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Mais alors quelle confiance puis-je avoir, que ceux qui étaient hier en communion avec vous, qui communiquent aujourd’hui, qui communiqueront demain, n’auront commis aucune faute, après ces trois jours ? Et si ni vous ni moi ne sommes souillés par ce que nous ignorons, pourquoi rebaptisez-vous ceux qui n’ont rien connu de la trahison de Macaire ni de ses persécutions ? Et ces chrétiens qui viennent de la Mésopotamie, qui ne savent le nom ni de Cécilien ni de Donat, comment osez-vous les rebaptiser, et nier qu’ils soient chrétiens ? S’ils sont souillés par les péchés des autres, vous aussi, vous êtes sous le poids des crimes qui se commettent chaque jour, à votre insu, dans votre parti ; et c’est en vain que vous objectez aux catholiques les décrets impériaux, vous qui sévissez dans votre camp avec les bâtons et les flammes. Tel est donc l’abîme où sont tombés ceux qui, voyant les désordres dans l’Église catholique, n’ont pu dire : « Ma confiance est au Seigneur », et qui ont mis leur espoir dans les hommes. Ils l’auraient dit sans doute, s’ils n’eussent été les uns ou les autres tels qu’ils croyaient ceux dont ils ont feint de se séparer par un sacrilège orgueil.
6. Que l’âme catholique s’écrie donc : « Ma confiance est au Seigneur ; comment osez-vous me dire : Passereau, va dans les montagnes ? car voilà que les pécheurs ont bandé leur arc, ils ont rempli de flèches leur carquois, pour les décocher sur les justes durant une lune obscure ». Puis, de ces pécheurs, s’élevant à Dieu, qu’elle dise : « Voilà qu’ils ont détruit ce que vous aviez rendu parfait[1] ». Et qu’elle tienne ce langage, non seulement contre ceux dont nous parlons, mais contre tous les hérétiques. Car tous, autant qu’il est en eux, ont détruit cette louange parfaite que Dieu a tirée de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle[2], quand, par de vaines et pointilleuses questions, ils tourmentent les faibles et ne les laissent point s’alimenter du lait de la foi. Et comme si l’on disait à cette âme : Pourquoi vous ont-ils engagée à passer dans les montagnes comme le passereau ; pourquoi vous effrayer au sujet des pécheurs qui ont bandé leur arc, pour percer les cœurs droits dans l’obscurité de la lune ? la voilà qui répond : Ce qui m’effraie, c’est « qu’ils ont détruit ce que vous aviez rendu parfait ». Où l’ont-ils détruit, sinon dans leurs conciliabules, où loin de donner du lait aux faibles et à ceux qui ne connaissent point la lumière intérieure, ils les tuent de leurs poisons ? « Mais le juste, qu’a-t-il fait ? » Si Macaire et Cécilien sont coupables envers vous, que vous a fait le Christ qui a dit : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix[3] » ; cette paix que vous violez par le schisme le plus criminel ? Que vous a fait le Christ, qui déploya tant de patience envers le disciple qui le trahissait, jusqu’à l’admettre à cette première Eucharistie qu’il consacrait de ses mains, qu’il instituait de sa parole, et qu’il lui présenta comme aux autres Apôtres[4] ? Que vous a fait le Christ, qui donna mission de prêcher le royaume de Dieu à ce même traître qu’il avait appelé un démon[5], qui même avant de trahir le Seigneur, ne put en garder fidèlement les deniers[6], et qu’il envoya néanmoins avec les autres disciples[7] », pour nous apprendre que les dons de Dieu arrivent en ceux qui les reçoivent avec foi, quand même le ministre qui les distribue serait semblable à Judas ?
7. « Le Seigneur habite son saint temple[8] ». C’est dans ce sens que l’Apôtre a dit : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple. Quiconque ose violer le temple de Dieu, Dieu le perdra[9] ». Or, c’est violer le temple de Dieu que d’en rompre l’unité, c’est ne plus être dans l’union avec cette tête[10] dont tout le corps soutenu par ses liens et ses jointures avec une si juste proportion, reçoit l’accroissement dans la mesure qui est propre à chacun de ses membres, et se forme par la charité[11]. Le Seigneur est donc dans ce temple formé de plusieurs membres, qui ont chacun leurs fonctions, et qui sont reliés par la charité, en un seul édifice. C’est violer ce temple, que se séparer de l’unité catholique, pour chercher ailleurs la dignité d’un chef. « Le Seigneur habite son temple saint, le Seigneur a son trône dans le ciel[12] » Si par le ciel vous entendez le juste, comme la terre nous désigne le pécheur, ainsi qu’il est dit : « Tu es terre, et tu retourneras en terre[13] », ces expressions : « Le Seigneur a son trône dans le ciel », sont une répétition de ce qui a été dit : « Le Seigneur habite son saint temple ».

  1. Ps. 10,4
  2. Id. 8,3
  3. Jn. 19,27
  4. Lc. 22,19-21
  5. Jn. 6,71
  6. Id. 12,6
  7. Mt. 10,5
  8. Ps. 10,5
  9. 1 Cor. 3,17
  10. Col. 2,19
  11. Eph. 4,16
  12. Ps. 10,5
  13. Gen. 3,19