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 Ensuite Jésus sachant que tout le reste était accompli, et voulant accomplir l’Écriture s’écria : J’ai soif. Et il y avait là un vase plein de vinaigre ; aussitôt ils en remplirent une éponge qu’ils fixèrent autour d’une tige d’hyssope et l’approchèrent de sa bouche[1]. » Saint Jean rapporte de Jésus cette parole : « J’ai soif », et parle d’un vase rempli de vinaigre ; si les autres ont gardé le silence sur ces détails, il n’y a pas là de quoi nous étonner.

CHAPITRE XVIII. DES DERNIÈRES PAROLES DU SAUVEUR.

55. Nous lisons dans saint Matthieu : « Jésus poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit[2]. » Saint Marc dit également : « Jésus ayant jeté un grand cri, expira[3]. » Saint Luc nous fait connaître les paroles prononcées par le Sauveur en jetant ce grand cri : « Et jetant un grand cri, Jésus dit : Mon Père je remets mon âme entre vos mains, et en disant ces mots il expira[4]. » Saint Jean ne parle pas de ces premières paroles prononcées par Jésus et rapportées par saint Matthieu et par saint Marc : « Eli, Eli ; » il omet également ces mots rapportés par saint Luc : « Mon Père, je remets mon âme entre vos mains ; » ce cri du reste n’est que celui dont parlent saint Matthieu et saint Marc, sans préciser les paroles qui furent prononcées ; et pour nous le faire comprendre, saint Luc a eu soin de dire que Jésus prononça ces mots avec un grand cri. Mais saint Jean est le seul qui nous cite cette parole proférée par le Sauveur après avoir trempé ses lèvres dans le vinaigre : « Tout est consommé. » Voici comment s’exprime saint Jean : « Jésus, ayant pris le vinaigre, dit : Tout est consommé, puis il inclina sa tête et rendit l’esprit[5]. » C’est après avoir dit : « Tout est consommé » et avant d’incliner la tête, que fut jeté ce grand cri, omis par saint Jean, et cité par les trois autres évangélistes. En effet, l’ordre naturel nous indique assez clairement que le Sauveur dut prononcer ce mot : « Tout est consommé », quand se furent accomplies en lui toutes les prophéties dont il était l’objet et dont il attendait l’accomplissement avant de mourir, lui qui mourait quand il le voulait ; ce n’est qu’alors que se recommandant à son Père il rendit l’esprit. Mais quel que soit l’ordre que l’on croit devoir établir, il faut avant tout se garder avec soin de voir entre les évangélistes la moindre opposition, parce que l’un tait ce que l’autre dit, ou parce que l’un dit ce que l’autre tait.

CHAPITRE XIX. LE VOILE DÉCHIRÉ.

56. « Et voici, dit saint Matthieu, que le voile du temple se déchira en deux parties, de haut en bas[6]. » Saint Marc dit de même : « Et le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas[7]. » Saint Luc dit aussi Et le voile du temple se déchira dans le milieu[8] ; » mais cet évangéliste ne suit pas le même ordre que les autres. En effet, voulant ajouter le miracle au miracle, après avoir dit que le soleil s’obscurcit, il ajoute aussitôt : « Et le voile du temple se rompit par le milieu. » Il anticipe ainsi sur ce qui se passa au moment de la mort du Sauveur et dont il fait une récapitulation générale, embrassant tout à la fois et le breuvage de vinaigre, et le grand cri et la mort elle-même, toutes choses qui arrivèrent avant le déchirement du voile du temple, après la diffusion des ténèbres. En effet, saint Matthieu après avoir dit : « Jésus jetant de nouveau un grand cri rendit l’esprit », ajoute aussitôt : « Et voici que le voile du temple se rompit ; » c’était affirmer assez clairement que le voile ne se brisa que quand Jésus eut rendu l’esprit. S’il n’eût pas dit : « Et voici ; » s’il se fût contenté de dire : Et le voile du temple se rompit », on ne saurait si le texte de saint Matthieu et de saint Marc ne sont pas une simple récapitulation, tandis que saint Luc aurait suivi l’ordre naturel, ou vice versa ; mais ces expressions dissipent tous les doutes.

CHAPITRE XX. DE L’ÉTONNEMENT DU CENTURION.

57. Saint Matthieu continue : « Et la terre trembla, des rochers se fendirent, des sépulcres s’ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui y étaient endormis ressuscitèrent ; et étant sortis de leurs tombeaux ils vinrent à la ville sainte après sa résurrection et se firent voir de plusieurs. » Quoique saint Matthieu soit le seul

  1. Jn. 19, 28-29
  2. Mat. 27, 50
  3. Mrc. 15, 37
  4. Luc. 23, 46
  5. Jn. 19, 30
  6. Mat. 27, 51
  7. Mrc. 15, 38
  8. Luc. 23, 45