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lumière brille devant les hommes[1] » ; il voulait qu’ils se considérassent comme des flambeaux allumés à cette lumière qui ne change point. Nulle créature, en effet, pas même celle qui est raisonnable et intelligente, ne saurait s’éclairer par elle-même ; elle ne s’allume que par la participation à la vérité éternelle, bien que souvent on l’appelle jour : ce jour n’est point le Seigneur, mais le jour que le Seigneur a fait. Aussi le Prophète lui dit-il : « Approchez de Dieu afin d’en être éclairés[2] ». C’est à cause de cette participation que le Médiateur est dans son humanité appelé une lampe dans l’Apocalypse[3]. Mais c’est là une prérogative particulière, car il n’est point d’homme, quelque saint qu’il soit, dont il soit dit d’en haut, et dont on puisse dire : « Le Verbe s’est fait chair[4] » ; c’est uniquement du Médiateur de Dieu et des hommes[5]. Si donc l’on appelle lumière ce Verbe unique égal à celui qui l’engendre ; si l’on appelle lumière cet homme éclairé par le Verbe que l’on nomme aussi flambeau, tel que Jean, tels que les Apôtres, bien que nul d’entre eux ne soit le Verbe, et que ce Verbe qui les éclaire ne soit point une lampe ; qu’est-ce dès lors que ce Verbe qui est tout à la fois lumière et flambeau (car « votre Verbe, nous dit le Prophète, est un flambeau qui guide mes pas, une lumière dans mes sentiers »), si nous n’entendons par là ce Verbe, cette parole donnée aux Prophètes, prêchée par les Apôtres, non pas la parole qui est le Christ, mais la parole du Christ, dont il est écrit : « La foi vient de ce qu’on entend, et on entend la parole du Christ[6] ? » Saint Pierre, à son tour, comparant à une lampe la parole des Prophètes : « Nous avons », dit-il, « une preuve plus frappante dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous faites bien d’arrêter les yeux, comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur[7] ». Alors ce que le Prophète nous dit ici : « Votre parole est un flambeau pour mes pieds, une lumière dans mon sentier », s’entend de la parole contenue dans les saintes Écritures.
2. « J’ai juré, j’ai résolu de garder les décrets de votre justice[8] ». Cette parole est d’un homme qui suit fidèlement cette lumière divine, et qui marche dans les droits sentiers.
Le second verbe explique ce qu’avait commencé le précédent ; comme si nous lui demandions ce que signifie « je l’ai juré », il ajoute « et je l’ai résolu ». Il appelle jurement ce qu’ila confirmé par un serment ; car l’âme doit être tellement déterminée à garder les jugements de la justice divine, que sa résolution soit un véritable serment.
3. Or, c’est par la foi que l’on garde les décrets de la justice divine ; cette foi vive qui nous persuade que sous un Dieu juste, il n’y a nulle bonne œuvre sans récompense, ni crime sans châtiment ; mais comme cette foi a valu au corps du Christ de graves et nombreuses persécutions, le Prophète s’écrie : « J’ai été humilié à l’excès[9] ». il ne dit point : Je me suis humilié, en sorte qu’on doive entendre ces paroles de l’humilité qui est de précepte ; mais il dit : « J’ai été humilié à l’excès », endurant la plus affligeante persécution ; parce qu’il a juré, résolu de garder les décrets de la justice divine, Et de peur que la foi ne l’abandonne dans une si grande humiliation, il ajoute : « Seigneur, donnez-moi la vie selon votre parole », c’est-à-dire, selon votre promesse. Car cette parole des saintes promesses est un flambeau pour mes pieds, une lumière pour mes sentiers. C’est ainsi que plus haut, dans la persécution qu’il endurait, il a demandé à Dieu de le vivifier, en disant : « Peu s’en est fallu qu’ils ne m’anéantissent sur la terre ; et pour moi je n’ai point abandonné vos préceptes ; vivifiez-moi selon votre miséricorde, et je garderai vos témoignages ou vos martyres ». Ce qui nous fait comprendre que si Dieu ne nous vivifiait en nous dominant la patience, selon cette parole : « Vous posséderez vos âmes dans votre patience[10] » ; et c’est encore de lui qu’il est dit : « Que la patience vient de lui[11] », la persécution pourrait bien ne pas tuer le corps, mais l’âme mourrait pour n’avoir point gardé les martyres ou les décrets de la justice divine.
4. « Agréez, Seigneur, les offrandes volontaires de ma bouche[12] » ; c’est-à-dire, puissent-elles vous plaire, ne les rejetez point, mais approuvez-les. Or, par ces sacrifices de la bouche, peuvent très bien s’entendre les sacrifices de louanges qu’exhale un cri d’amour et non la crainte d’une servile nécessité. De là cette autre

  1. Mt. 5,14-16
  2. Ps. 33,6
  3. Apoc. 21,23
  4. Jn. 1,14
  5. 1 Tim. 2,5
  6. Rom. 10,17
  7. 2 Pi. 1,19
  8. Ps. 118,106
  9. Ps. 118,107
  10. Lc. 21,19
  11. Ps. 61,6
  12. Id. 118,108