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Or, si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec patience ». Mais aussi avec tranquillité, puis que notre espérance est sous la garde de notre Chef ressuscité. Ce Chef, de plus, ayant été flagellé avant de ressusciter, voilà notre patience affermie. D’ailleurs il est écrit que Dieu corrige celui qu’il aime, et qu’il frappe de verges tout fils qu’il reçoit[1] ». Donc, pour ressusciter avec joie, ne nous décourageons pas sous la main qui châtie. N’est-il pas bien vrai qu’il fouette tout fils qu’il reçoit, puisque loin d’épargner son Fils unique, il l’a sacrifié pour l’amour de nous tous ? Ah ! le regard fixé sur ce Fils qui a été flagellé sans l’avoir mérité, qui est mort pour expier nos péchés et qui est ressuscité pour nous justifier[2], ne craignons pas que Dieu nous délaisse quand il nous châtie ; ayons plutôt confiance qu’il nous recevra dans son sein après nous avoir ainsi sanctifiés.

4. Maintenant même, quoique notre bonheur soit loin encore d’être complet, nous laisse-t-il sans jouissances et ne sommes-nous pas sauvés en espérance ? Aussi l’Apôtre ne se contente pas de dire : « Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons avec patience » ; il dit ailleurs : « Vous réjouissant par l’espérance, patients dans la tribulation[3] » ; « et appuyés sur une telle espérance, agissons avec grande confiance[4] » ; – « que nos paroles, toujours gracieuses, soient a assaisonnées du sel de la sagesse, en sorte a que vous sachiez comment il vous faut répondre à chacun[5] ». Que faut-il répondre effectivement à ces malheureux qui ont renoncé ou qui ne se sont jamais consacrés au service de Dieu, et qui néanmoins ont le front de nous insulter, nous qu’ils devraient imiter parce que nous le servons, parce que nous espérons et attendons avec patience ce que nous ne voyons pas ? Il faut leur dire : Eh ! où sont donc ces joies que vous poursuivez en marchant par vos voies tortueuses ? Nous ne vous demandons pas ce qu’elles deviendront après cette vie : aujourd’hui même où sont-elles ? Hier est emporté par aujourd’hui, comme aujourd’hui sera emporté par demain ; quels sont alors les objets de vos affections qui ne s’envolent et ne se dissipent ? Est-il rien qui ne s’enfuie avant même qu’on s’en empare, quand du jour actuel on ne peut arrêter même une heure ; quand la douzième heure doit être remplacée par la treizième, comme la première s’est évanouie devant la seconde ; quand de l’heure qui semble actuellement présente rien n’est présent, puisque toutes les parties et que tous les points ne font que s’en écouler ?

5. Si seulement l’homme n’était pas si aveugle et qu’il considérât pour quel motif il pèche ou s’est abandonné au péché ! Il pourrait remarquer qu’il soupire sans prévoyance après un plaisir qui doit passer, et que ce plaisir goûté, il n’y songe qu’avec remords. Vous nous tournez en dérision parce que nous espérons les biens éternels sans les voir ; quand, esclaves des choses temporelles que vous voyez, vous ne savez pas ce que sera pour vous le jour de demain, ce jour que souvent vous attendez bon et que vous reconnaissez mauvais, sans pouvoir l’arrêter dans sa fuite, lorsque parfois il est bon ! Vous nous tournez en dérision parce que nous espérons des biens éternels qui ne passeront point quand ils seront arrivés ; ou plutôt ils n’arriveront pas, puisqu’ils subsistent éternellement, et c’est nous plutôt qui parviendrons jusqu’à eux lorsqu’en suivant la voie divine nous aurons passé au-delà de ce qui passe. Et vous ne cessez d’espérer des biens temporels qui vous échappent si souvent malgré l’ardeur de vos désirs, qui ne font que vous surexciter avant de venir, que vous corrompre en arrivant et que vous torturer en s’échappant ! N’est-il pas vrai que vous brûlez avant de les posséder, qu’ils s’avilissent entre vos mains et qu’une fois perdus ils ne sont plus qu’un songe ? Nous aussi nous en usons, mais pour les besoins de notre pèlerinage, mais sans en faire dépendre notre bonheur, car ils pourraient nous entraîner avec eux. Nous usons en effet de ce monde comme n’en usant pas[6], et c’est dans le dessein de parvenir près de Celui qui a fait le monde, de demeurer en lui et de jouir avec lui de son éternité.

6. Pourquoi dire encore : Qui est revenu d’entre les morts, pour apprendre aux mortels ce qui se passe au-delà du tombeau ? Ne vous a-t-il pas fermé la bouche en, ressuscitant un mort de quatre jours[7], en ressuscitant lui-même le troisième jour pour ne plus mourir,

  1. Heb. 12, 6
  2. Rom. 4, 25
  3. Rom. 12, 12
  4. 2Co. 3, 12
  5. Col. 4, 6
  6. 1Co. 7, 31
  7. Jn. 11, 39-44