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d’un prophète : « Il sera appelé Nazaréen », continue ainsi son Évangile : « En ces jours Jean-Baptiste vint prêcher au désert de Judée[1]. » Et saint Marc qui n’a rien dit de la Nativité, ni de la première ni de la seconde enfance du Seigneur, prend son récit à la prédication même de Jean Car voici comme il débute : « Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Ainsi qu’il est écrit dans le prophète Isaïe. Voilà que, j’envoie mon ange devant ta face, et marchant devant toi, il te préparera le chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur ; rendez droits ses sentiers. Jean était dans le désert, baptisant et prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés, etc[2]. » Saint Luc, lui aussi, après ces mots : « Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes », parle aussitôt de la prédication de Jean, et il dit : « La quinzième année de l’empire de Tibère César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, de l’Iturée et du pays de Trachonite, et Lysanias, d’Abilène ; Anne et Caïphe étant grands-prêtres, le Seigneur fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert, etc[3]. » Et l’Apôtre saint Jean, qui domine de si haut les trois autres évangélistes, après avoir parlé du Verbe, Fils de Dieu, engendré avant tous les siècles de la création, puisque tout a été fait par lui, rappelle immédiatement la prédication et le témoignage de Jean – Baptiste : « Il y eut, dit-il, un homme envoyé de Dieu, qui s’appelait Jean[4]. » Considérons maintenant l’accord des quatre récits de l’Évangile, au sujet du saint précurseur. Je n’entends pas ici exposer en détail et réunir toutes les paroles, comme je l’ai fait un peu plus haut, quand il s’est agi des commencements du Christ né de Marie. J’ai ramené à une seule narration ce qu’en disent saint Matthieu et saint Luc, pour montrer même aux esprits les moins exercés, qu’il n’y a pas la moindre contradiction entre les deux évangélistes et que l’un, en rappelant ce que l’autre tait ou en taisant ce que l’autre rappelle, n’empêche nullement de recevoir comme vrai ce que présente le récit de chacun. Cet exemple, tel que je l’ai donné ou tel qu’on peut le donner si l’on voit un ordre meilleur, suffit pour faire sentir à tout homme que dans les autres endroits semblables les choses peuvent se traiter comme dans celui-là.

19. Maintenant donc, comme je viens de le dire, voyons au sujet de Jean-Baptiste, l’accord des quatre auteurs des récits évangéliques. Saint Matthieu continue ainsi : « Or dans ces jours, Jean-Baptiste vint prêcher au désert de Judée. » Saint Marc ne dit pas « dans ces jours », parce qu’il n’avait raconté précédemment aucun événement contemporain, qui lui permit d’user de cette formule. Saint Luc a marqué d’une manière plus précise par le nom des puissances terrestres, les temps de la prédication et du baptême de Jean, quand il a dit : « La quinzième année de l’empire de Tibère César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, de l’Iturée et du pays de Trachonite et Lysanias, d’Abilène ; Anne et Caïphe étant grands-prêtres, le Seigneur fit entendre sa voix à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. » Ne croyons pas cependant que saint Matthieu ait voulu désigner l’époque où tous ces hommes exerçaient leur autorité, en disant : « Dans ces jours. » On doit appliquer son expression à un espace de temps beaucoup plus étendu ; car aussitôt qu’il nous a montré Jésus-Christ de retour d’Égypte après la mort d’Hérode (et sans aucun doute, le fait a eu lieu pendant la première ou la seconde enfance du Sauveur ; autrement l’on ne pourrait justifier les paroles de saint Luc au sujet de sa présence et de sa conduite dans le temple de Jérusalem, à l’âge de douze-ans[5]) aussitôt, dis-je, qu’il nous a fait voir dans la personne de l’enfant Jésus, l’accomplissement de cet oracle : « J’ai rappelé mon Fils d’Égypte », saint Matthieu arrive à la prédication de Jean et dit aussitôt : « Dans ces jours, Jean-Baptiste vint prêcher au désert. » Ce n’est pas qu’il entende seulement les jours de l’enfance de Jésus ; il désigne toutes les années écoulées depuis la Nativité jusqu’au temps, de la prédication et du baptême de Jean-Baptiste, c’est-à-dire jusqu’au temps où nous voyons le Christ dans l’âge de la jeunesse, puisque le Sauveur était né la même année que le précurseur, et que, du reste, l’Évangile nous le présente comme ayant trente ans environ quand il fut baptisé par lui.

  1. Mat. 3, 1
  2. Mrc. 1, 1,4
  3. Luc. 3, 1-2
  4. Jn. 1, 6
  5. Luc. 2, 41-50