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Mais quel rapport cet événement peut-il avoir avec le Christ ? Si tout ce qui se passait alors figurait l’avenir, il est ici bien plus question du Christ que de David, car j’ignore, à vrai dire, comment on pourrait appliquer à celui-ci les paroles précitées : « Ne corromps rien sur l’inscription du titre » : car jamais on n’a écrit de titre pour David, et, par conséquent, Saül n’en a jamais altéré. Nous voyons, au contraire, que, pendant la passion du Sauveur, on a fait une inscription ainsi conçue : « Roi des Juifs » : ce titre devait attacher une honte éternelle au front des scélérats qui avaient trempé leurs mains dans le sang de leur roi. Saül représentait les Juifs, comme David était la figure de Jésus-Christ. Selon l’Évangile des Apôtres, comme nous le croyons et le confessons tous, Jésus-Christ est né, selon la chair, de la race de David[1] ». En tant que Dieu, il est élevé au-dessus de David, de tous les hommes, du ciel et de la terre, des Anges, de toutes les choses visibles et invisibles, parce que tout a été fait par lui, et que sans lui rien n’a été fait[2]. Il a daigné se faire homme et sortir de la race de David, pour descendre jusqu’à nous : il est né de la tribu de David, à laquelle appartenait la Vierge Marie, qui a enfanté le Christ[3]. On plaça donc au-dessus du Christ cette inscription : « Roi des Juifs » Saül, comme nous l’avons dit, représentait le peuple juif David était la figure du Christ ; et le titre indiqué dans le psaume préfigurait celui-ci « Roi des Juifs ». Les Juifs s’irritèrent de ce qu’on avait écrit : « Roi des Juifs » ; il leur répugnait d’avoir pour roi l’homme qu’ils avaient eu le pouvoir de crucifier, car ils ne prévoyaient pas alors que l’image de cette croix à laquelle ils l’avaient attaché, ornerait un jour la couronne des rois. Exaspérés de ce qu’on lui avait donné ce titre, ils allèrent trouver Pilate, ce juge auquel ils avaient proposé de mettre à mort le Christ, et ils lui dirent : « N’écrivez pas : Roi des Juifs, mais écrivez qu’il s’est donné pour le roi des Juifs » Mais comme le Saint-Esprit avait déjà dit par la bouche du Psalmiste « Ne corromps rien sur l’inscription du titre », Pilate leur répondit : « Ce que j’ai écrit est écrit[4] » Pourquoi voudriez-vous me faire mentir ? Je n’altère pas la vérité.
4. Nous comprenons maintenant le sens de ces paroles : « Ne corromps rien sur l’inscription du titre ». Que veulent dire ces autres : « Quand David fuyait de devant la face de Saül dans une caverne ? » Il est vrai que ceci est arrivé à David ; mais puisque nous voyons que l’inscription du titre ne le concerne pas, cherchons à comprendre comment la fuite dans une caverne concerne le Christ. Évidemment la caverne où David se réfugia, était une figure ; elle représentait quelque autre chose. D’abord, pourquoi s’y retira-t-il ? Pour se cacher et empêcher son ennemi de le trouver. Qu’est-ce que se cacher dans une caverne ? C’est se cacher sous terre. En effet, l’homme qui se retire dans une caverne, se retire sous terre, pour ne pas être vu : Jésus s’était couvert de terre, car le corps dont il s’était revêtu, était de la terre, et il se cachait ainsi, afin que les Juifs ne pussent apercevoir sa divinité ; si, en effet, ils l’avaient connu, jamais ils n’auraient crucifié le Roi de gloire[5]. Pourquoi n’ont-ils pas trouvé le Roi de gloire ? Parce qu’il s’était caché dans une caverne ; c’est-à-dire, il ne présentait à leurs regards que l’infirmité de sa chair : sous ce voile épais, dérobé en quelque sorte à leurs yeux par ce vêtement de terre, il déguisait la grandeur majestueuse de sa divinité. Aussi les Juifs crurent-ils crucifier un homme, parce qu’ils méconnurent en lui le Dieu ; ils n’avaient pu s’emparer de lui que parce qu’il était homme, c’est pourquoi ils ne purent crucifier et mettre à mort en lui que l’homme. Il ne laissa voir que de la terre à ceux qui le cherchaient dans de mauvaises intentions, comme il réserve la vie éternelle à ceux qui le cherchent avec droiture ; selon la chair, il s’éloigna de la présence de Saül et s’enfuit dans une caverne. Si tu consens à voir dans cette fuite la passion du Sauveur, tu le remarqueras, il s’est dérobé aux regards des Juifs jusqu’au point de mourir. Tant qu’il n’eut pas rendu le dernier soupir, les Juifs, malgré la rigueur des tourments qu’ils lui faisaient endurer, s’imaginaient toujours que s’il était le Fils de Dieu, il pouvait s’échapper de leurs mains, et prouver, par quelque prodige, sa divine origine. Le livre de la Sagesse l’avait prédit : « Condamnons-le à une mort honteuse, et nous verrons si ce qu’il a dit est vrai. S’il est vraiment le Fils de Dieu, le

  1. Rom. 1,3 ; Mt. 1,1
  2. Jn. 1,3
  3. Lc. 1,27 ; 2,4
  4. Jn. 19,19-22
  5. 1 Cor. 2,8