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SERMON XCI. SAINTETÉ NÉCESSAIRE[1].

ANALYSE. – Quand Jésus-Christ demanda aux Juifs comment le Messie pouvait être appelé le Seigneur de David puisqu’il était son Fils ils auraient pu répondre facilement par les témoignages de l’Écriture. Mais ils étaient trop attachés à la terre, ils n’aimaient pas Dieu assez purement pour mériter de, connaître l’incarnation merveilleuse du Verbe. Aussi le Sauveur leur reproche-t-il aussitôt leur ambition et leur vanité. Afin donc de comprendre les mystères et d’arriver à la vision intuitive, il faut s’attacher à Jésus-Christ pour ne faire avec lui qu’une seule personne morale et s’exercer aux œuvres de charité envers le prochain.
1. Nous venons d’entendre, à la lecture de l’Évangile, que le Sauveur demandé aux Juifs comment Jésus Notre-Seigneur, peut être le fils de David, puisque David l’appelle son Seigneur, et ils ne pouvaient répondre. Ils connaissaient bien dans le Seigneur ce qu’ils voyaient ; ils voyaient en lui le Fils de l’homme, mais ils n’y voyaient pas le Fils de Dieu. Voilà pourquoi ils se crurent capables de triompher de lui et pourquoi ils le raillèrent quand il était suspendu à la croix : « S’il est le Fils de Dieu, disaient-ils, qu’il descende de la croix et nous croyons en lui[2]. » Ils voyaient donc en lui une nature et en ignoraient une autre ; car s’ils l’avaient connu réellement, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de la gloire[3]. Ils savaient toutefois que le Christ serait fils de David, et aujourd’hui encore ils l’attendent sous ce titre. Ils ignorent qu’il est venu, mais leur ignorance est volontaire ; car s’ils ont pu le méconnaître quand il était suspendu au gibet, ils ne doivent pas le méconnaître, maintenant que son règne est établi. Au nom de qui en effet toutes les nations sont-elles appelées et bénies, si ce n’est au nom de celui-là même qu’ils ne regardent pas comme le Messie ? Fils de David, descendant selon la chair de la race de David, Jésus est sans aucun doute fils d’Abraham. Mais puisqu’il a été dit à Abraham : « Toutes les nations seront bénies dans un membre de ta race[4] ;» puisqu’ils voient aujourd’hui toutes ces mêmes nations bénies dans notre Christ, pourquoi l’attendre encore ? pourquoi l’attendre, quand il est venu, et ne pas craindre plutôt ses menaces ? Notre-Seigneur Jésus-Christ, en effet, s’est appliqué, pour se faire connaître, le témoignage d’un prophète qui le compare à une pierre, à une pierre qui brise quiconque se heurte contre elle, et qui broie celui sur qui elle tombe[5]. Pour qu’on se heurte contre lui, il faut qu’il soit descendu, et c’est dans cette humiliation qu’il brise ; mais if broie les superbes quand il vient dans sa gloire. Déjà les Juifs en se heurtant se sont brisés contre lui ; il ne leur reste plus qu’à être broyés au moment de son avènement solennel, à moins toutefois que pour échapper à la mort, ils ne le reconnaissent de leur vivant. Dieu en effet est patient, et chaque jour il les appelle à, la foi.
2. Les Juifs donc ne purent résoudre la question que leur adressait le Seigneur. Jésus leur avait demandé de qui le Messie était fils ; de David, avaient-ils répondu ; et poursuivant ses interrogations il avait ajouté : « Comment donc David, au moment de l’inspiration, l’appelle-t-il son Seigneur en ces termes : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je mette vos ennemis sous vos pieds ? Si donc David inspiré l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils ? » Le Sauveur ne dit point : Il n’est pas son fils, mais : « Comment est-il son fils ? » Comment n’est pas une négation, mais une interrogation, et les paroles du Seigneur reviennent à celles-ci : Vous avez raison de regarder le Messie comme étant fils de David ; mais David même le nomme son Seigneur ; comment donc celui qu’il nomme ainsi son Seigneur pourrait-il être son fils ? Si les Juifs étaient instruits de la foi chrétienne qui est la nôtre ; s’ils ne fermaient pas leurs cœurs à l’Évangile et s’ils aspiraient à la vie spirituelle, ils trouveraient dans le trésor de la foi catholique la réponse à cette question, et ils diraient : C’est qu’au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu : « ce qui explique pourquoi il est le Seigneur de David. Mais il est vrai aussi que le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous [6] ; » ce qui fait comprendre comment il est aussi son fils. Les Juifs ne savaient point cela, et ils gardèrent le silence ;

  1. Mat. 22, 42-46
  2. Mat. 27, 40-42
  3. 1Co. 2, 8
  4. Gen. 22, 17
  5. Luc. 20, 17-18
  6. Jn. 1, 1, 14