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et l’achète. » Pourquoi Notre-Seigneur passe-t-il du pluriel au singulier, nous proposant un homme qui cherche de belles perles, et qui, en ayant trouvé une de grand prix, vend tout ce qu’il a pour en faire l’acquisition ? Il s’agit donc ici d’un homme qui cherche des hommes de bien, dont la compagnie puisse lui être utile, et qui trouve le seul entre tous qui soit exempt de péché, le médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ fait homme[1]. Ou bien il s’agit d’un homme, qui cherchant les commandements dont l’observation lui fera mener une vie édifiante parmi les hommes, a trouvé l’amour du prochain où sont renfermés, dit l’Apôtre, tous les autres commandements ; ainsi : « Vous ne tuerez point, vous ne commettrez point d’adultère, vous ne déroberez point, vous ne porterez point de faux témoignage » et s’il y en a quelque autre, tous ces commandements seraient comme autant de perles qui se trouvent réunis dans cette parole : « Vous aimerez votre prochain comme vous-même[2]. » Il est encore une autre interprétation : Cet homme cherche des intelligences droites, et trouve Celui en qui seul sont contenues toutes les intelligences, et dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu[3] » brillant de tout l’éclat de la vérité, solidement établi sur le fondement de l’éternité, semblable à lui-même en tous points par la splendeur de sa beauté divine, ayant enfin, tout Dieu qu’il est revêtu la chair de l’homme. Car cette perle précieuse était demeurée quelque temps cachée sous l’enveloppe de notre mortalité comme dans une coquille, au milieu des ténèbres de ce siècle, et parmi les duretés du peuple Juif, qui étaient comme autant de rochers. Or, il était déjà parvenu jusqu’à cette perle, celui qui dit : « Et si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de la sorte[4]. » Il n’y a point d’intelligence vraiment digne d’être considérée comme une perle, que celle qui a secoué tous les langes charnels dont elle était enveloppée, soit par la parole des hommes, soit par les images trompeuses qui l’environnaient, pour se montrer pure, solide et toujours semblable à elle-même. Toutes ces autres intelligences remplies de vérité, de force et de perfection, une seule néanmoins les contient en elle-même, c’est celle par qui toutes choses ont été faites, c’est le Verbe de Dieu[5]. Mais, des trois précédentes interprétations quel que soit celle à laquelle on s’attache, et même si l’on en trouve quelque autre qui explique bien le sens, de cette perle unique et précieuse, c’est nous-mêmes qui sommes le prix de cette perle : et nous ne sommes dignes de la posséder, que quand nous méprisons tous les biens temporels pour parvenir au salut. En effet, lorsque nous avons vendu nos biens, nous n’en recevons pas de prix plus avantageux que nous-mêmes ; parce que, tant que nous en étions embarrassés, nous ne nous appartenions pas ; alors nous nous donnons nous-mêmes en échange de cette perle, non pas que nous valions autant qu’elle, mais parce que nous ne pouvons donner davantage.
XIV. Aveuglement des Juifs[6]. —
1. « Et ils ont fermé leurs yeux, de peur que leurs yeux ne voient » c’est-à-dire, ils ont été cause que Dieu leur a fermé les yeux. Un autre Evangéliste dit effectivement : « Il a aveuglé leurs yeux. » Mais est-ce d’une manière irrémédiable ? ou bien cela veut-il dire : de peur qu’ils n’ouvrent un jour les yeux ; que fatigués de leur aveuglement, pleurant leurs misères, en étant humiliés et ébranlés, ils n’avouent leurs fautes et ne cherchent humblement le Seigneur ? Saint Marc dit en effet : « De peur qu’ils ne viennent à se convertir, et que leurs péchés ne leur soient pardonnés[7]. » Il suit de là que l’aveuglement de leur esprit aurait été le châtiment de leurs fautes, et que la miséricorde divine aurait voulu cependant leur donner le moyen de reconnaître leurs péchés, de se convertir et d’obtenir leur pardon. Mais saint Jean dit en cet endroit : « C’est pour cela qu’ils ne pouvaient croire, parce que Isaïe a dit encore : Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur cœur, afin que leurs yeux ne voient point, que leur cœur ne comprenne pas, qu’ils ne se convertissent point, et que je ne les guérisse pas[8]. » Ceci semble contredire le premier sentiment et exiger qu’on interprète ces mots : « De peur que leurs yeux ne voient » non pas en ce sens : De peur qu’ils ne puissent voir un jour ; mais dans le sens suivant : « Afin qu’ils ne voient point ; » car l’Evangéliste dit clairement : «  afin que leurs yeux ne voient point. » Ces autres mots : « C’est pour cela qu’ils ne pouvaient croire, » démontrent suffisamment que leur aveuglement n’a

  1. 1 Tim. 2, 6
  2. Rom. 13, 8-9
  3. Jn. 1, 1
  4. 2 Cor. 5, 16
  5. Jn. 1, 3
  6. Mt. 13, 15
  7. Mc. 4, 12
  8. Jn. 12, 39-40