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qui déjà ne meurt plus, et sur qui la mort a perdu son empire[1] ». « Il vivra donc » celui dont on a méprisé la mort : puisque selon le mot d’un autre Prophète : « Sa vie e fut retranchée de dessus la terre[2] ». Mais qu’est-ce à dire qu’on « lui donnera de l’or de l’Arabie ? » De là, en effet, Salomon tira de l’or, et cela devient pour le Psalmiste une figure du véritable Salomon, ou du véritable pacifique. L’ancien Salomon, en effet, ne domina point « depuis le fleuve jusqu’aux extrémités du monde ». Cette prophétie nous marque alors que les sages du monde eux-mêmes croiront au Christ. Par l’Arabie nous entendons les Gentils ; par l’or, cette sagesse qui est au-dessus des autres sciences, comme l’or au-dessus des métaux. De là cette parole : « Recevez la prudence comme l’argent, et l’or comme un or éprouvé[3]. Il sera l’objet éternel de leurs vœux ». Comme il y a dans le grec, peri autou, plusieurs ont traduit qu’on fera des vœux « à son sujet » ; d’autres, « pour lui-même », ou « pour lui ». Or, qu’est-ce que faire des vœux « à son sujet », sinon peut-être dire : « Que votre règne arrive[4] ? » Or, l’avènement du Christ sera pour les fidèles l’entrée du royaume de Dieu. Mais il est assez difficile de comprendre « pour lui », sinon que prier pour l’Église, c’est aussi prier pour lui, puisqu’elle est son corps mystique, C’est en effet le Christ et l’Église que figure ce grand sacrement : « Ils seront deux dans une même chair[5] ». Quant au reste du sujet : « Tout le jour ils le béniront », il est assez évident que c’est pendant les siècles.
18. « Il sera sur la terre le ferme appui des hautes montagnes[6]. Car toutes les promesses de Dieu ont en lui leur affirmation[7] » ; c’est-à-dire, se confirment en lui. Car c’est en lui que s’accomplit tout ce qu’ont annoncé les Prophètes au sujet de notre salut. Il convient, en effet, d’entendre par ces montagnes les auteurs dont Dieu s’est servi pour nous donner les livres saints ; Jésus-Christ devient pour eux un ferme appui, parce que c’est à lui que se rapporte tout ce que Dieu a fait écrire. Il a voulu que cela fût écrit sur la terre, parce que c’est pour ceux qui vivent sur la terre qu’il l’a fait écrire ; et que lui-même n’est venu sur la terre qu’afin de le confirmer, ou d’en montrer en lui l’accomplissement. « Il fallait », dit-il, « que s’accomplit tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les psaumes[8] » : c’est-à-dire « sur les hautes montagnes ». Voilà que « dans les derniers jours, la montagne du Seigneur se manifestera et s’élèvera sur le sommet des montagnes[9] ». Ce que le psaume exprime ainsi : « Sur les hautes montagnes. Et son fruit dominera les sommets du Liban ». Le Liban a d’ordinaire pour nous le sens des dignités du siècle, car c’est une montagne dont les arbres sont très élevés, et dont le nom signifie blancheur. Or, quelle merveille que le fruit du Christ s’élève au-dessus de tous les prestiges du siècle, puisque tous ceux qui aiment ce fruit ont dédaigné ce qu’il y a d’éclatant et d’élevé dans le monde ? Si nous entendons le Liban dans un sens favorable, à cause « des cèdres du Liban que Dieu a plantés[10] », que devons-nous entendre par ce fruit qui s’élève au-dessus du Liban, sinon celui que nous marque saint Paul, quand il va parler de la charité : « Je vous montrerai une voie plus élevée encore[11] ? » C’est là ce qu’il met au premier rang dans les dons de Dieu, quand il dit : « Or, le fruit de l’Esprit-Saint est la charité[12] », et le reste, qu’il énumère ensuite. « Et ils fleuriront dans la cité comme les plantes de la terre ». Le mot de cité n’est point ici déterminé, et il n’est point dit : sa ville, ou la ville de Dieu, mais seulement : dans la cité ; nous le prendrons en bonne part, et ce sera dans la cité de Dieu, ou dans l’Église, qu’ils fleuriront comme l’herbe ; mais une herbe qui porte du fruit, comme le froment ; car lui-même a le nom de plante dans les saintes Écritures ; ainsi dans la Genèse Dieu ordonne à la terre de produire toute espèce d’arbres, toute espèce de plantes[13], et il n’est point dit toute espèce de froment, ce qui n’eût pas été omis certainement, s’il n’eût pas été compris sous le nom générique des plantes ; on en trouve encore beaucoup d’exemples dans les Écritures. Mais si nous devons donner à ces paroles : « Ils fleuriront comme les plantes de la terre », le sens de : « Toute chair est une herbe, et tout éclat pour l’homme n’est qu’une fleur des plantes[14] », alors la cité nous désignera la société du

  1. Rom. 6,9
  2. Isa. 53,8 ; Act. 8,33
  3. Prov. 8,10-11
  4. Mt. 6,10
  5. Eph. 5,31-32
  6. Ps. 62,16
  7. 2 Cor. 1,20
  8. Lc. 24,44
  9. Isa. 2,2
  10. Ps. 103,16
  11. 1 Cor. 12,31
  12. Gal. 5,22
  13. Gen. 2,11
  14. Isa. 40,6