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« J’entrerai dans la puissance du Seigneur[1] » ; non point dans la mienne, mais dans celle du Seigneur. Pour eux, en effet, ils se glorifient dans la lettre, et dès lors n’ont point connu la grâce jointe à la lettre. « Car c’est Moïse qui a donné la loi, et Jésus-Christ la grâce et la vérité[2] ». C’est lui qui est venu pour accomplir la loi, quand il nous a fait don de la charité, par laquelle on peut l’accomplir ; « puisque la loi dans sa plénitude, c’est la charité[3] ». Mais les Juifs n’ayant point la charité, c’est-à-dire, n’ayant point l’esprit de la grâce : « Car la charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[4] » ; en sont restés à se glorifier dans la lettre. Et comme « la lettre tue, et que l’esprit vivifie[5] ; moi qui n’ai point connu la lettre, j’entrerai dans la puissance du Seigneur ». Tel est le sens que vient confirmer et achever d’éclaircir le verset suivant, de manière à le fixer dans le cœur des hommes, et à ne laisser notre intelligence dans aucun doute. « Seigneur », dit le Prophète, « je ne me souviendrai uniquement que de votre justice ». Uniquement ! Pourquoi donc, mes frères, ajouter uniquement ? Il suffirait de dire : Je me souviendrai de votre justice. « Uniquement », dit le Prophète, et non de la mienne. « Qu’avez-vous, en effet, que vous n’ayez point reçu ? Et si vous avez reçu, pourquoi vous glorifier, comme si vous n’aviez point reçu[6] ? » C’est uniquement votre justice qui me délivre, il n’y a de moi que le péché seulement. Que je ne m’applaudisse donc point de mes propres forces, que je ne demeure point dans la lettre : que je répudie toute littérature, c’est-à-dire tous les hommes qui se glorifient de la lettre, qui semblables à des frénétiques s’appuient sur leurs forces pour leur malheur : que je répudie ces hommes, afin que je vive dans la puissance du Seigneur, que je sois fort alors même que je serai faible, et que vous, ô Dieu, soyez puissant en moi, parce que « je me souviendrai uniquement de votre justice ».

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 70

DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.

LA GRÂCE PAR LE CHRIST (SUITE).

L’orgueil nous a éloignés de Dieu, la fatigue nous y ramènera par la grâce, qui est un don gratuit et que n’a précédée en nous aucun mérite, car c’est de l’homme animal créé le premier, que nous vient la captivité, et dis second homme, ou de l’homme spirituel, la délivrance. Écoutons le Seigneur, et ne tuons point l’héritier. Dès notre jeunesse il nous a montré que nous sommes des déserteurs, que la grâce seule nous ramène comme le Prodigue, que depuis notre conversion, c’est encore lui qui est notre guide, car il est la voie, en dehors de laquelle nous uie pouvons marcher sans trouver la mort, puisqu’il est la vie. Et l’Église publiera jusqu’à la fin du monde la grâce du Christ, la délivrance par le Christ, les merveilles qui sont l’œuvre du Christ. L’homme a voulu être comme Dieu, et s’éloigner de Dieu, tandis qu’il ne peut être comme Dieu qu’en demeurant en lui. La défense de toucher à l’arbre de la science du bien et du mal était le moyen de maintenir l’homme dans une soumission qu’il voulut secouer, et en dehors de Dieu qui est le bien, il ne trouva qu’une profonde misère. Il ne revient à Dieu qu’en disant : « Qui est semblable à Dieu ? » Le Christ alors nous tire de l’abîme, une première fois en ressuscitant dans cette chair qu’il tient de nous ; une seconde fois, en nous donnant l’espérance de la résurrection ; une troisième fois, quand nous ressusciterons réellement. Chantons, et des lèvres et du cœur, sa justice qui se multiplie. Bénissons-le avec l’Église jusqu’à la fin des temps.


1. Hier nous avons démontré à votre charité que ce psaume nous prêche la grâce de Dieu, qui nous sauve gratuitement, sans que nous ayons auparavant mérité autre chose que la damnation ; mais comme nous ne pouvions l’expliquer entièrement hier, nous avons réservé pour aujourd’hui la seconde partie, vous promettant d’acquitter notre dette

  1. Ps. 70,16
  2. Jn. 1,17
  3. Rom. 13,10
  4. Id. 5,5
  5. 2 Cor. 3,6
  6. 1 Cor. 4,7