témoignage de la conscience, ne doit pas s’en référer aux louanges des hommes : voilà les cinq vierges sages qui portent leur huile avec elles[1]. Qu’est-ce à dire qu’elles ont leur huile avec elles ? C’est là notre gloire, le témoignage de notre conscience[2]. Le riche dévoré dans les flammes de l’enfer, nous dit encore : « J’ai cinq frères[3] ». C’est là l’image du peuple juif qui était sous la loi : car Moïse leur législateur, a écrit cinq livres. De même encore le Seigneur, après sa résurrection, ordonna de jeter le filet du côté droit, et les pécheurs prirent cent cinquante-trois poissons ; « et nonobstant ce grand nombre », dit l’Évangile, « le filet ne se rompit point[4] ». Avant sa passion, il avait fait jeter le filet, sans indiquer la droite ou la gauche : s’il eût dit, en effet, la droite, il eût désigné les bons seulement, et seulement les méchants s’il eût indiqué la gauche ; mais quand il n’y a ni droite ni gauche, c’est qu’on pêche les méchants mêlés aux bons. On en prit tant alors que le filet se rompait, au témoignage de l’Évangile[5]. Cette pêche désignait le temps présent : les filets qui se rompent, ce sont les déchirures, les divisions des hérétiques et des schismatiques. Mais ce que fit le Sauveur après sa résurrection, nous montre ce qui doit arriver quand nous serons ressuscités, dans ce grand nombre marqué pour le ciel, où nul méchant ne doit se trouver. Les filets jetés à droite, désignent les bons, séparés des hommes de la gauche. Mais ceux de la droite ne seront-ils composés que de cent cinquante-trois justes ? L’Écriture parle de mille millions[6]. Lisez l’Apocalypse, et vous verrez que le seul peuple juif fournit douze fois douze mille élus[7]. Voyez le grand nombre des martyrs : non loin d’ici la seule Masse blanche[8], comme on l’appelle, a plus de cent cinquante-trois martyrs. Enfin, ces sept mille hommes dont il est dit à Elie : « Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point courbé le genou devant Baal.[9] », surpassent de beaucoup le nombre de ces poissons. Donc ces cent cinquante-trois poissons.[10], ne fixent pas le nombre des saints, mais l’Écriture a ses raisons pour désigner par ce nombre déterminé l’universalité des saints et des justes ; en sorte que ces cent cinquante-trois nous marquent tous ceux qui appartiennent à la résurrection pour la vie éternelle. Car la loi renferme dix préceptes et l’Esprit de grâce par lequel on les accomplit a sept dons[11]. Cherchons donc la signification de ces deux nombres dix et sept : dix préceptes, sept dons de l’Esprit de grâce qui nous aide à accomplir les préceptes. Ce nombre de dix-sept renferme donc ceux qui appartiennent à la résurrection, qui sont à droite, qui auront part au royaume des cieux, à la vie éternelle, c’est-à-dire qui accomplissent la loi par la grâce de l’Esprit-Saint, et non par leurs propres œuvres ou par leurs propres mérites. Prenez maintenant ce nombre de dix-sept, et additionnez ensemble tous les autres nombres depuis un jusqu’à dix-sept, en ajoutant deux à un, puis trois, puis quatre, de manière à faire dix, puis cinq qui donneront quinze, puis six, vingt et un, puis sept, vingt-huit, puis huit, trente-six, puis neuf, quarante-cinq, puis dix, cinquante-cinq, puis onze, soixante-six, puis douze, septante-huit, puis treize, nonante-un, puis quatorze, cent cinq, puis quinze, cent vingt, puis seize, cent trente-six, puis dix-sept, cent cinquante-trois ; et vous trouverez que le nombre de saints est admirablement exprimé par ce petit nombre de poissons. De même donc que ces cinq vierges expriment des vierges sans nombre, de même que les cinq frères de celui qui était torturé dans les enfers désignent des milliers dans le peuple juif, de même que les cent cinquante-trois poissons désignent des milliers de millions d’élus, de même sur les douze trônes, il ne s’assiéra pas douze juges seulement, mais le grand nombre des parfaits.
10. Mais je vois ce que vous me demandez encore : de même que je vous ai montré comment cinq vierges en désignent beaucoup d’autres, comment les cinq frères expriment un grand nombre de Juifs, et comment enfin le nombre de cent cinquante-trois désigne tant d’élus, montrez-nous, me direz-vous, pourquoi et comment ces douze trônes, au lieu de marquer douze hommes seulement, en désignent un si grand nombre ? Pourquoi ces douze trônes, qui désignent ceux de tous les endroits du monde qui auront pu rivaliser de perfection avec les parfaits auxquels il fut dit : « Vous serez assis sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël[12] ? » Pourquoi ces hommes venus de toutes parts sont-
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