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Sauveur : « Je chasse les démons par le doigt de Dieu[1], » et un autre exprime ainsi la même pensée : « Je chasse les démons par l’Esprit de Dieu[2]. » Quand ces divins mystères resplendissent à la lumière d’une saine doctrine, ne donnent-ils pas au cœur une joie qu’on préfère à tous les empires de ce monde, lors même qu’ils jouiraient d’une félicité qu’ils ne connaissent pas ? Semblables aux deux séraphins qui, se répondant l’un à l’autre, chantent les louanges du Très-Haut : Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu des armées[3], les deux Testaments, par une fidèle concordance, chantent la sainte vérité. L’agneau est immolé, la pâque est célébrée, et cinquante jours après, la loi est donnée pour la crainte, écrite avec le doigt de Dieu. Le Christ est mis à mort, comme un agneau qu’on mène à la boucherie, selon les paroles d’Isaïe[4] ; la vraie Pâque est célébrée, et, cinquante jours après, l’Esprit-Saint est donné pour l’amour, l’Esprit-Saint qui est le doigt de Dieu, et contraire aux hommes cherchant leurs intérêts, accablés à cause de cela d’un joug dur et d’un poids lourd, et ne trouvant pas de repos pour leurs âmes, car la charité ne cherche point ses propres intérêts[5]. Aussi l’inquiétude ne quitte-t-elle pas les hérétiques ; l’Apôtre leur trouve le même caractère qu’aux magiciens de Pharaon. « Comme Jamnès et Mambrès, dit-il, résistèrent à Moïse, ceux-ci de même résistent à la vérité ; ce sont des hommes corrompus dans l’esprit et pervertis dans la foi, mais le progrès qu’ils feront aura ses bornes, car leur folie sera connue de tout le monde, comme le fut alors celle de ces magiciens[6]. » Ce fut à cause de cette extrême inquiétude, née de la corruption de l’esprit, qu’ils se trouvèrent en défaut pour le troisième miracle, reconnaissant avoir contre eux l’Esprit-Saint qui était dans Moïse. Ils dirent dans leur impuissance : « Le doigt de Dieu est ici[7]. » De même que l’Esprit-Saint, dans ses miséricordieux apaisements, donne le repos aux doux et aux humbles de cœur, ainsi, dans ses rigueurs ennemies, il livre à l’inquiétude les durs et les superbes. Cette inquiétude est représentée par les petites mouches devant lesquelles furent vaincus les magiciens de Pharaon lorsqu’ils dirent : « Le doigt de Dieu est ici. »

30. Lisez l’Exode, et voyez combien de jours après la célébration de la Pâque la loi frit donnée. Dieu parle à Moïse au désert du Sinaï le premier jour du troisième mois. Marquez donc un jour depuis le commencement de ce troisième mois, et voyez ce que le Seigneur dit entre autres choses : « Descends, parle au peuple, purifie-le et sanctifie-le aujourd’hui et demain ; qu’ils lavent leurs vêtements et qu’ils soient prêts pour le troisième jour, car dans trois jours le Seigneur descendra devant tout le peuple sur la montagne du Sinaï[8]. » La loi fut ainsi donnée le troisième jour du troisième mois. Or, comptez depuis le quatorzième jour du premier mois, où fut faite la pâque, jusqu’au troisième jour du troisième mois, et vous trouverez dix-sept jours du premier, trente du second, trois du troisième, ce qui fait cinquante jours.

La loi dans l’arche figure la sanctification dans le corps du Seigneur, dont la résurrection nous est une promesse du futur repos ; et pour y parvenir l’Esprit-Saint nous inspire la charité. Mais l’Esprit-Saint n’était pas alors donné parce que Jésus n’était pas encore glorifié[9]. De là ce chant prophétique : « Levez-vous, Seigneur, pour entrer dans votre repos, vous et l’arche de votre sanctification[10]. » Où est le repos, là est la sanctification. Aussi nous avons reçu maintenant les prémices de cette sanctification pour que nous aimions et désirions cet heureux repos ; et tous y sont appelés dans l’autre vie, où nous mène, au sortir de celle-ci, le passage qui nous est figuré par la pâque, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

31. Si donc nous multiplions cinquante par trois, et y ajoutons encore trois pour exprimer l’excellence incomparable de ce mystère, nous obtiendrons le nombre de ces gros poissons que le Seigneur, ressuscité et vivant de la vie nouvelle, fit tirer du côté droit[11] ; les filets ne furent point rompus, parce que cette vie nouvelle ne connaîtra point les divisions des hérétiques. Alors l’homme, arrivé à la perfection et au repos, purifié dans son âme et dans son corps par les chastes paroles du Seigneur, qui sont comme l’argent éprouvé au feu dans le creuset et sept fois épuré[12], recevra pour récompense le denier. Nous aurons ici le nombre dix-sept[13],

  1. Luc, XI, 20
  2. Matt. III, 28
  3. Isaïe, VI, 3
  4. Id. LIII, 7
  5. I Cor. XIII, 5
  6. II Tim. III, 8-9
  7. Exode, VIII, 19
  8. Exod. XIX, 10, 11
  9. Jean, VII, 39
  10. Ps. CXXXI, 8
  11. Jean, XXI, 6, 11
  12. Ps. XI, 7
  13. Le nombre de dix-sept est formé ici par le dix de denier et par le sept de l’expression du psalmiste au sujet de l’argent sept fois épuré : purgatum septuplum dans le Ps. XI, 7