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CHAPITRE XX. QUE DIEU AGIT AUJOURD’HUI MÊME.


40. Distinguons maintenant les œuvres que Dieu fait encore, des œuvres dont il s’est reposé le septième jour. Il y a en effet des philosophes qui pensent que Dieu s’est borné à créer le monde, que tout ensuite s’accomplit naturellement dans le monde, d’après l’ordre que Dieu y a établi, tandis qu’il demeure inactif. Cette opinion est réfutée par cette parole du Seigneur lui-même : « Mon Père agit encore aujourd’hui. » Et pour qu’on ne s’imagine pas que le Père agissait dans son Fils sans agir dans le monde, il ajoute : « Mon Père qui demeure en moi, accomplit ses œuvres : et, le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît[1]. » Cette activité ne produit pas seulement des miracles et de grands évènements : elle s’étend aux moindres phénomènes qui s’accomplissent ici-bas comme nous le dit l’Apôtre : « Insensé, le grain que tu jettes dans la terre, meurt avant de prendre une vie nouvelle ; et ce que tu sèmes n’est pas le corps même qui doit venir. Ce n’est qu’un simple grain ; comme celui du froment ou de tout autre plante. Dieu néanmoins lui donne un corps selon sa volonté, et à chaque semence son corps propre[2]. » Croyons donc et comprenons même, si nous en sommes capables, que Dieu continue d’agir dans le monde, et que la création disparaîtrait, si le concours divin venait à lui manquer.
41. Une faut pas s’imaginer que Dieu aujourd’hui crée dans les êtres des espèces dont il n’aurait pas déposé les principes dans la création première : ce serait évidemment contredire l’Écriture qui affirme qu’au sixième jour Dieu acheva tous ses ouvrages[3]. Qu’il produise de nouvelles créatures, selon les lois qu’il a établies à l’origine, c’est un point incontestable : mais ce serait une erreur de croire qu’il crée des espèces nouvelles, puisqu’il atout achevé au sixième jour. Ainsi, sa puissance remue secrètement toute la Rature et en fait mouvoir tous les ressorts : les anges accomplissent ses ordres, les astres parcourent leurs orbites, les vents changent de direction, l’abîme se renouvelle par la chute des eaux et 1a formation des vapeurs dans l’atmosphère, les plantes se multiplient et développent leurs semences, les animaux se reproduisent et soutiennent leur existence par la diversité de leurs instincts, les impies enfin peuvent éprouver quelque temps les justes : voilà comment Dieu déroule la suite des siècles qu’il avait pour ainsi dire enveloppée début dans la création. Les siècles ne sauraient en effet se développer avec leurs périodes régulières, si leur auteur cessait de les régir d’après les lois de sa Providence.

CHAPITRE XXI. LA DIVINE PROVIDENCE GOUVERNE TOUT.


42. Ce qui se forme et naît dans le temps, doit nous apprendre à quel point de vue nous devons tout envisager. Ce n’est point inutilement qu’il a été écrit de la Sagesse : « qu’elle se montre en riant à ceux qui l’aiment et qu’elle se présente dans sa providence universelle[4]. » Gardons-nous donc d’écouter ceux qui prétendent que les régions supérieures de l’univers, en d’autres termes, celles qui commencent où finit notre atmosphère, sont seules gouvernées par la Providence, tandis que ces parties basses et humides de la terre, cette atmosphère épaisse où se condensent les émanations de la terre et des eaux, où s’élèvent les nuages et les tempêtes, n’obéissent qu’à, des mouvements irréguliers et pour ainsi dire au hasard. Le Psalmiste réfute ces philosophes dans le cantique où il invite d’abord les cieux à louer l’Eternel ; puis s’adresse aux créatures des régions inférieures en ces termes : « Du milieu de la terre louez le Seigneur, dragons, abîmes, feu et grêle, neige et glace, vents et orages, qui exécutez sa parole[5]. » En apparence c’est le hasard qui déchaîne les orages et les tempêtes, dont la fureur change, bouleverse cette atmosphère, que l’Écriture appelle souvent du même nom que la terre – mais le Psalmiste, en ajoutant que ces éléments « exécutent la parole » de Dieu, montre clairement qu’il y règne un ordre établi par la souveraine Providence, et que l’harmonie universelle nous y échappe plutôt que d’en être absente. Eh quoi ! Le Sauveur, en disant qu’un seul passereau ne tombe pas sur la terre sans la volonté de Dieu[6], que l’herbe des champs qui doit être jetée au feu est vêtue par Dieu même[7], n’affirme-t-il pas de sa propre bouche que les régions du monde assignées aux corps périssables et corruptibles, sont soumises au gouvernement de la Providence, que les plus

  1. Jn. 5, 17, 20-21
  2. 1 Cor. 15, 36-38
  3. Gen. 2, 2
  4. Sag. 6, 17
  5. Ps. 148, 7,8
  6. Mt. 10, 29
  7. Id. 6, 30