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comme pour en donner la raison, il ajoute : « Vous formez la douleur comme un précepte ». Ce qui me fait comprendre qu’il n’y a près de vous aucun trône d’iniquité, c’est que vous ne nous épargnez point. Nous lisons dans l’épître de saint Pierre un passage qu’il emprunte aux saintes Écritures, et qui est une preuve de ceci : « Voici le moment », dit-il, « où le jugement va commencer par la maison du Seigneur[1] » ; c’est-à-dire, le moment où vont être jugés ceux qui appartiennent à la maison du Seigneur. Si les enfants sont châtiés, que ne doivent pas attendre les serviteurs infidèles ? Puis saint Pierre ajoute : « Si le Seigneur commence ainsi par nous, que peuvent attendre ceux qui ne croient point à l’Évangile ? » Ce qu’il appuie de ce témoignage : « Et si le juste est à peine sauvé, que deviendront le pécheur et l’impie[2] ? » Comment les impies seraient-ils avec vous, puisque vous n’épargnez pas vos fidèles serviteurs, que vous exercez et que vous châtiez ? Mais comme c’est pour nous instruire qu’il ne nous épargne point, le Psalmiste a dit : « Vous formez la douleur comme un précepte ». Vous la formez, c’est-à-dire vous la faites, vous la créez, vous la pétrissez : Fingis ; vous lui donnez une forme ; de là vient que l’ouvrier d’argile se nomma Fingulus, et le vase qu’il forme fictile, car le mot fictum ne signifie pas toujours mensonge, mais ce que l’on prépare en lui donnant une forme, ce qui a donc une certaine forme, ainsi que le Psalmiste l’a dit : Celui qui a formé l’œil ne verra-t-il point ? Qui finxit oculum, et cette expression finxit ne désigne aucune feinte, mais elle signifie donner une forme à l’œil, faire l’œil. Dieu ne ressemble-t-il pas à l’ouvrier d’argile, figulus, quand il fait l’homme si fragile, si faible, si terrestre ? Écoute cette parole de l’Apôtre : « Nous avons ce trésor dans des vases de terre[3] ». Mais peut-être ces vases de terre nous viennent-ils d’un autre ? Écoute sa réponse : « O homme, qui es-tu pour oser répondre à Dieu ? Le vase d’argile a-t-il droit de dire à celui qui l’a fait : Pourquoi m’avez-vous fait ainsi ? Le potier n’a-t-il pas le droit de former avec la même masse d’argile ou un vase d’honneur, ou un vase d’ignominie[4] ? » Vois dans l’Évangile que le Christ Notre-Seigneur se compare à l’ouvrier d’argile ; car s’il a fait l’homme avec de la boue[5], ce fut aussi de la boue qu’il mit sur les yeux de celui dont il n’avait formé les yeux que d’une manière imparfaite au sein de sa mère[6]. Donc cette parole : « Y aura-t-il près de vous un siège pour l’iniquité, quand vous préparez la douleur comme un précepte ? » nous devons l’entendre comme s’il disait : Y aura-t-il près de vous un siège pour l’iniquité, vous qui formez la douleur comme un précepte ? Qui formez la douleur comme un précepte, qui nous faites un précepte de la douleur, en sorte qu’elle nous soit imposée. Comment la douleur est-elle un précepte pour nous ? C’est quand celui qui est mort pour toi te flagelle, sans te promettre le bonheur en cette vie, lui qui ne peut tromper, et qui ne te donne point ici-bas ce que tu cherches. Quel bien donnera-t-il ? Où le donnera-t-il ? Combien donnera-t-il, lui qui ne donne rien en cette vie, qui châtie en cette vie, qui fait de la douleur un précepte ? C’est maintenant le temps du travail, le repos nous est promis pour la suite. Tu considères le labeur qui t’échoit en cette vie, mais considère le repos que Dieu te promet. Peux-tu seulement te le figurer ? Si tu le pouvais, tu comprendrais que ton travail ne saurait lui être comparé. Écoute celui qui voyait ces biens en partie, qui s’écriait : « Je connais ce maintenant en partie seulement[7] » ; que nous dit l’Apôtre ? « Nos tribulations actuelles qui doivent passer, et qui sont légères, préparent en nous, d’une manière incroyable et incomparable, un poids éternel de gloire ». Qu’est-ce à dire « un poids éternel de gloire ? » Pour qui cette gloire ? « Pour ceux qui ne s’arrêtent point à ce qu’on voit, mais à ce qui est invisible. Car ce que l’on voit n’est que pour un temps, ce que l’on ce ne voit pas est éternel[8] ». Ne t’amollis point dans un travail qui passe rapidement, et tu jouiras d’un bonheur sans fin. Dieu te donnera la vie éternelle ; juge de quel travail tu la dois acheter.
24. Écoutez, bien, mes frères, voici un marché. Tout ce que j’ai est à vendre, dit le Seigneur, achète-le. Qu’a-t-il à vendre ? Il a un repos à vendre, achète-le par le travail. Écoutez afin que nous soyons au nom du

  1. 1 Pi. 4,17
  2. Id. 18 ; Prov. 11,31
  3. 2 Cor. 4,7
  4. Rom. 9,20-21
  5. Gen. 2,7
  6. Jn. 9,1-6
  7. 1 Cor. 13,12
  8. 2 Cor. 4,17-18