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la paille au feu inextinguible[1] ». La même pensée peut s’exprimer par cette autre comparaison : Il mettra son vin en réserve dans ses celliers et jettera le marc aux animaux ; et le ventre des animaux pourrait être comparé aux gouffres de l’enfer.
2. On peut encore entendre les pressoirs d’une autre manière, mais en les regardant toujours comme figure de l’Église. Le Verbe divin aurait pour emblème le raisin ; car on voit dans cette grappe suspendue au bois, que les émissaires d’Israël rapportaient de la terre promise[2], une figure de Jésus crucifié. Alors, quand le Verbe divin a besoin d’emprunter le son de la voix pour arriver à l’oreille des auditeurs, l’intelligence de ce Verbe est au son de la voix, comme le vin doux est au marc qui le contient ; et cette grappe sacrée arrive à nos oreilles comme sous la violence des pressoirs. C’est là qu’elle se déchire ; et le son de la voix est pour les oreilles, tandis que le sens arrive dans la mémoire des auditeurs comme dans un réservoir, pour se déverser ensuite dans la règle des mœurs et dans les mouvements de notre âme, comme le vin coule de la cuve dans les celliers, où il prendra sa force en vieillissant, si la négligence ne le laisse pas aigrir. Car il s’est aigri chez les Juifs, qui ont abreuvé le Seigneur de ce vinaigre[3]. Au contraire, il aura de la douceur et de la force, le produit de cette vigne mystérieuse du Nouveau Testament que le Seigneur doit boire avec ses élus dans le royaume de son Père[4].
3. Souvent encore, le nom de pressoir désigne le martyre ; car après avoir passé sous le pressoir de la persécution, les restes mortels de ceux qui ont donné leur vie pour Jésus-Christ sont jetés sur la terre comme le marc, tandis que les âmes ont pris leur essor pour le repos de l’éternel séjour. Mais ce sens figuratif ne s’éloigne point des fruits que produit l’Église. Le nom de pressoir donné à ce psaume nous reporte donc à l’établissement de l’Église, alors que le Seigneur ressuscitait pour monter au ciel. Ce fut alors qu’il envoya l’Esprit-Saint ; et les disciples qui en étaient remplis, prêchèrent avec confiance la parole de Dieu, et formèrent des Églises.
4. C’est pourquoi il est dit avec raison : « Seigneur, notre Dieu, que votre nom est grand par toute la terre[5] ! » Mais comment ce nom est-il grand dans l’univers entier ? et le Prophète répond : « C’est que votre magnificence est élevée au-dessus des cieux[6] ». Le sens serait alors : Seigneur, qui êtes notre Dieu, dans quelle admiration vous jetez les habitants de la terre ! puisque, de votre abaissement en ce monde, vous avez fait éclater votre gloire par-dessus les cieux : pour ceux en effet qui vous voyaient monter au ciel, et pour ceux qui y croyaient, cette ascension montrait avec quelle puissance vous en étiez descendu.
5. C’est de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle, que vous avez tiré une louange parfaite, à l’encontre de vos ennemis[7] ». Par ces enfants nouveau-nés et à la mamelle, nous ne pouvons entendre que ceux dont l’Apôtre a dit : « Comme à des enfants en Jésus-Christ, je vous ai donné du lait et non des viandes solides[8] ». Ils étaient figurés par ces autres enfants qui précédaient Jésus-Christ en chantant ses louanges, et en faveur desquels Jésus cita ce passage dans sa réponse aux Juifs qui le pressaient de leur imposer silence : « N’avez-vous donc point lu cette parole, dit le Sauveur : C’est de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle, que vous avez tiré une louange parfaite[9] ? » Il a raison de ne point dire seulement : « Vous avez tiré votre louange » ; mais, « une louange parfaite ». Car il y a des fidèles dans l’Église, qui ont quitté le lait pour une nourriture plus solide, et c’est d’eux que parle saint Paul quand il dit : « Nous prêchons aux parfaits la sagesse divine[10] » mais ils ne sont pas seuls pour former l’Église, car s’ils étaient seuls, Dieu abandonnerait la faiblesse humaine. Or, c’est par égard pour cette faiblesse, qu’il veut donner pour nourriture, à ceux qui sont incapables de comprendre les choses spirituelles et éternelles, la foi historique de tout ce qui s’est accompli dans le temps, depuis les Patriarches et les Prophètes, par celui qui est l’incomparable puissance et la sagesse de Dieu, et particulièrement dans le mystère de l’Incarnation. Quiconque y adhère par la foi y trouve le salut, lorsque, entraîné par cette autorité, il se soumet aux préceptes qui le purifient, s’enracine solidement la charité, devient capable de courir avec les

  1. Lc. 3,17
  2. Nb. 13,24
  3. Jn. 19,29
  4. Lc. 22,18
  5. Ps. 8,2
  6. Id.
  7. Id. 3
  8. 1 Cor. 3,2
  9. Mt. 21,16
  10. 1 Cor. 2,6