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allait en se frappant la poitrine. Tous ceux qui étaient de la connaissance de Jésus se tenaient aussi présents, ainsi que les femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée, et tous contemplaient ce spectacle[1]. » On voit que sur la présence des femmes, saint Luc est parfaitement d’accord avec les deux évangélistes précédents, quoique aucune d’elles ne soit ici désignée par son nom. Quant à la foule de ceux qui étaient présents et qui se frappaient la poitrine, saint Luc est d’accord, en cela, avec saint Matthieu, quoique ce dernier ne parle que du centurion et de ceux qui étaient avec lui. Il n’y a qu’un seul point qui particularise le récit de saint Luc, c’est celui où il parle des connaissances ou amis de Jésus ; quant aux femmes, il avait précédemment constaté leur présence, avant la mort du Sauveur : « Auprès de la croix de Jésus, se tenaient, dit-il, la mère, de Jésus et la sœur de sa mère, Marie de Cléophas et Marie-Magdeleine. En apercevant devant lui sa mère et le disciple qu’il aimait, il dit à sa mère : Femme, voilà votre Fils. Ensuite il dit au disciple : Voilà ta mère ; et dès cette heure le disciple la prit avec lui[2]. » Si saint Matthieu et saint Marc n’avaient pas désigné nominativement Marie-Magdeleine, nous pourrions dire que parmi ces femmes les unes se tenaient au loin et les autres assez près de la croix de Jésus ; du reste saint Jean est le seul qui mentionne la présence de la Sainte Vierge. Mais comment admettre avec saint Matthieu et saint Marc que Marie-Magdeleine se tenait au loin près des autres femmes, et avec saint Jean, qu’elle se trouvait au pied de la croix ? À moins qu’on n’admette que ces femmes étaient tout près, parce qu’elles étaient assez rapprochées pour voir Jésus et en être vues, et qu’elles étaient éloignées en comparaison de la foule qui, avec le Centurion, environnait la croix ? On pourrait peut-être dire aussi que les femmes qui accompagnaient la mère du Sauveur, se retirèrent dès que Jésus eut recommandé Marie à son disciple, pour se soustraire à la pression de la foule et contempler de plus loin ce qui se passait. Voilà ce qui nous explique pourquoi les autres évangélistes qui ont parlé de ces femmes après la mort du Sauveur, nous les représentent debout, assez loin de la croix.

CHAPITRE XXII. JOSEPH D’ARIMATHIE.

59. Saint Matthieu continue : « Quand le soir fut venu, un homme riche de la ville d’Arimathie, nommé Joseph et qui était aussi disciple de Jésus, vint trouer Pilate et lui demanda le corps de Jésus ; Pilate commanda qu’on le lui donnât[3]. » Voici le texte de saint Marc : « Quand le soir fut venu, comme on était à la préparation qui précède le sabbat, arriva Joseph d’Arimathie, noble décurion, qui, lui aussi, attendait le royaume de Dieu. Il alla sans crainte trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus. Or, Pilate s’étonnait que Jésus fût déjà mort ; il appela donc le centurion et lui demanda si la mort était bien réelle ; sur l’affirmation du centurion il donna le corps à Joseph[4]. » Saint Luc raconte ainsi le même fait : « Et voici qu’un homme appelé Joseph, lequel était décurion, homme de bien et juste et n’avait pas consenti à leurs desseins et à leurs actions, né à Arimathie, ville de Judée et attendant, lui aussi, le royaume de Dieu, alla trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus[5]. » Après avoir parlé du brisement des jambes infligé à ceux qui avaient été crucifiés avec le Seigneur, et du coup de lance porté au côté du Sauveur, saint Jean, qui seul nous apprend ces détails, rapporte en ces termes la suite des événements : « Après cela Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret, parce qu’il craignait les Juifs, vint demander à Pilate l’autorisation d’enlever le corps de Jésus. Il vint donc et enleva ce corps[6]. » Dans tout cela il n’y a lieu à aucune contradiction. Mais peut-être serait-on tenté de demander pourquoi saint Jean seul fait la remarque que Joseph d’Arimathie n’était que secrètement le disciple de Jésus, parce qu’il craignait les Juifs : en effet s’il en était ainsi, on s’étonne qu’il ait eu la hardiesse de demander le corps du Sauveur, ce que n’osa faire aucun de ceux qui étaient ses disciples déclarés. Or cette démarche s’explique facilement, si on se rappelle que la dignité dont il était revêtu, lui donnait un libre accès auprès de Pilate : d’un autre côté, comme il ne s’agissait que de rendre les derniers devoirs à un mort, il ne se crut obligé d’avoir aucun souci des Juifs, dont il craignait la haine, toutes les

  1. Luc. 23, 48-43
  2. Jn. 19, 25-27
  3. Mat. 27, 57-58
  4. Mrc. 15, 42-45
  5. Jn. 12, 38
  6. Jn. 12, 38