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peuple d’Israël à Babylone, on compte quatorze générations, au témoignage des saintes Écritures, et surtout de l’Évangéliste saint Matthieu[1]. Or, selon la parole du saint prophète Jérémie, on espérait que le temple sortirait de ses ruines soixante et dix ans après celte transmigration[2]. Or, à l’accomplissement de ces soixante et dix ans, sous Darius, roi de Babylone[3], ces deux saints prophètes, Aggée et Zacharie, furent aussi remplis de l’Esprit-Saint[4] ; et tous deux, dans l’espace d’une année, commencèrent à prédire ce qui concernait la reconstruction du temple, déjà prédite si longtemps auparavant. Mais arrêter les yeux du cœur sur des faits complètement corporels, et ne pas élever son âme jusqu’aux actes spirituels de la grâce, c’est circonscrire sa pensée dans les pierres d’un temple dont la structure visible s’élève par la main des hommes, c’est ne pas devenir soi-même une pierre vivante qui se taille et se prépare à faire partie de ce temple auquel Jésus-Christ compara son corps en disant : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours[5] ». L’Église est d’une manière bien plus parfaite le corps de Jésus-Christ, dont la tête s’élève au ciel, et qui est par excellence la pierre vivante, la pierre angulaire dont saint Pierre a dit : « Approchez-vous de lui comme de la pierre vivante », rejetée par les hommes, choisie et honorée par Dieu ; et vous-mêmes, soyez établis sur lui, comme des pierres vivantes, pour former un édifice spirituel, un sacerdoce saint, afin d’offrir à Dieu des hosties spirituelles « qui lui soient agréables par Jésus-Christ[6] ». L’Écriture dit en effet : « Voici que je place en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et quiconque croira en elle ne sera point confondu[7] ». Celui donc qui veut devenir une pierre vivante, propre à entrer dans cet édifice, doit comprendre d’une manière spirituelle comment le temple se relève de cette ruine antique faite en Adam, comment se régénère le peuple nouveau, selon l’homme nouveau, l’homme céleste ; afin qu’après avoir porté l’image de l’homme terrestre, nous portions aussi l’image de Celui qui est dans le ciel[8], et qu’en lui, après tous les âges de cette vie, comme après ces septante années qui figuraient mystérieusement la perfection, comme après la captivité de ce long exil, nous puissions non plus être construits en un édifice qui doit crouler un jour, mais être solidement établis dans une immortalité sans fin. Ne croyez pas en effet que la Jérusalem spirituelle soit plus aux Juifs qu’à vous-mêmes. Comme l’a dit en effet l’Apôtre : « Vous n’êtes plus désormais des étrangers, des exilés ; mais vous êtes les concitoyens des saints, habitants de la cité de Dieu, construits sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, édifice dont Jésus-Christ est lui-même la principale pierre angulaire ; c’est sur lui que tout l’édifice construit s’élève jusqu’à devenir un temple consacré au Seigneur ; et c’est par lui que vous faites partie de la construction de cet édifice, devenant la maison de Dieu par l’Esprit-Saint[9] ». Voilà le temple que prophétisaient en figure Aggée et Zacharie, auquel saint Paul dit encore : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple[10] ». Quiconque dès lors veut sortir de ce monde qui tombe en ruines, pour entrer comme pierre vivante dans la construction de cet édifice, et pour espérer une part dans cette union sainte et solide, comprend le titre du psaume, il comprend la conversion d’Aggée et de Zacharie. Qu’il chante notre psaume, non plus par la voix, mais par les œuvres. Et le couronnement de cet édifice sera l’ineffable paix dans la sagesse, dont le commencement est la crainte du Seigneur[11] : qu’il commence par cette crainte, celui qui veut par sa conversion entrer dans l’édifice spirituel.
2. « Bienheureux l’homme qui craint le Seigneur, qui se tait un bonheur d’accomplir sa loi[12] ». C’est à Dieu, qui seul juge avec miséricorde et vérité, de voir combien notre interlocuteur a marché dans ses commandements : « Car la vie de l’homme sur la terre est une épreuve sans fin[13] », a dit Job. Et il est dit encore que le corps corruptible appesantit l’âme, et que cette habitation terrestre abat l’esprit capable des plus hautes pensées[14]. Or, celui qui nous juge, c’est le Seigneur, et nous ne devons pas juger avant le temps, « jusqu’à ce que le Seigneur vienne et qu’il éclaire ce qui est caché dans les ténèbres, qu’il manifeste les pensées des cœurs ; et alors chacun recevra sa louange de Dieu[15] ».

  1. Mt. 1,17
  2. Jer. 25,12 ; 29,10
  3. Esdr. 1,1
  4. Agg. 1,1 ; Zach. 1,1-26
  5. Jn. 2,19
  6. 1 Pi. 2,4-6
  7. Isa. 28,16
  8. 1 Cor. 15,49
  9. Eph. 2,19-22
  10. 1 Cor. 3,17
  11. Prov. 1,7
  12. Ps. 111,1
  13. Job. 7,1
  14. Sag. 9,15
  15. 1 Cor. 4,4-5