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dit : « Nulle partie de ma chair n’est sauné à la vue de votre colère ». Expose donc la justice de cette colère divine, afin de ne point paraître excuser ta faute, accuser Dieu lui-même. Poursuis et dis-nous d’où vient cette colère ? « Nulle partie n’est saine dans ma chair à la vue de votre colère ; la paix n’est plus dans mes os[1] ». Dire que « la paix n’est pas dans ses os », c’est répéter cette pensée que « nulle partie de sa chair n’est saine ». Toutefois il n’a point répété : « A la vue de votre colère » ; mais il expose la cause de nette colère divine : « Nulle paix », dit-il, n’est « dans mes os en face de mes péchés ».
8. « Mes iniquités ont élevé ma tête, elles pèsent sur moi comme un lourd fardeau[2] », Voilà d’abord la cause, puis ensuite l’effet ; il lit d’où son mal est venu. « Mes iniquités ont élevé ma tête ». Nul n’est orgueilleux, si ce n’est le coupable qui élève sa tête en haut. Il s’élève en haut celui qui se dresse contre Dieu. Vous avez entendu dans le livre de l’Ecclésiastique : « Le commencement de l’orgueil, c’est de se séparer de Dieu[3] ». À celui qui le premier ne voulut point obéir, l’iniquité fit lever la tête contre Dieu. Et parce que l’iniquité lui avait fait lever la tête, que fit le Seigneur ? « L’iniquité pèse sur moi comme un lourd fardeau ». Élever la tête, c’est une marque de légèreté ; il semble que celui qui lève la tête ne porte rien. Comme donc ce qui peut s’élever a de la légèreté, on lui donne un poids qui le rabaisse, son œuvre descend sur sa tête et son iniquité pèsera sur son cœur[4]. Elle « pèse sur moi comme un lourd fardeau ».
9. « La pourriture et la corruption se sont mises dans mes plaies[5] ». Il n’a point la santé celui qui a des plaies, surtout quand il y a dans ces plaies corruption et puanteur. D’où vient la puanteur ? de la corruption. Qui ne comprend cela d’après les actes de la vie humaine ? Qu’un homme ait un bon odorat spirituel, il sentira l’odeur qui s’exhale des péchés. À cette odeur des péchés est opposée l’odeur dont saint Paul a dit : « Nous sommes la bonne odeur du Christ, devant Dieu, partout pour ceux qui se sauvent[6]. ». Mais d’où s’exhale cette odeur, sinon de l’espérance ? D’où encore, sinon du souvenir du sabbat ? D’une part, en effet, nous gémissons en cette vie ; d’autre part nous espérons pour l’autre vie. Ce qui nous fait gémir, c’est l’odeur fétide ; ce qui nous fait espérer, c’est la bonne odeur. Si donc nous n’étions pas attirés par cette odeur, nous n’aurions aucun souvenir du sabbat. Mais, parce que le Saint-Esprit nous la fait sentir au point de dire à notre Époux : « Nous vous suivrons à l’odeur de vos parfums[7] », nous détournons notre odorat des puanteurs, et nous nous tournons vers lui pour respirer quelque peu. Mais si nous ne sentons aussi l’odeur de nos péchés, nous ne confesserons point, dans nos gémissements, que « la puanteur et la corruption sont dans nos plaies ». Pourquoi ? « A cause de ma folie ». De même que plus haut il a dit : « A la vue de mes péchés » ; de même il dit maintenant : « A la vue de ma folie ».
10. « Je suis devenu misérable, j’ai été courbé pour toujours[8] ». Pourquoi a-t-il été courbé ? parce qu’il s’était élevé. Humiliez-vous, Dieu vous redressera ; élevez-vous, il vous abaissera. Dieu ne manquera pas de poids pour vous courber ; ce poids sera le fardeau de vos péchés, qu’il fera retomber sur votre tête, et vous en serez courbés. Mais qu’est-ce que être courbé ? c’est ne pouvoir se relever. Telle était cette femme que le Seigneur trouva courbée depuis dix-huit ans ; se relever lui était impossible[9]. Tels sont encore ceux qui ont le cœur baissé jusqu’à terre. Puisque cette femme a trouvé le Seigneur qui l’a guérie, qu’elle entende cette parole : Les cœurs en haut. Elle gémit néanmoins de se sentir courbée. Il est courbé aussi celui qui dit : « Le corps qui se corrompt appesantit l’âme, et cette habitation terrestre abat l’esprit capable des plus hautes pensées[10] ». Qu’il gémisse dans ces maux, afin d’en être guéri ; qu’il se souvienne du sabbat, afin d’arriver au véritable sabbat. Car cette fête des Juifs était une figure. Figure de quoi ? de ce que rappelle à son souvenir celui qui dit : « Je suis devenu misérable et courbé jusqu’à la fin ». Qu’est-ce à dire : « Jusqu’à la fin ? » jusqu’à la mort. « Tout le jour, je marchais dans ma douleur ». « Tout le jour », sans interruption. Tout le jour, dit-il, pour dire toute sa vie. Mais, depuis quand a-t-il connu sa misère ? depuis qu’il s’est souvenu du sabbat. Voulez-vous qu’il ne soit point contristé quand il se souvient de ce qu’il n’a pas ? « Tout le jour donc je marchais dans ma douleur ».
11. «

  1. Ps. 34,4
  2. Id. 5
  3. Sir. 10,14
  4. Ps. 7,17
  5. Ps. 37,6
  6. 2 Cor. 2,15
  7. Cant. 1,3
  8. Ps. 37,7
  9. Lc. 13,11
  10. Sag. 9,15