Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/195

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE LXII. PETIT ENFANT MODÈLE.

119. Saint Matthieu continue donc ainsi : « En ce même temps les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : Quel est selon vous le plus grand dans le royaume des cieux ? Jésus ayant appelé un petit enfant, le mit au milieu d’eux ; et il leur parla de cette manière : Je vous dis en vérité que si vous ne changez et si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux », et le reste, jusqu’aux mots : « C’est ainsi que vous traitera mon Père qui est dans le ciel, si chacun de vous ne pardonne à son frère du fond du cœur[1]. » Ce discours dépasse un peu l’étendue ordinaire : saint Marc en reproduit quelques pensées, dans le même ordre que saint Matthieu ; il y en ajoute d’autres que celui-ci a négligées[2]. Il est certain, en effet, que le discours de Jésus-Christ en cette rencontre s’étend, dans le texte de saint Matthieu, jusqu’à l’endroit marqué par notre citation, et ne se trouve interrompu que par cette demande de Pierre : « Combien de fois pardonnerai-je à mon frère quand il aura péché contre moi ? » Car le sujet traité ici par le Seigneur indique assez clairement que la question de Pierre et la réponse que lui fit le Sauveur font partie de ce discours. Si ce n’est la circonstance du petit enfant proposé à l’imitation des disciples, quand il leur vint dans l’esprit de se demander quel était le plus grand parmi eux, saint Luc ne rapporte rien, dans la même suite, de ce que nous offre le texte de saint Matthieu[3]. S’il rapporte ailleurs des pensées analogues à ce que nous rencontrons ici, il les cite comme ayant été exprimées dans des occasions différentes. Ainsi encore, d’après saint Jean, c’est après sa résurrection que le Sauveur parla à ses Apôtres du pardon des péchés, du pouvoir de les remettre ou de les relever[4] ; quand d’après saint Matthieu ce fut dans le discours qui nous occupe, et quand il en avait déjà parlé précédemment à Pierre[5]. Comme nous l’avons fait observer tant de fois jusqu’ici, et afin qu’il ne soit pas toujours nécessaire d’en avertir, nous devons nous rappeler que Jésus a souvent et en différentes circonstances répété les mêmes choses ; et ne nous inquiétons pas s’il arrive aux évangélistes de les présenter quelquefois dans un ordre qui semble contradictoire.


CHAPITRE LXII. EST-IL PERMIS DE RENVOYER SA FEMME ?

120. Saint Matthieu continue ainsi : « Il arriva, lorsque Jésus eut achevé ces discours, qu’il partit de Galilée et vint aux confins de la Judée, au-delà du Jourdain ; et de grandes troupes le suivirent, et il les guérit. Et les Pharisiens s’approchèrent de lui pour le tenter disant. Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour quelque cause que ce soit ? » et le reste, jusqu’à ces mots : « Que celui qui peut comprendre comprenne[6]. » Saint Marc rappelle les mêmes faits dans le même ordre[7]. Voici comment il faut examiner ce passage, pour n’y voir aucune contradiction. D’après saint Marc, de Seigneur demande aux Pharisiens ce que Moïse leur a ordonné, et ceux-ci lui répondent que l’acte de répudiation leur a été permis : dans saint Matthieu le Seigneur cite d’abord les paroles de la Loi, pour montrer que Dieu à uni l’homme et la femme et que pour cette raison nul ne peut les séparer, puis les autres lui adressent cette question : « Pourquoi donc Moïse a-t-il commandé de lui donner un acte de répudiation et de la renvoyer ? » Alors il ajoute : « C’est à cause de la dureté de vos cœurs que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes, mais au commencement il n’en fut pas ainsi. » Saint Marc n’a point omis cette réponse du Seigneur, mais elle vient seulement après qu’on a répondu à sa question sur l’acte de divorce.

121. Dans quel ordre, pour l’intelligence du récit, faut-il disposer ces différentes expressions ? N’ont-ils interrogé le Seigneur, qu’après qu’il eut condamné la séparation en s’appuyant sur le témoignage de la Loi ? est-ce alors qu’ils l’ont questionné sur l’acte de répudiation qu’avait permis Moïse, après avoir écrit toutefois que Dieu avait uni l’homme et la femme[8] ? Ou bien ont ils eux-mêmes parlé de cet acte quand le Seigneur leur demanda ce qu’avait commandé Moïse ? Ceci importe peu à la vérité ici établie. En effet, le Seigneur ne voulait point leur expliquer pourquoi Moïse avait accordé ce droit, avant qu’ils ne lui en eussent eux-mêmes parlé, et cette intention, saint Marc la fait connaître par la question qu’il lui fait poser : pour eux leur droit était de s’appuyer sur l’autorité de

  1. Mat. 18
  2. Mrc. 9, 33-49
  3. Luc. 9, 46-48
  4. Jn. 20, 29
  5. Mat. 16, 19
  6. Mat. 19, 1-12
  7. Mrc. 10, 1-19
  8. Gen. 2, 24