, pourquoi ce que l’on chante aujourd’hui pour le peuple chrétien ne s’accomplirait-il point ? Soyez donc pleins d’assurance ; seulement dans cette vie d’exil voyez comment vous agissez. Loin de vous tout amour de Babylone, de peur d’oublier jamais Jérusalem. Si votre corps est retenu à Babylone, que Jérusalem possède votre cœur par avance. Que toute créature loue donc le Seigneur, puisque nous ferons alors ce que nous préméditons ici-bas.
5. « Louez le Seigneur, vous qui habitez les cieux, louez-le dans les hauteurs ». Le Prophète s’adresse aux cieux, puis il en vient à la terre, parce qu’il bénit ce Dieu qui a créé le ciel et la terre. Ce qui est du ciel est dans le calme, dans la paix ; là règne une joie sans fin ; on n’y redoute ni la mort, ni la maladie, ni le chagrin ; les bienheureux louent Dieu sans cesse. Pour nous, à la vérité, nous sommes encore sur la terre ; mais quand nous pensons de quelle manière on loue Dieu dans le ciel, élevons-y notre cœur, et qu’on ne nous dise point en vain : Les cœurs en haut. Levons en haut notre cœur, de peur qu’il ne se corrompe sur la terre, puisque notre joie est dans ce que les anges font au ciel. Soyons-y par l’espérance dès aujourd’hui, afin d’y être un jour en réalité. « Louez donc le Seigneur, vous qui êtes des « cieux ».
6. « Louez-le tous, vous qui êtes ses anges ; chantez-le, vous qui êtes ses vertus ; soleil et lune, chantez ses louanges ; vous toutes, étoiles et lumière, publiez sa gloire. « Annoncez-le, ô cieux des cieux, et que toutes les eaux qui sont au-dessus des cieux chantent le nom du Seigneur[4] ». Comment le Prophète pourrait-il inviter chacune des créatures ? Il le fait néanmoins sommairement et renferme en quelques mots toutes les créatures du ciel qui louent leur Créateur.
7. Puis, comme si on lui demandait : Pourquoi ces créatures bénissent-elles le Seigneur, que lui doivent-elles, que leur a-t-il donné, pour le louer ainsi ? il ajoute : « Car il a parlé, et voilà qu’elles ont été faites ; il a commandé, et elles ont été créées ». Rien d’étonnant que l’œuvre chante la gloire de l’ouvrier, que la créature loue le Créateur. On vient de nommer le Christ, et il semble que nous n’ayons pas entendu son nom. Qui est le Christ ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe u était Dieu : voilà ce qui était en Dieu au u commencement. Tout a été fait par lui, et rien n’a été fait sans lui[5] ». Par qui toutes choses ont-elles été faites ? Par le Verbe. Comment le Prophète nous fait-il voir que

  1. 1 Cor. 10,6
  2. 2 Cor. 5,6
  3. 1 Cor. 15,26.54-55
  4. Ps. 148,2-5
  5. Jn. 1,1-3