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SERMON LXXVIII. LA TRANSFIGURATION[1].

ANALYSE. – Jésus-Christ a voulu nous donner dans cet évènement une idée de son royaume. Ses vêtements, transfigurés comme lui, désignent son Église qu’il doit associer à sa gloire et où règne l’unité représentée par Moïse et Elie. Aussi ne faut-il qu’une tente sur la sainte montagne ; Jésus seul est appelé le Fils unique de Dieu et il indique en relevant ses Apôtres qu’il ressuscitera ses fidèles pour leur faire partager sa félicité suprême. Mais ils doivent d’abord travailler à la mériter.


1. Il nous faut contempler, mes bien-aimés, et expliquer le spectacle saint que le Seigneur présenta sur la sainte montagne. C’est de cet évènement qu’il avait dit : « le vous le déclare « en vérité, il y en a quelques-uns ici présents qui ne goûteront pas la mort qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme dans son royaume[2]. » Voici le commencement de la lecture qui vient de nous être faite. « Six jours après avoir prononcé ces paroles, il prit avec lui trois disciples, Pierre, Jean et Jacques, et alla sur la montagne. » Ces disciples étaient ceux dont il avait dit : « Il y en a ici quelques-uns qui ne goûteront point la mort qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme dans son royaume. » Qu’est-ce que ce royaume ? Question assez importante. Car l’occupation de cette montagne n’était pas la prise de possession de ce royaume. Qu’est-ce en effet qu’une montagne pour qui possède le ciel ? Non-seulement les Écritures nous enseignent cette différence, mais nous la voyons en quelque sorte des yeux de notre cœur. Or Jésus appelle son royaume ce que souvent il nomme le royaume des cieux. Mais le royaume des cieux est le royaume des saints ; car il est dit : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ; » et aussitôt après : « Il n’y a point de langues ni d’idiomes qui n’entendent leurs voix ; » les voix de ces mêmes cieux. « L’éclat s’en est répandu sur toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités de l’univers[3]. » N’est-ce donc pas des Apôtres et de tous les prédicateurs fidèles de la parole de Dieu qu’il est fait ici mention ? Ces mêmes cieux régneront avec le Créateur du ciel, et voici ce qui s’est fait pour le démontrer.
2. Le Seigneur Jésus en personne devint resplendissant comme le soleil, ses vêtements blancs comme la neige, et avec lui s’entretenaient Moïse et Élie. Jésus toi-même, Jésus en personne parut resplendissant comme le soleil, marquant ainsi qu’il était la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde [4]. Ce qu’est ce soleil pour les yeux de la chair, Jésus l’est pour les yeux du cœur ; l’un est pour les âmes ce que l’autre est pour les corps. Ses vêtements représentent ici son Église ; car ils tombent s’ils ne sont portés et maintenus. Paul était dans ces vêtements comme l’extrémité de la frange ; aussi dit-il. « Je suis le moindre des Apôtres[5] ; » et ailleurs : « Je suis le dernier des Apôtres[6]. » Or la frange est ce qu’il y a de moindre et d’extrême dans le vêtement. Aussi, comme cette femme qui souffrait d’une perte de sang fut guérie en touchant la frange de la robe du Seigneur[7] ; ainsi l’Église des gentils se convertit à la prédication de Paul. Eh ! qu’y a-t-il d’étonnant que l’Église soit figurée par de blancs vêtements, puisque nous entendons le prophète Isaïe s’écrier : « Vos péchés fussent-ils rouges comme l’écarlate, je vous blanchirai comme la neige ?[8] »
Que peuvent Moïse et Élie, la loi et les prophètes, s’ils ne communiquent avec le Seigneur ? Qui lira la loi ? qui lira les prophètes, s’ils ne rendent témoignage au Fils de Dieu ? C’est ce que l’Apôtre exprime en peu de mots. « La loi dit-il, fait seulement connaître le péché, tandis qu’aujourd’hui, saris la loi, la justice de Dieu a été manifestée : » voilà le soleil ; « annoncée par la loi et les prophètes : » voilà l’aurore.
3. Pierre est, témoin de ce spectacle, et goûtant les choses humaines à la manière des hommes : « Seigneur, dit-il, il nous est bon d’être ici. » Il s’ennuyait de vivre au milieu de la foule, il avait trouvé la solitude sur une montagne où le Christ servait d’aliment à son âme. Pourquoi en descendre afin de courir aux travaux et aux douleurs, puisqu’il se sentait envers

  1. Mat. 17, 1-8
  2. Id. 16, 28
  3. Psa. 18, 4,5
  4. Jn. 1, 9
  5. 1Co. 15, 9
  6. Id. 4, 19
  7. Luc. 7, 44
  8. Isa. 1, 18