verset suivant porte : « Je chanterai votre nom, ô Très-Haut, car vous avez fait rebrousser mon ennemi en arrière[1] ». Or, quand l’ennemi de Jésus-Christ rebroussa-t-il en arrière, sinon quand il lui fut dit : « Retire-toi en arrière, Satan[2]? » Car alors celui qui voulait par la tentation se mettre en avant, dut reculer en arrière, puisqu’il échoua dans ses tentatives de séduction, et n’obtint aucun avantage. L’homme terrestre est en arrière, mais l’homme céleste, quoique venu le dernier, est néanmoins en avant. « Le premier homme est terrestre, et vient de la terre, le second est céleste, et vient du ciel[3] ». C’est de la race du premier que venait celui qui a dit : « Celui qui vient après moi a été fait avant moi[4] », et l’apôtre saint Paul, oubliant ce qui est derrière lui, se porte à ce qui est en avant[5]. L’ennemi donc rebroussa en arrière quand il échoua auprès de l’homme céleste qu’il tentait, et il se retourna vers les hommes terrestres qu’il pouvait dominer. Nul homme, dès lors, ne peut prendre le devant sur cet ennemi, et le faire rebrousser en arrière, si ce n’est celui qui a échangé l’image de l’homme terrestre contre l’image de l’homme céleste[6]. Nous pouvons encore, sans absurdité, par « mon ennemi » entendre, si nous l’aimons mieux, ou le pécheur en général, ou l’homme idolâtre. Alors ces paroles : « Vous avez fait rebrousser mon ennemi en arrière », n’exprimeront point un châtiment, mais un bienfait, et un bienfait tel qu’on ne peut rien lui comparer. Quoi de plus heureux que d’abjurer son orgueil, et de renoncer à précéder le Christ, comme si nous étions en santé mais sans avoir besoin du médecin ; mais de préférer suivre le Christ qui, appelant son disciple à la perfection, lui dit : « Suivez-moi[7] ? » Il vaut mieux néanmoins appliquer au démon cette parole : « Vous avez fait rebrousser mon ennemi en arrière ». Car le démon a été forcé de reculer, même dans la persécution des justes, et il est plus avantageux pour nous de subir ses poursuites, que de le suivre, comme s’il était pour nous un guide et un chef, Chantons donc le nom du Très-Haut qui a fait rebrousser l’ennemi en arrière, puisqu’il est bien mieux pour nous de fuir ses poursuites, que de le suivre quand il veut nous conduire. Car nous avons une retraite et un asile caché dans les mystères du Fils : « Et le Seigneur deviendra notre refuge[8]. »
5. « Ils seront abattus et anéantis en votre présence[9] ». Qui donc tombera pour être anéanti, sinon le pécheur et l’impie ? « Il tombera », parce qu’il n’aura plus de force ; « il sera anéanti », parce qu’il cessera d’être impie ; « en votre présence », c’est-à-dire, quand il vous connaîtra, comme fut anéanti celui qui a dit : « Je vis, non pas moi, mais le Christ vit en moi[10] ». Mais pourquoi « l’impie sera-t-il abattu et anéanti en votre présence ? » C’est, répond le Prophète : « Parce que vous m’avez rendu justice, et que vous vous êtes déclaré pour ma cause[11] » ; c’est-à-dire, vous avez tourné à mon avantage et ce jugement dans lequel je parus être jugé, et cette condamnation que les hommes prononcèrent contre moi, en dépit de ma justice et de mon innocence. Car tout cela servit au Fils de Dieu pour notre délivrance : ainsi le pilote appelle sien, le vent qui lui sert pour une heureuse navigation.
6. « Vous êtes monté sur votre siège, vous qui jugez avec équité[12] ». Tel peut être le langage du Fils à son Père, dans le même sens qu’il disait : « Vous n’auriez aucun pouvoir sur moi s’il ne vous était donné d’en-haut[13] », regardant comme un effet de l’équité de son Père et de ses propres secrets, que le juge des hommes ait été jugé pour le salut des hommes. Peut-être est-ce l’homme qui dit à Dieu : « Vous êtes monté sur votre trône, vous qui jugez dans l’équité » ; désignant son âme sous le nom d’un trône, et alors son corps serait la terre, appelée escabeau des pieds du Seigneur[14] : car Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde[15]. Peut-être est-ce l’âme de l’Église, déjà parfaite, sans tache et sans ride[16], digne des secrets du Fils, parce que le roi l’a introduite dans sa demeure secrète[17], l’âme de l’Église qui dit à son Époux : « Vous êtes monté sur « votre trône, vous qui jugez avec justice », parce que vous êtes ressuscité d’entre les morts, pour vous élever au ciel et vous asseoir à la droite du Père. On peut, sans blesser les règles de la foi, donner à ces paroles, l’une ou l’autre de ces trois interprétations.
7. « Vous avez châtié les nations, et le méchant
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