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durant tout le jour[1] ». Où est enfin celui à cause de qui ? « Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu[2] ». Voilà qui indique où il est. Il est en toi, puisque ta foi y est aussi. L’Apôtre nous tromperait-il quand il dit « que par la foi le Christ habite en nos cœurs[3] ? » Il y est aujourd’hui par la foi, il y sera alors sans voiles ; il y est par la foi, tant que nous sommes voyageurs, tant que nous poursuivons notre pèlerinage ; car tant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur, « puisque nous marchons par la foi et non par la claire vue[4] ».

9. Si la foi nous donne tant, que nous donnera la vue même ? Le voici : « Dieu sera tout en tous[5] ». Que signifie tout ? Il veut dire que tu posséderas alors tout ce que tu recherchais, tout ce que tu estimais ici. Que voulais-tu ? Que cherchais-tu ? Tu voulais manger et boire ? Dieu sera pour toi nourriture et breuvage. Que voulais-tu ? La santé du corps, toute fragile et toute éphémère qu’elle lut ? Dieu sera pour toi l’immortalité même. Que cherchais-tu ? Des richesses ? O avare, de quoi te contenteras-tu, si Dieu ne te suffit pas ? Qu’aimais-tu ? La gloire, les honneurs ? Dieu même sera ta gloire, et dès aujourd’hui tu lui dis : « C’est vous qui êtes ma gloire et qui élevez mon Chef[6] ». Déjà, en effet, il a exalté mon Chef, mon Chef qui est le Christ. Pourquoi enfin ton étonnement ? Les membres comme le Chef seront un jour élevés en gloire et Dieu alors sera tout en tous.

Voilà ce que nous croyons aujourd’hui, ce qu’aujourd’hui nous espérons ; mais une fois arrivés, nous le posséderons, et ce ne sera plus la foi, mais la vue ; une fois arrivés nous le posséderons, et ce ne sera plus l’espérance, mais la réalité. Et la charité ? Elle aussi existe-t-elle aujourd’hui pour disparaître alors ? Mais si nous aimons maintenant, que nous croyons sans voir ; comment n’aimerons-nous pas alors, que nous verrons et que nous posséderons ? Ainsi donc la charité subsistera encore alors, et elle sera parfaite. Aussi l’Apôtre dit-il : « Nous avons aujourd’hui la foi, l’espérance et la charité, trois vertus ; mais la charité l’emporte[7] ». Conservons-la, nourrissons-la en nous, persévérons-y avec confiance et avec le secours divin, et disons : « Qui nous détachera de l’amour du Christ », avant qu’il ait pitié de nous et qu’il mène notre charité à sa perfection ? L’affliction ? l’angoisse ? la faim ? la nudité ? les dangers ? le glaive ? Car pour vous nous sommes mis à mort tous les jours, nous sommes considérés comme des brebis de boucherie ». Or, qui peut souffrir, qui supporte tout cela ? En tout cependant nous triomphons ». Par quel moyen ? Par le secours de Celui qui nous a aimés[8] ». N’est-il donc pas vrai de dire : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »


SERMON CLIX.
AMOUR DE LA JUSTICE[9].

ANALYSE. – C’est dans les martyrs qu’on trouve l’amour véritable de la justice. En effet cet amour demande : 1° Qu’on le préfère à toutes les jouissances permises qu’offre la nature ; il faut que la justice ait pour nous plus de charmes que tout le reste. Ce n’est pas assez, il faut 2° que nous fassions pour la justice ce qu’on ne fait pas ordinairement pour satisfaire ses passions, c’est-à-dire que pour elle nous bravions tous les supplices et la mort même. Or, c’est ce qu’ont fait magnifiquement les martyrs. Mais c’est à Dieu qu’il faut nous adresser, soit pour le remercier de l’amour que nous avons déjà pour la justice, soit pour lui demander ce qui nous manque encore.

1. Il a été hier longuement question de la justification que nous accorde le Seigneur notre Dieu ; c’était nous qui parlions, Dieu qui nous en faisait la grâce, et vous qui écoutiez. Il est vrai, le fardeau de chair corruptible dont nous sommes chargés en cette vie, fait que

  1. Rom. 8, 23, 25, 35, 36
  2. Jn. 20, 29
  3. Eph. 3, 17
  4. 2Co. 5, 6-7
  5. 1Co. 15, 28
  6. Psa. 3, 4
  7. 1Co. 13, 13
  8. Rom. 8, 36-37
  9. Rom. 8, 30-31