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et il nous montre que nous devons demander cette grâce à Dieu sans qui nous ne pouvons rien faire. C’est là un point que nous avons traité dans le discours précédent ; maintenant comment le Prophète nous dit-il qu’il a énoncé de ses lèvres tous les jugements de la bouche de Dieu, quand ils sont qualifiés d’insondables, eux dont la profondeur a fait dire ailleurs : « Vos jugements sont un profond abîme[1] » ; voilà ce que nous voulons exposer avec le secours de Dieu.
2. Écoutez donc notre pensée à ce sujet. L’Église ignore-t-elle les jugements de Dieu ? Elle les connaît parfaitement. Car elle sait à quels hommes le juge des vivants et des morts dira un jour : « Venez, bénis de mon Père, et recevez le royaume » ; et à quels autres il dira : « Allez au feu éternel[2] ». Elle sait, dis-je, que ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les autres qu’énumère saint Paul, ne posséderont le royaume de Dieu[3]. Elle sait que la colère et l’indignation, la tribulation et l’angoisse deviendront le partage de tout homme qui fait le mal, du Juif d’abord, du Gentil ensuite ; que la gloire, l’honneur, la paix, sont pour tout homme qui fait le bien, pour le Juif d’abord, pour le Gentil ensuite[4]. Ces jugements de Dieu et d’autres encore évidemment exprimés dans l’Écriture, l’Église les connaît ; mais ce ne sont point là tous les jugements de Dieu, puisqu’il en est d’insondables, de profonds comme l’abîme et qui échappent à nos connaissances. Toutefois ne seraient-ils point connus des principaux membres de cet homme qui est avec son chef et Sauveur le Christ tout entier ? Ils seraient alors proclamés impénétrables à l’homme, parce que ses propres forces ne lui permettent pas de les pénétrer. Mais pourquoi tout homme qui aurait reçu les lumières de l’Esprit-Saint ne le pourrait-il point ? Ainsi, par exemple, il est dit que « Dieu habite une lumière inaccessible[5] », et pourtant il nous est dit encore : « Approchez de lui, et vous serez éclairés[6] », On répond à cette difficulté que Dieu est inaccessible à nos forces, mais que nous approchons de lui par sa grâce. À la vérité, tant que le corps corruptible appesantit l’âme[7], nul d’entre les saints ne saurait comprendre tous les jugements de Dieu, puisque nul n’a l’esprit pesant ou la marche boiteuse, sans un jugement de Dieu. Je vous cite ces exemples pour vous donner une idée de l’immensité de ces jugements : toutefois l’Église, ce peuple que Dieu s’est acquis, peut dire en toute vérité : « J’ai énoncé de mes lèvres tous les jugements de votre bouche », c’est-à-dire je n’ai tu aucun de ces jugements que vous m’avez fait connaître par vos paroles sacrées, mais je les ai tous énoncés de mes lèvres. Telle est l’interprétation que semble nous indiquer le Prophète, qui ne dit point tous vos jugements, mais « tous les jugements de votre bouche », c’est-à-dire tous ceux que vous m’avez fait connaître : en sorte que par le mot de bouche nous devrions entendre la parole, que Dieu nous a fait entendre dans les nombreuses révélations des saints, et dans les deux Testaments ; or, ces jugements, l’Église ne cesse de les proclamer de ses lèvres.
3. Le Prophète ajoute : « Je trouve dans la voie de vos témoignages autant de délices que dans toutes les richesses[8] ». Cette voie des témoignages de Dieu, nous ne pouvons l’entendre d’une manière plus facile, plus certaine, plus courte, plus relevée que du Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse, et de la science[9]. C’est pourquoi le Prophète nous dit qu’il a trouvé dans cette voie, des joies et des délices « comme dans toutes les richesses ». Car ces témoignages de Dieu sont les preuves qu’il veut bien nous donner de son amour. Or, Dieu nous signale cet amour dans « cette mort que le Christ a endurée pour nous, lorsque nous étions encore pécheurs[10] ». Donc, puisqu’il nous dit lui-même : « Je suis la voie[11] », et que les saints abaissements de sa naissance et de sa passion deviennent des témoignages évidents de son amour pour nous, nul doute que le Christ ne soit la voie des témoignages de Dieu. Ces témoignages que nous voyons accomplis en lui nous font espérer pour l’avenir l’accomplissement des promesses qu’il nous a faites, « Dès lors que Dieu n’a point épargné son Fils unique, mais qu’il l’a livré pour nous tous, que ne nous donnera-t-il point après nous l’avoir donné[12] ? »
4. « Je m’entretiendrai de vos préceptes », dit ensuite le Prophète, « je méditerai vos voies[13] ». Ce que les Grecs traduisent par adolesxesen, les traducteurs

  1. Ps. 35,7
  2. Mt. 25,34-41
  3. 1 Cor. 6,9-10
  4. Rom. 2,9-10
  5. 1 Tim. 6,16
  6. Ps. 33,5
  7. Sag. 9,15
  8. Ps. 118,14
  9. Col. 2,3
  10. Rom. 5,8-9
  11. Jn. 14,6
  12. Rom. 8,32
  13. Ps. 118,15