Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout mariage ? Écoutez l’apôtre saint Paul : « Ils seront deux dans une même chair », est-il dit. « Ce sacrement est grand ; je dis dans le Christ et dans l’Église »[1]. Ainsi la tête et le corps, de même que l’Époux et l’Épouse, seront deux et ne formeront en quelque sorte qu’une même personne. C’est encore cette unité de personnes, unité par excellence, que nous marque le prophète Isaïe, car le Christ prophétisant par sa bouche, disait : « Il m’a séparé d’une couronne comme un jeune Époux, il m’a donné la robe de l’Épouse »[2]. C’est lui qui se donne en même temps pour l’Époux et pour l’Épouse ; or, pourquoi s’appeler l’Époux et l’Épouse, sinon parce qu’ils seront deux dans une même chair ? Et si deux n’ont qu’une même chair, pourquoi deux n’auraient-ils pas une seule et même voix ? Que Jésus-Christ parle donc, puisque l’Église parle en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en l’Église ; puisque le corps tient à la tête, et la tête au corps. Écoutez l’Apôtre, qui nous explique ce mystère plus clairement : « De même que notre corps, qui est un, a néanmoins plusieurs membres, et que tous ces s membres du corps, bien que nombreux, ne e sont néanmoins qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ »[3]. En parlant des membres du Christ, ou des fidèles, il ne dit pas : Ainsi en est-il des membres du Christ ; mais il donne le nom de Christ à tout ce qu’il vient d’énumérer. Comme le corps est unique, et a néanmoins plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, quoique nombreux, ne forment qu’un même corps : ainsi le Christ est multiple dans ses membres, unique dans son corps. Nous sommes donc tous ensemble en Jésus-Christ notre chef, et sans ce chef nous n’avons aucune valeur. Pourquoi ? Unis à notre chef, nous sommes la vigne ; mais séparés du chef, ce qu’à Dieu ne plaise, nous ne sommes plus que des sarments retranchés, inutiles à tout usage pour les vignerons, et seulement destinés au feu. Aussi lui-même dit-il dans l’Évangile : « Je suis la vigne, et vous sen êtes les branches, mon Père est le vigneron » ; et encore : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire »[4]. Seigneur, si nous ne pouvons rien faire sans vous, nous pouvons tout avec vous. Car tout ce qu’il fait par nous, c’est nous qui paraissons le faire. Il peut beaucoup, il peut tout sans nous, et nous, rien sans lui.
5. Donc, mes frères, que l’on prenne l’extase pour une frayeur ou pour un ravissement d’esprit, toutes les paroles du psaume conviennent au Christ. Chantons-le donc, dans le corps du Christ, chantons-le tous comme n’étant qu’un seul homme, parce que tous nous formons en lui l’unité, et disons : « C’est en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espoir, et je ne serai point couvert d’une éternelle confusion ». Je crains par-dessus tout cette confusion qui dure pendant l’éternité ; il y a en effet une confusion passagère qui est utile, alors que l’âme se trouble à la vue de ses péchés, que cette vue lui fait horreur, que cette horreur la fait rougir de honte, et que cette honte la porte à se corriger. C’est pourquoi saint Paul a dit : « Quelle gloire tirez-vous alors de ces désordres qui vous font rougir aujourd’hui ? »[5]. C’est dire que ces fidèles rougissent, non pas des faveurs actuelles, mais des fautes passées. Loin de nous, chrétiens, de craindre cette confusion ; et même si on ne l’a point ici-bas, on l’aura dans l’éternité. Et cette confusion éternelle arrivera quand s’accomplira cet oracle : « Leurs iniquités s’élèveront contre eux pour les accusent »[6]. Et quand leurs iniquités les accuseront, le troupeau des réprouvés sera jeté à la gauche, comme des boucs séparés des brebis, et ils entendront : « Allez au feu éternel préparé à Satan et à ses anges ». Pourquoi ? demanderont-ils. « C’est que j’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger »[7]. Ils dédaignaient, ici-bas, de donner un morceau de pain au Christ qui avait faim, de lui donner à boire quand il avait soif, de le couvrir quand il était nu ils dédaignaient de recevoir l’étranger, de visiter le malade ; ils dédaignaient, et quand ils entendront ces reproches, ils seront couverts de confusion, et cette confusion sera éternelle. C’est là ce que redoute celui qui parle ici dans la frayeur ou dans le ravissement de son esprit, et qui s’écrie : « Seigneur, j’ai mis en vous mon espoir, et ma confusion ne sera point éternelle ».
6. « Délivrez-moi, sauvez-moi dans votre justice »[8]. Si vous n’avez égard qu’à ma justice, vous me condamnerez. « Mais délivrez-moi dans votre justice ». Il y a, en effet,

  1. Mt. 19,5-6 ; Eph. 5,31-32
  2. Isa. 61,10
  3. 1 Cor. 12,12
  4. Jn. 15,5
  5. Rom. 6,21
  6. Sag. 4,20
  7. Mt. 25,41
  8. Ps. 30,2