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montré dans cette forme dont il est dit : « C’est ainsi qu’il viendra[1] ». Qu’est-ce donc qu’il ne doit point voir ? « C’est moi-même que je lui montrerai[2] ». Qu’est-ce à dire, « moi-même ? » Non plus la forme de l’esclave. Qu’est-ce donc « moi – même ? » Cette forme de Dieu, dans laquelle j’ai cru, sans usurpation, être égal à Dieu[3]. Qu’est-ce que « moi-même ? » « Nous sommes les enfants de Dieu, mes bien-aimés, et ce que nous serons un jour ne paraît point encore : nous savons que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui, puisque nous le verrons tel qu’il est[4] ». C’est là cette clarté de Dieu, lumière ineffable, source de lumière qui est sans changement, vérité sans défaut, sagesse demeurant en elle-même, quand elle renouvelle toutes choses[5]. Telle est la substance de Dieu. L’impie sera donc banni afin qu’il ne voie pas la gloire du Seigneur. « Bienheureux les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu[6] ».
13. Il me semble donc, mes frères, autant que Dieu m’a fait capable de comprendre cette expression, qu’il s’agit ici du temps, si toutefois on peut l’appeler un temps, et néanmoins c’est dans le temps que nous devons arriver à ce point que le temps ne mesure plus ; c’est de ce temps, me semble-t-il, qu’il est question ici, et toutefois, je parle sans préjudice de ce qu’un autre pourra dire de mieux, de plus clair, de plus probable : voilà, ce me semble, ce que signifie « Avec vous est le commencement, au jour de votre puissance ». Il me semble enfin que le verset suivant nous donne une clarté suffisante. Il est question en effet de cette puissance, qui a imposé le joug du Christ aux nations, qui les a mises sous ses pieds, non avec le fer, mais avec le bois ; et bien que cela ait lieu dans sa chair, ait lieu dans son humilité, ait lieu même dans la forme de l’esclave ; on comprend néanmoins quelle était l’étendue de cette force, car ce qui est faible en Dieu, est plus fort que tous les hommes[7]. Comme il est donc ici question de cette force qui nous est signalée par ces paroles : « Le Seigneur fera sortir de Sion le sceptre de votre puissance ; dominez au milieu de vos ennemis » : et quelle force en effet que celle qui domine au milieu de ces ennemis frémissants contre lui d’une rage impuissante, et disant chaque jour : « Quand son nom périra-t-il[8] ? » tandis que sa gloire s’étend sur tous les peuples, que toutes les nations sont soumises à son nom, qu’à cette vue le pécheur frémit, grince les dents et sèche de dépit[9], comme c’est là, dis-je, l’effet de sa puissance, et que le Prophète veut nous signaler un autre effet de sa force, et envisager le Christ comme vertu de Dieu, comme sagesse de Dieu dans les rayons de celte lumière éternelle, de cette immuable vérité ; vision a laquelle nous sommes réservés, vision maintenant différée, vision pour laquelle nous sommes purifiés par la foi, vision dont l’impie est exclu, parce qu’il ne verra point la splendeur du Seigneur ; voilà pour quel motif le Prophète s’écrie : « Avec vous est le commencement au jour de votre puissance ». Qu’est-ce à dire : « Avec vous est le commencement ? » Entendez par là ce qu’il vous plaira. Si vous entendez le Christ, il vaudrait mieux dire : « C’est vous qui êtes le » ; et non : « Avec vous est le commencement ». Répondant aux Juifs, qui lui demandaient : « Qui êtes-vous ? » « Je suis », dit-il, « le commencement, et c’est pour cela que je vous parle[10] ». Car le Père, de qui est engendré le Fils unique, est aussi le commencement, et c’est dans ce commencement qu’était le Verbe, parce que le Verbe était en Dieu[11]. Quoi donc ! si le Père est le commencement, si le Fils est le commencement, y a-t-il deux commencements ? Loin de là. Si le Père est Dieu en effet, le Fils est Dieu aussi, et le Père et le Fils ne sont point deux dieux, mais un seul Dieu : de même le Père est commencement, le Fils est commencement, et le Père et le Fils ne sont point deux commencements, mais un seul principe. « Avec vous est le commencement ». Alors on verra de quelle manière le commencement est avec vous. Ce n’est pas que le commencement ne soit point avec vous ici-bas. N’avez-vous pas dit en effet : « Voilà que vous allez chacun de votre côté, et me laissez seul ; mais je ne suis point seul, car mon Père est avec moi[12] ? » Ici-bas, donc, « avec vous est le principe ». Vous avez dit ailleurs aussi « C’est mon Père qui demeure en moi, fait ces œuvres qui sont les siennes[13] ». Avec

  1. Act. 1,11
  2. Jn. 14,25
  3. Phil. 3,6-7
  4. Jn. 3,2
  5. Sag. 7,27
  6. Mt. 5,8
  7. 1 Cor. 1,25
  8. Ps. 40,3
  9. Id. 111,10
  10. Jn. 8,25
  11. Id. 1,1
  12. Id. 16,32
  13. Id. 14,10