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tiré de l’abaissement, et que la conscience de mon péché, la crainte de la mort et du jugement ne perce plus mon cœur. « Seigneur, mon Dieu, je vous bénirai éternellement ». C’est là ma gloire, ô mon Dieu, de proclamer hautement à votre louange qu’il n’y a rien en moi de moi-même, et que tout bien vient de vous, ô Dieu, qui êtes tout en tous[1].

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 29

LA GLOIRE DU CHRÉTIEN APRÈS CETTE VIE.

Dans ce discours, saint Augustin nous montre que Jésus-Christ, notre chef, ayant reçu sa consécration dans le ciel, nous devons l’y recevoir aussi et l’y suivre. Et nous y arriverons, en bénissant Dieu, ou en le glorifiant dans nos douleurs, pour le bénir ensuite dans sa gloire.


1. Assurément nous avons chanté : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez point donné à mes « ennemis la joie de ma ruine »[2]. Si les saintes Écritures nous ont fait connaître nos ennemis, nous comprenons la vérité de ce cantique mais si la prudence de la chair nous a jetés dans l’illusion au point que nous ne connaissions plus ce qu’il nous faut combattre[3], nous trouvons, dès l’abord du psaume, une difficulté insoluble pour nous. De qui pensons-nous sont ce chant d’actions de grâces, cette voix qui bénit Dieu dans son allégresse et qui s’écrie : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que nous m’avez relevé, et que vous n’avez point donné à mes ennemis la joie de ma ruine ? » Considérons d’abord que c’est Notre-Seigneur qui, dans cette humanité dont il a daigné se revêtir, a pu fort bien s’approprier ces paroles du Prophète. Devenir homme, c’est contracter nos infirmités, et, devenu infirme, il devait prier. Nous venons de voir, en lisant cet Évangile, qu’il se sépara de ses disciples pour entrer au désert, où ils allèrent le chercher et le trouvèrent. Étant à l’écart, il priait, et ses disciples lui dirent en le retrouvant : « Les hommes vous cherchent. Allons prêcher, répondit-il, en d’autres lieux, en d’autres bourgades ; car c’est pour cela que je suis venu »[4]. À n’envisager Notre-Seigneur Jésus-Christ que dans sa divinité, qui est celui qui prie ? à qui adresse-t-il sa prière ? quel en est le sujet ? Un Dieu peut-il prier ? s’adresser à son égal ? Quel motif de prier peut avoir celui qui est toujours heureux, toujours tout-puissant, toujours immuable et éternel, coéternel au Père ? Si nous écoutons cette voix de tonnerre, qu’il a fait retentir, comme à travers la nuée, par saint Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu, toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui, en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière a lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise »[5] ; nous ne trouvons jusque-là ni prière, ni sujet de prière, ni occasion de prière, ni désir de prier ; mais quand il est dit plus bas : « Et le Verbe s’est fait « chair, et il a demeuré parmi nous »[6] : vous avez un Dieu que vous devez prier, et un homme qui priera pour vous. Car l’Apôtre tenait ce langage après la résurrection de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est assis à la droite de Dieu, dit-il, et qui intercède pour nous[7]. Pourquoi intercéder pour nous ? Parce qu’il a daigné se rendre notre médiateur.[8] Qu’est-ce qu’être médiateur entre Dieu et les hommes ? Je ne dis point entre son Père et les hommes, mais bien entre Dieu et les hommes. Qu’est-ce que Dieu ? C’est le

  1. 1 Cor. 15,28
  2. Ps. 29,1
  3. Eph. 6,12
  4. Mc. 1,35-38
  5. Jn. 1,1-5
  6. Id. 14
  7. Rom. 8,34
  8. 1 Tim. 2,5