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Car les bienheureux ne passeront point à la vision du Père, sans voir aussi le Fils. Si l’on ne voyait en effet le Fils dans le Père, ce même Fils ne dirait point à ses disciples, que le Fils est dans le Père, comme le Père est dans le Fils. Voilà que ses disciples lui disent : « Montrez-nous le Père, et cela nous suffit ». Il répond : « Depuis si longtemps je suis avec vous, et vous ne me connaissez point ? Philippe, quiconque me voit, voit aussi mon Père ». Remarquez : voir le Père, c’est voir aussi le Fils, comme voir le Fils, c’est voir aussi le Père. Aussi le Sauveur a-t-il ajouté : « Ne savez-vous donc pas que je suis en mon Père, et que mon Père est en moi ? » C’est-à-dire, en me voyant on voit mon Père, et en voyant le Père on voit le Fils ; on ne peut les séparer dans la vision bienheureuse, comme on ne peut les séparer dans leur nature et dans leur substance. Et pour vous montrer que le cœur doit se préparer à voir la divinité du Père et du Fils et du Saint-Esprit, que nous croyons sans la voir encore, en purifiant néanmoins notre cœur par cette croyance, afin que nous puissions lavoir un jour, le Seigneur a dit à un autre endroit : « Celui qui écoute mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime : or, celui qui m’aime, sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai, et me montrerai à lui[1] ». Ceux à qui il parlait, ne le voyaient-ils donc point ? Ils le voyaient, et ne le voyaient point ; ils voyaient dans un sens, et croyaient dans un autre sens ; ils voyaient un homme, ils croyaient in Dieu. Or, au jugement ils verront avec les impies le même Jésus Notre-Seigneur ; après le jugement ils verront Dieu à l’exclusion des impies. « Donnez la puissance à votre serviteur ».
22. « Et sauvez le fils de votre servante[2] ». Ce fils de la servante est Notre-Seigneur. De quelle servante ? de celle qui répondit, quand on lui annonça Celui qui devait naître : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole[3] ». Sauver le Fils de la servante, c’était donc sauver son Fils : son Fils dans la forme de Dieu, le fils de la servante sous la forme de l’esclave[4]. C’est donc de la servante du Seigneur qu’est né Notre-Seigneur, sous la forme de l’esclave, lui qui dit : « Sauvez le fils de votre servante ». Il a été sauvé de la mort, comme vous le savez, et sa chair qui était morte a repris la vie. Mais afin que vous sachiez qu’il est Dieu, et qu’il n’est point ressuscité par son Père, tellement que lui-même ne fût rien dans la résurrection, puisque lui-même aussi a ressuscité sa chair, vous lisez dans l’Évangile cette parole : « Détruisez le temple de Dieu, et je le rétablirai en trois jours[5] ». Et pour nous interdire tout autre sens, l’Évangéliste ajoute : « Il parlait ainsi du temple de son « corps[6] ». Donc le fils de la servante a été sauvé. Que tout chrétien incorporé au Christ, s’écrie aussi : « Sauvez le fils de votre servante ». Peut-être ne peut-il point dire : « Donnez la puissance à votre Fils », puisque ce Fils a réellement reçu la puissance. Mais pourquoi ne pas le dire également ? N’est-ce pas à des serviteurs qu’il est dit : « Vous vous assiérez sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël[7] ? » Des serviteurs ne disent-ils pas : « Ignorez-vous que nous jugerons les anges[8] ? » Chacun des saints reçoit donc ce pouvoir, et chacun des saints est le fils de la servante. Mais, s’il est né d’une païenne pour devenir ensuite chrétien : comment le fils d’une païenne peut-il être le fils de la servante ? Il est alors fils d’une païenne selon la chair, mais fils de l’Église selon l’esprit. « Sauvez le fils de votre servante ».
23. « Donnez-moi un signe de votre faveur[9] ». Quel signe, sinon celui de la résurrection ? Le Seigneur a dit : « Cette génération dépravée et rebelle demande un signe, et il ne lui sera donné aucun anti-signe que celui du prophète Jonas. De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’Homme sera trois jours dans le sein de la terre[10] ». Donc ce signe de faveur s’est accompli dans notre chef ; mais que chacun de nous s’écrie : « Donnez-moi un signe de votre faveur » ; car nous devons, nous aussi, être changés, quand au son de la dernière trompette, à l’avènement du Seigneur, les morts ressusciteront pour être incorruptibles[11]. Tel sera le signe de la faveur divine. « Donnez-moi un signe de votre faveur, afin que mes ennemis le voient et en soient confondus ». Au jugement ils éprouveront une confusion funeste, ceux qui n’ont pas voulu d’une confusion

  1. Jn. 14,8-10.21
  2. Ps. 85,16
  3. Lc. 1,38
  4. Phil. 2,6
  5. Jn. 2,19
  6. Id. 21
  7. Mt. 19,28
  8. 1 Cor. 6,3
  9. Ps. 85,17
  10. Mt. 12,39-40
  11. 1 Cor. 15,52